Projet lauréat (Agence François Leclercq, Boutté & Associes) |
La
Grande Motte, ses pyramides aztèques revisitées par Vasarely et l’op art : le
rêve d’une architecture populaire et moderne moins fondée sur la nécessité et
les besoins que sur le superflu et les plaisirs. Une création ex nihilo qui a
surgi des marais insalubres languedociens par décision d’État comme la Brasilia
de Niemeyer et Costa s’est élevée sur son plateau désertique par la volonté du
charismatique Juscelino Kubitschek. Mais comment repenser cette station
balnéaire dont le contexte a évolué ? C’est toujours la plage, l’été et le
soleil, mais c’est aussi la métropole montpelliéraine, tous les jours, même en
temps de pluie. Les regards croisés des quatre équipes en lice nous donnent des
indices sur les potentialités de cette hétérotopie des sixties. |
La Grande-Motte c’est surtout les débuts de la Cinquième République du Général de Gaulle. Un État puissant, capable de lancer dans tout le pays de nouvelles infrastructures routières et d’organiser paternellement le temps libre des français en construisant, souvent ex-nihilo, des stations de sport d’hiver dans les montagnes et des villes balnéaires en bordure de mer. Des missions menées par de hauts-fonctionnaires - ici, Pierre Racine - ayant fait leurs classes dans les colonies où ils avaient la charge de territoires très étendus.
Rien ne
semblait prédestiner cette zone marécageuse et malsaine du littoral
languedocien à devenir le sanctuaire d’un nouveau culte solaire. Pour être
domestiquée, cette nature hostile a subi un traitement de choc, comme si une
véritable guerre lui avait été déclarée. D’abord des attaques aériennes : des
avions ont procédé aux campagnes de démoustication en déversant des tonnes de
DTT. Ensuite l’assaut terrestre : des bulldozers ont été lancés pour créer
l’étang du ponant dont les remblais ont servi à exhausser le sol d’environ deux
mètres afin de mettre la ville à l’abri des inondations. Au centre de la future
implantation urbaine, le port a été creusé en fonction des courants et des
vents marins. Son tracé pivote ainsi de 45 degrés par rapport au rivage ce qui
déterminera par la suite l’orientation de la trame viaire du centre-ville.
Après
ces travaux préliminaires, les constructions en béton ont commencé à s’élever pour
former un ensemble coupe-vent protégeant les plantations nouvelles qui achèvent
la transmutation de cette terre aride. Contrairement aux stations plus anciennes,
avides de palmiers et d’autres arbres exotiques, des essences locales ont été
implantées pendant plus de 40 ans pour dessiner une ville-parc dont la
végétation occupe plus du tiers de la surface.
Le sanctuaire d’un nouveau culte solaire
Le projet de
Jean Balladur cherche à exprimer ce nouvel attrait irrésistible pour la mer qui
pendant des siècles était seulement perçue comme un moyen de subsistance. Un
changement de fond qui a débuté au XIXe siècle, d’abord porté par une aristocratie
attirée l’hiver par les lieux de villégiatures tempérés par la présence de
l’eau, puis qui s’est étendu dès la fin de la première guerre mondiale à toutes
les classes sociales pour trouver son acmé dans les années soixante et leurs
périodes estivales de transhumances massives.
Ces formes en
béton uniformément recouvertes d’enduit blanc ont beaucoup de points commun
avec l’architecture brésilienne de la même époque notamment les constructions
hédonistes d’Oscar Niemeyer autour du lac artificiel de Pampulha : club
nautique, galerie d’art, musée, casino… Des réalisations très éloignées des
préoccupations européennes axées sur la question du logement de masse. Mais c’est
étrangement les hautes pyramides barbares des aztèques et des mayas qui ont servi
de modèle à Jean Balladur pour ses constructions trapézoïdales.
L’architecte
démiurge des années soixante n’a pas hésité à jouer sur les syncrétismes les
plus audacieux, dont on pourrait maintenant sourire. Ainsi sa ville se
décompose en deux quartiers : celui du Levant composé de tours phalliques,
et celui du Ponant, rassemblant des immeubles en formes de conques lovées sur une
intimité toute féminine. Au centre la grande pyramide, un immeuble tripode aux
courbes sensuelles conjuguant les caractéristiques des précédents.
L’objet du
concours était d’agrandir le port. Mais aussi de faire en sorte qu’une
population puisse s’installer de manière pérenne dans cette ville qui décuple
l’été sa population et qui reste l’hiver peu occupée. Notamment en construisant
les grands logement familiaux qui manquent cruellement à ce parc
essentiellement composé de deux pièces et de studios conçus pour que les
familles des trente glorieuses puissent s’y entasser les quelques jours de
leurs vacances.
Il était
demandé aux équipes en lice de poursuivre la rue des Voiliers par une nouvelle
digue-promenade et de prévoir dans le port 400 emplacements de bateaux supplémentaires.
De déplacer la zone technique, formant actuellement une césure au pied de la Grande
Pyramide, et de définir à sa place les principes d’un nouveau quartier permettant
la continuité de la skyline des constructions du Ponant et du Levant. Mais
surtout d’accompagner la transformation inéluctable de ce lieu de vacances pour
classes moyennes, décidé par un État Nation paternaliste, en secteur actif d’une
agglomération montpelliéraine qui tend à devenir une métropole globalisée. Autre
changement de paradigme : les aménagements devaient tenir compte de la
transition écologique et réfléchir à des solutions pour certaines pathologies
du site. Notamment les phénomènes d’érosion et d’accrétion concernant respectivement
les plages du Levant et du Ponant…
Le territoire
Agence
François Leclercq, Boutté & Associés (Lauréat)
François
Leclercq a su développer une vision totalement territoriale du projet parfois anecdotique
de Jean Balladur. La ville est vue depuis la mer pour être réinsérée dans son
contexte : le massif des Cévennes, la métropole montpelliéraine, la côte
aquitaine. Un angle d’approche qui permet d’appréhender les immeubles des
années soixante, moins comme des constructions référencées que comme des masses
telluriques entretenant d’intimes correspondances avec le relief montagneux qui
ferme l’horizon. Ainsi le nouveau quartier d’immeubles de grands logements qui
va remplacer la zone technique au pied de la Grande Pyramide est-il moins
dessiné que ceux des concurrents pour mieux s’affirmer comme une géographie. Il
se présente comme des superpositions de plateaux plantés pouvant librement
s’orienter en fonction des vues, des vents et de la lumière.
Ce
quartier est coupé par une diagonale qui permet une liaison efficace des voies
servantes qui, à l’arrière, irriguent la ville aux promenades ostentatoires du
bord de mer : celle de la plage du Ponant, celle de la nouvelle jetée et celle
du quai d’honneur. À ses pieds, le nouveau bassin sera creusé mettant les
logements à proximité des bateaux.
Tandis que les parkings du centre du port seront remplacés par des ateliers
et des hangars ainsi que par un pôle nautique.
Des constructions qui formeront un pôle actif placé au cœur du
dispositif portuaire. Les arbres, à l’origine prévus uniquement dans la partie
Nord par le paysagiste Pierre Pillet pour être protégés des vents marins,
s’immisceront sur les quais pour animer la promenade. Celle-ci sera renforcée par
une chaîne d’espaces publics où des évènements pourront être programmés tout au
long de l’année.
La trame
Carlos Ferrater
La
digue vient s’inscrire dans le prolongement de la rue des Voiliers et son
glissement vers l’Ouest détermine l’emplacement du nouveau bassin. Ce qui
permet le déplacement de la zone technique et des chantiers navals sur une
presqu’île dont la pointe placée face à l’entrée du port est soulignée par
l’héroïque porte-à -faux de la Maison de la mer. Quant aux nouveaux logements,
ils forment un peigne dont les dents - des doubles barres enserrant des
passages - se délitent en d’amples terrasses descendant vers la mer, une
relecture très rationnelle des principes de Jean Balladur.
Le
cordon lagunaire des plages du Levant et du Ponant se poursuit entre la ville
et le port sous la forme d’une pinède composée de plus de mille arbres. La
continuité de cette promenade est renforcée par l’implantation des pièces
urbaines, notamment par la place du forum à l‘est ainsi que par l’école de voile
et la galerie commerçante à l’Ouest.
Contrairement
à l’équipe précédente, soucieuse de géomorphisme, celle réunie autour de Carlos
Ferrater revient d’une manière presque obsessionnelle sur la trame orthogonale
qui régente l’organisation du centre-ville. Tous les aménagements proposés
rentrent ainsi en consonance avec elle, comme s’il s’agissait du contexte
ultime de la ville, à l’instar des grilles coloniales espagnoles qui scarifiaient
les sols vierges de l’Amérique latine.
Ainsi
tous les éléments sont-ils systématiquement soumis à l’orientation originelle, en
suivant des rythmes différents de manière à créer un véritable plan polyphonique.
Les places de parking devant le quai principal reprennent ce thème en mineur,
comme les pavés de céramique ronds et colorés des trottoirs ; les pontons
et les places de bateaux, comme les
halles de la zones techniques et les nouvelles barres de logement…
La plage
Élisabeth de Portzamparc
La
digue et sa promenade viennent poursuivre la rue des Voiliers, mais elles sont
renforcées par les différents équipements portuaires qui s’alignent à l’Est,
sur toute la longueur de la jetée. Ces éléments, scandés par des cours
interstitielles, sont unifiées par des fanons en béton blanc dont les courbes
invoquent une sensualité toute brésilienne. Une solution qui permet de dégager les
vues sur les bateaux et sur la mer depuis le quai d’honneur. Tandis que la
continuité des plages du Ponant et du Levant est assurée par un quai et un pont
mobile qui coupent le port en diagonale. Accompagné de multiples kiosques ce
cheminement festif permet d’intégrer les bassins aux activités urbaines. Quant au
nouveau quartier, il se compose de trois
îlots composés d’agglomérations de plots plus ou moins hauts, dont la skyline
s’accorde à celle des bâtiments existants tout en s’exprimant dans une « écriture
épurée et géométrique ». Les jardins suspendus des constructions les plus
basses savent entrer en écho avec le sol planté.
La mer
Cobe
L’équipe
danoise a appréhendé la ville depuis la mer, comme l’a fait Balladur en son
temps. Comme dans la proposition précédente, le port est dégagé de toute
construction et les nouveaux équipements viennent s’aligner le long de la
nouvelle digue occidentale. Mais ils sont cette fois unifiés par des bandes parallèles
de toitures, plissées et dynamiques. D’amplitude différentes et équipées de
panneaux solaires blancs, elles évoquent aussi bien les sheds des bâtiments
industriels que les mouvements des vagues. Un thème que l’on retrouve dans la
grande ombrière qui vient requalifier le quai d’honneur.
Les
nouveaux immeubles de logements se posent comme des mises à jour des trapèzes
balladuriens vintages. Base en retrait, bloc étages en encorbellement, toiture
pyramidale, le tout emballé dans une enveloppe uniforme dont les ouvertures
sont cette fois triangulaires.
Un
projet qui reste très graphique mais qui témoigne cependant de l’intérêt porté
à cette station par une nouvelle génération d’architectes. Ainsi Sou Fujimoto aurait-il
présenté un dossier pour participer à la consultation...
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