Alors que personne ne propose de solutions crédibles pour sortir de la crise du logement – peut-être parce qu’à court terme il n’y en a pas et qu’à long terme il faut un sacré courage politique –, une petite ville de 52 hectares accueillant notamment 2 807 logements vient d’être livrée en Seine-Saint-Denis en « seulement » trois ans d’études puis trois ans de chantier. Quand on veut, on peut, serait-on tenté de conclure… Ce Village des athlètes, qui accueillera 14 500 sportifs pendant les Jeux olympiques avant d’être habilement transformé en logements, se voulait la vitrine des savoir-faire français, n’incarnant rien de moins que « l’urbanisme du XXIe siècle grâce à sa performance énergétique, sa neutralité carbone et une forte valorisation de la biodiversité1 ».
Pendant qu’à Notre-Dame on nommait un général de corps d’armée pour mener le chantier à terme, le Village olympique se trouvait un amiral en la personne de l’académicien Dominique Perrault qui, en roi de la métaphore, proposait un urbanisme tout militaire avec de grands navires amarrés aux berges. Furent ensuite convoqués des urbanistes, des paysagistes et des architectes parmi les meilleurs de leur génération afin que ce plan d’une redoutable efficacité puisse répondre aux promesses d’un aménagement « désirable », « imaginé pour favoriser le “vivre-ensemble” et le développement d’une société inclusive2 » (sic). On s’est vanté d’employer massivement du « béton bas carbone », cet oxymore, puissant agent du greenwashing ; tout devait être biosourcé, en bois et hautement recyclable, mais les promesses chiffrées annoncées lors du lancement de l’opération ont aujourd’hui disparu des sites promotionnels. Les délais, plutôt courts, et les objectifs mirobolants de neutralité carbone ont eu le mérite, une fois confrontés à la dure réalité des réglementations et du marché, de montrer à quel point la révolution du monde de la construction est encore loin de solutions à l’échelle des défis environnementaux. En attendant, on se réjouira d’innovations qui, à n’en pas douter, entreront dans les annales des Jeux, comme ce système de recyclage du caca dans les sous-sols d’un immeuble3 ou ces « bulles d’air purifiées ». Il faudra cependant attendre le départ des athlètes et l’arrivée des habitants pour juger de l’aménité de cet imposant morceau de ville qui n’a rien d’un village gaulois.
Emmanuel Caille
1. Sur le site de la Solideo : projets.ouvrages-olympiques.fr
2. Ibid.
3. « Eaux usées : un réseau conçu pour revaloriser », Amélie Luquain avec Julie Nicolas, 22 juin 2023, lemoniteur.fr
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