Vue extérieure depuis le parvis, Kempe Thill |
Pas de grands gestes, pas de grands récits
mais de petites histoires pour ce musée de plein air qui soutient la
progression de la ville vers le nord. Il accompagnera la mue de la partie
méridionale du gigantesque port industriel qui se ramifie en de multiples
bassins le long de l’estuaire de l’Escaut. |
La ville d’Anvers, prisonnière de ses infrastructures, poursuit sa reconquête des berges de l’Escaut et d’une partie des bassins de son port, le second en Europe après Rotterdam. Un paysage de quais creusés de darses et équipé de batteries de grues pour accueillir d’impressionnants porte-conteneurs dans des champs de gazomètres et de citernes s’étendant jusqu’à l’horizon. Une petite mer fermée et protégée des marées et des crus par d’immenses écluses, parmi les plus importantes au monde. Logements, bureaux, hôpital viennent déjà s’immiscer dans la partie historique de la zone portuaire alors que de nouveaux bassins sont creusés sur la rive opposée. Deux interventions événementielles accompagnent cette irrésistible progression vers le nord. La première, le MAS – le Musée sur le cours de l’eau, conçu par l’agence Neutelings & Riedijk –, se dresse à proximité des premiers bassins du port moderne voulu par Napoléon, comme une tour de Babel de grès rouge offrant de multiples belvédères sur la ville et ses environs. Tandis que la seconde, la Maison du port construite par Zaha Hadid, s’affirme comme une forme cristalline et allongée. Construite en porte-à -faux sur une ancienne caserne de pompiers, elle trace un trait d’union entre deux mondes : les bassins nouvellement intégrés à la ville et le grand canal qui part en angle droit pour desservir le port industriel. C’est entre ces deux repères, dans les bassins à sec permettant de construire ou de réparer les bateaux, que s’installera le nouveau Musée maritime.
Entre
rationalisation et pur onirisme
Il
s’agissait de réutiliser les constructions existantes et d’inscrire les bassins
à sec dans un parcours muséographique permettant d’appréhender les bateaux dans
leur site propre. Ainsi la vaste emprise en brique et son angle arrondi
vaguement art déco a-t-elle été réutilisée par toutes les équipes, comme la nef
métallique de la station de pompage datant du XIXe siècle et aujourd’hui
encastrée dans une construction générique. D’autres corps de bâtiment ont été
édifiés, soit pour construire un étalement centrifuge, soit pour composer un
ensemble plus massif et centripète. Les visiteurs traverseront ainsi
indifféremment les ateliers de restauration et les salles d’exposition avant de
se promener sur les quais pour voir les bateaux montés sur des échasses au fond
des bassins de radoub. Loin du musée traditionnel, ce sera un bâtiment vivant
montrant la valeur patrimoniale du travail des restaurateurs en prise avec les
anciennes épaves qui y seront exposées. À l’instar de la coque de Doel, les
restes d’un vaisseau médiéval datant de la Ligue hanséatique récemment exhumés
des limons du fleuve, qu’il est prévu de réparer publiquement dès l’ouverture
du musée avant de lui accorder un espace dédié au cœur des collections… Après
le MAS, qui raconte l’histoire maritime d’Anvers, puis le musée de la Red Star
Line, la compagnie qui transporta plus de 2 millions de migrants vers
l’Amérique du Nord, il s’agira de confronter physiquement le public avec le
monde portuaire et de pulser de l’animation sur ces surfaces désertées. Les
équipes retenues pour participer à la consultation – essentiellement flamandes,
anglaises et néerlandaises – ont su jouer sur l’impression de banalité et de
mystère qui nimbe les hangars et les quais tout en se retenant de produire de
grands gestes qui auraient paru inconvenants dans ce contexte. Entre discours
et figure : les réponses oscillent entre des compositions savantes raccordant
le port à la ville et des associations libres jouant avec les puissantes images
oniriques qui s’attachent à l’univers portuaire… Le jeu inhabituel des
échelles, la poétique prégnante des équipements des quais – bites d’amarrage,
ancres, grues aux formes souvent surprenantes, ponts roulants et ponts
transbordeurs… – ont ainsi été utilisés sans réserve par les concurrents. Ils
ont su chacun à leur manière évoquer le cubo-réalisme des peintres américains
des années 1930 – Charles Sheeler ou Charles Demuth – comme le réalisme magique et vénéneux
du Néerlandais Carel Willinck.
Rationalisation
Atelier
kempe thill (rotterdam, paris) – origin architecture & engineering (bruxelles)
– land landschapsarchitecten (anvers) – studie10
(lierre) – bollinger+grohmann (bruxelles), lauréats
L’équipe
de Rotterdam a sélectionné les bâtiments à préserver et à reconstruire, pour
jouer avec une certaine virtuosité sur une vraie/fausse sédimentation
historique et proposer une composition pondérée, ni pittoresque, ni kitsch. Le
grand entrepôt en brique, qui marque l’entrée et l’interface avec la ville, est
réservé à l’accueil et aux restaurants ainsi qu’aux expositions permanentes et
temporaires de bateaux. Tandis que la gangue de constructions génériques qui
étouffait la station de pompage est détruite pour permettre à cette nef de
brique et d’acier de retrouver sur le quai un parvis à la mesure de son
importance. De nouvelles constructions neutres et basses, réservées aux
collections graphiques et à la présentation de l’histoire du port, viennent s’y
adosser. Notamment une vaste halle de bois qui accueillera la coque de l’épave
médiévale, pièce maîtresse de la collection. Cette halle s’enfoncera en
sous-sol pour préserver l’horizontalité de l’ensemble et respecter les
hiérarchies sur lesquelles repose la composition. Elle sera reliée à l’accueil
par un réseau de salles souterraines.
La tentation du monument
6a architects
(londres) – architecten DE vylder vinck taillieu (gand) – bureau barbara van der
WEE (bruxelles) – denis dujardin bvba (bruges) & Doorzon interieur
architecten (gand)
L’équipe
anglaise 6a architects s’est associée à plusieurs agences locales pour dessiner
un projet à plusieurs mains qui semble attirer par une incertaine monumentalité.
Les ateliers de restauration viennent s’insérer dans la construction
industrielle en brique ouverte sur la ville. Quant à l’autre ensemble, il n’est
pas détruit pour dégager la nef du XIXe siècle comme dans les autres
propositions, mais simplement évidé par endroits pour amplifier l’effet de
sédimentation et mettre en scène les changements d’affectations. C’est dans
cette construction artificiellement ruinée et reconstruite sur elle-même que
viendra prendre place la conque médiévale. Face au port, l’esthétique des
grands équipements portuaires est invoquée pour produire un étrange objet,
rappelant un pont transbordeur. Une structure en treillis composée de grandes
poutres montées sur des piles triangulaires et partiellement recouverte de bardage
est lancée au-dessus des bassins à sec. Ses salles se connectent aux
constructions existantes par une longue passerelle. Une proposition onirique
qui ne semble pas éloignée de l’univers graphique d’un François Schuiten.
Faire texture
Hub
architecten (anvers), karres + brands (hilversum), callebaut and ney engineering
L’agence
Hub propose un tissu composé de constructions hétérogènes. L’ancienne station
de pompage est totalement désenclavée et restaurée pour que puisse rayonner son
élégante architecture d’acier et de brique. Elle conserve l’intégrité de son
volume intérieur et se dédouble comme la halle du FRAC Nord-Pas-de-Calais de
Lacaton & Vassal pour donner naissance à une construction siamoise et
servante. D’autres édifices de hauteurs différentes viennent l’entourer sans
s’y adosser. Notamment une halle ouverte à la toiture presque plate sous
laquelle viennent se suspendre des embarcations que les visiteurs peuvent
approcher en empruntant des passerelles. Plus loin, un édifice plus massif
abrite la salle d’exposition de l’embarcation médiévale et ses annexes.
Machines, code couleur, partout règne une ambiance d’atelier : comme si les
visiteurs pouvaient à l’improviste pénétrer sur un chantier naval en activité
sans y avoir été invités…
Hyper banalité
Sergison bates architects (londres, zurich)
– noaarchitecten (bruges)
Plus
brutale mais tout aussi pertinente, la proposition de l’agence anglaise
Sergison & Bates, associée pour l’occasion à l’équipe flamande NoAarchitecten,
apparaît comme une variation sur le thème du conteneur. Les ateliers en brique
donnant sur la ville restent inchangés pour accueillir les activités de
restauration des collections. Tandis que l’enveloppe générique, qui enclavait
la nef de la station de pompage et un bâtiment de la même époque, est remplacée
par des constructions métalliques plus fonctionnelles qui permettent d’exposer
les embarcations verticalement comme des grands formats sur leurs cimaises. Le
musée se poursuit jusque dans l’eau sous forme de pontons ou de barges capables
de porter des pavillons
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