Dolmens, temples, cathédrales, clochers de villages ou couvents, on aurait presque oublié combien les lieux de culte ont depuis toujours structuré nos villes et nos territoires. Si aujourd’hui ce sont davantage les malls commerciaux ou les stades qui remplissent cette fonction, quelle place notre société sécularisée laisse-t-elle encore au sacré dans le paysage urbain ? Conflictuelle depuis longtemps déjà lorsqu’il s’agit d’implanter de nouvelles églises, la construction de mosquées l’est évidemment encore plus dans un pays ébranlé par un malaise identitaire qui a contaminé l’ensemble des débats publics. Quant aux synagogues, elles sont malheureusement pour l’instant condamnées à la plus extrême discrétion. La place que l’on accorde à une communauté spirituelle dans la ville mais aussi les valeurs que celle-ci renvoie à travers l’architecture qu’elle se donne sont des signes qui témoignent très intelligiblement des enjeux qui traversent la question politique du religieux.
Contrairement à la nouvelle église orthodoxe du pont de l’Alma, les mosquées françaises sont souvent reléguées dans les franges périurbaines les plus ingrates. Leur architecture ne témoigne en tout cas guère de la vitalité culturelle d’un renouveau spirituel. Le beau et courageux projet de « centre musulman » lancé par la ville de Bordeaux demeure un exemple trop rare. Fruit d’un concours de maîtrise d’œuvre, il n’a d’ailleurs pour l’instant pu aboutir, comme d’ailleurs récemment – et pour des raisons différentes – celui de la grande mosquée de Marseille. En ces temps de crispation identitaire, on pourrait se laisser aller à rêver qu’autour de la réflexion architecturale puissent s’instaurer à la fois un dialogue détaché des stéréotypes et un renouveau de la laïcité. Un vœu pieux, forcément.
Emmanuel Caille
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