Journaux internationaux |
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Un choix politiquement confortable
Comme attendu, c'est la proposition de l'équipe française Seura/David Mangin qui a été retenue. Le dégagement total de la perspective autorisé par le vaste jardin redonnera de l'espace et de l'air à un centre urbain très dense et mettra en valeur le patrimoine historique du quartier. L'ajout d'interventions artistiques à l'espace vert rehaussera celui-ci. Le tout sera couronné d'une « vraie œuvre d'art architecturale », qui fera l'objet d'un concours international et conférera à l'ensemble « élégance, luminosité, légèreté et créativité ».
Ce dernier point est une nouveauté par rapport au projet Mangin, dont l'épure initiale de toit n'est donc pas reprise stricto sensu. En étoffant de la sorte un projet très critiqué pour son consensualisme par les amateurs de gestes architecturaux novateurs et spectaculaires, le maire espère éviter un procès en frilosité. Le choix du projet Mangin a aussi l'intérêt d'être politiquement confortable (accord des partenaires écologistes, comités de quartier ravis, etc.), économiquement viable (un coût inférieur à celui des trois autres projets) et techniquement supportable (en termes de délai et de nuisances de chantier, singulièrement).
« Léger lifting pour le "ventre de Paris" », Bernard Delattre, La Libre Belgique, 16 décembre 2004 (Belgique).
Beaucoup de bruit pour rien
Le maire de Paris a décidé. Le quartier des Halles sera confié à David Mangin. Des quatre prétendants, Mangin est le moins connu. À 55 ans, il n'a pas fait grand-chose en dehors des promenades plantées du boulevard Richard-Lenoir. Son idée met d'accord les Verts, les habitants du quartier et ceux qui voient dans le conservatisme de ce projet urbain « à la française » une solution à tous les problèmes. Ceux que satisfait vraiment ce choix, ce sont les gestionnaires du Forum, le centre commercial le plus rentable d'Europe. À la grande densité, au jardin perché à 27 mètres de haut proposé par Nouvel ; aux objets bizarres, aux tourelles en forme de caramels de l'OMA-Koolhaas, il a été préféré un projet plus calme, et peut-être plus sage. […] Nouvel a été le premier exclu de la course, puis MVRDV et, dans le combat final, Koolhaas a été définitivement battu par Mangin. Celui-ci sera chargé non de réaliser son projet, mais d'être l'architecte en chef qui préparera les éléments à partir desquels on lancera ensuite les vrais concours d'architecture. Beaucoup de bruit pour rien.
« Shopping aux Halles », Massimilano Fuksas, L'Espresso, 20 janvier 2005 (Italie).
« Soit Mangin, soit la guerre »
[…]La proposition de Mangin, considérée par la critique d'architecture comme la plus conservatrice, a obtenu la majorité des voix. Aucun des projets n'a toutefois reçu un soutien unanime. Le président de la SEM Paris centre s'est avoué carrément déçu par ce plan sans « vision », tandis que l'adjoint aux espaces verts de la Ville remarquait : « C'est ce que nous pouvions avoir de mieux aujourd'hui », ce qui ne témoigne pas d'un enthousiasme débordant.
La lutte semble avoir été vive, les oppositions fortes, la problématique d'une complexité d'enfer. Ceux qui pensent que l'architecture ne peut avoir d'impact sur des questions sociales essentielles devraient étudier en détail le déroulement de cette bataille. […] Le choix du maire n'était pas chose facile. Laissons de côté la question de savoir s'il aurait couru au suicide politique en ignorant la « voix clairement mobilisée » de la nation. Il a dû s'accommoder de deux rapports contradictoires, celui de la SEM et celui de la Direction de l'Urbanisme de la Ville. Le plan de l'équipe OMA – le projet « le plus spectaculaire » (Le Monde) – a été soutenu par la SEM et les « socialistes influents» (Le Monde), tandis que Mangin a manifestement reçu l'appui de la DU, convaincue par son plan d'aménagement urbain, et persuadée de son moindre impact sur le RER, la circulation du métro et sur les magasins environnants pendant le chantier.
Le représentant des boutiquiers parisiens [Unibail, ndlr] avait posé au maire un ultimatum : « soit Mangin, soit la guerre ». La manière radicale dont le projet de l'OMA (et aussi, en un sens, celui de MVRDV) donnait à voir la banlieue au cœur de la ville a peut-être joué dans la décision de Delanoë. […] L'opération doit être achevée pour 2012, année des Jeux olympiques auxquels Paris s'est portée candidate, et qui légitime cette colossale opération. Encore une fois, les Jeux montrent clairement que le sport a peut-être plus de poids que l'architecture lorsqu'il s'agit des décisions majeures pour la revitalisation des villes.
« Mangin remporte le concours des Halles », ArchiNed 16 décembre 2004 (Hollande).
Delanoë contraint à faire marche arrière
La municipalité parisienne a voulu suivre un processus « démocratique » pour choisir. […] On est ainsi arrivé au choix considéré comme le plus conformiste, qui se limite à tenter de sauver, après des années de dégradation, le cœur de Paris, sans rien révolutionner. […] Les Verts ont pesé fortement en faveur de ce choix conservateur. Delanoë, qui aurait voulu promouvoir des idées novatrices pour l'urbanisme parisien, a été contraint à faire marche arrière. La même chose lui était déjà arrivée avec la proposition controversée, soumise par questionnaire aux Parisiens, de relancer la construction de « tours », ou de nouveaux gratte-ciel aux portes de Paris pour satisfaire la demande résidentielle. Mais les Parisiens avaient nettement répondu par la négative à ce questionnaire, grâce auquel se précisait le nouveau profil du citadin qui a élu cette municipalité de gauche : soucieux d'éviter un embourgeoisement excessif, mais préoccupé avant tout de pouvoir acheter près d'un palais haussmannien ; intéressé par les espaces verts, et réticent à l'égard de l'irruption du « moderne ». « Aujourd'hui, dit l'adjoint à l'urbanisme Jean-Pierre Caffet, qui aurait préféré pour les Halles le projet plus novateur de Koolhaas, on ne pourrait plus construire Beaubourg ».
« Mangin dans le ventre de Paris », Anna Maria Merlo, Il Manifesto, 16 décembre 2005 (Italie).
Un mélange insipide qu'on ne peut ni aimer ni détester
Jusqu'à une époque récente, personne ne pouvait dire que Paris craignait de se montrer audacieuse pour ses nouveaux bâtiments. La ville a été aux avant-postes de l'architecture contemporaine pendant des décennies, depuis le Centre Pompidou, en 1977, jusqu'aux monuments majeurs commandés par François Mitterrand, et édifiés dans les années 1980 et 1990. L'ennui avec ces tentatives, c'est qu'elles ont souvent produit des œuvres de seconde zone, comme les tours froides et dysfonctionnelles de la Bibliothèque nationale, ou des catastrophes totales comme l'Opéra Bastille, hideux. Mais au moins, les concours renforçaient l'image de Paris comme d'une ville où l'architecture est prise au sérieux. Les pouvoirs de l'époque avaient évidemment compris qu'aucune capitale ne peut maintenir sa vitalité en se complaisant dans le passé.
Mais le choix récent du plan de David Mangin pour l'importante rénovation des Halles – l'emplacement légendaire des anciens marchés de gros – montre la rapidité avec laquelle une ambition de ce type peut s'évaporer. Ce projet, préféré aux propositions de Jean Nouvel, de Rem Koolhaas et de l'agence de Rotterdam MVRDV, est une interprétation banale et sans goût de la modernité, tout juste propre à satisfaire ceux chez qui le risque suscite une aversion pathologique. À cause de l'importance de l'enjeu, ce choix fait figure d'occasion manquée que la ville pourrait bien regretter pendant des lustres, même s'il n'est jamais réalisé. […] Le manque de courage inhérent à cette décision montre que Paris, en dépit de sa grâce et sa beauté, a perdu son exemplaire énergie.
Le lieu est déjà chargé de souvenirs douloureux. Le marché des Halles, abrité par les magnifiques pavillons de verre et de fer de Victor Baltard, était l'un des grands monuments du XIXe siècle. Grouillant d'activité, il incarnait une vision de la ville moderne, lieu de brassage de l'expérience humaine, dont l'énergie vitale est produite par une intense friction sociale. Pour les Parisiens, la destruction de ces pavillons, au début des années 1970, a été un crime contre l'architecture, comparable à la démolition de la gare de Pennsylvanie à New York, de McKim, Mead & White, une décennie plus tôt. La création du Forum des Halles à cet endroit – une taupinière sans âme, avec ses boutiques souterraines, qui a longtemps été un repaire de dealers – est un exemple de ce que le modernisme finissant a produit de pire.
Le débat sur le futur du Forum soulève des problèmes sociaux qui dérangent. La gare souterraine de transports en commun – la plus fréquentée de Paris – sert plus de 800 000 personnes par jour. Ses lignes de RER forment la liaison majeure entre la ville et ses banlieues ouvrières. |Ce sont leurs immigrés africains et arabes qui ont fait la prospérité du centre commercial souterrain, l'un des plus rentables de la ville. Les maintenir pris au piège dans les sous-sols sert d'abord l'intérêt des financiers et apaise les craintes de la population « gentrifiée » qui vit dans les quartiers alentour.
Le projet Mangin supprime les pires horreurs tout en picorant les problèmes sociaux du bout des doigts.[…] Le geste majeur du projet est une toiture basse, en acier et en verre, qui couvre ce Forum rénové, et dont le système de panneaux mécanisés contrôle la lumière et la ventilation à l'intérieur du bâtiment. Sa silhouette épurée résume l'esprit du projet : un mélange insipide qu'on ne peut ni aimer ni détester. […]
L'approche tiède, sans relief, de Mangin nivèle les différences. Elle vise à maintenir le couvercle sur le ventre de la ville, et à le soulever juste assez pour en laisser entrevoir l'intérieur. Il est frappant de constater que les trois projets écartés cherchaient à se brancher sur les dessous du Forum et, à différents degrés, à les lier plus directement au tissu du centre de Paris. […] La proposition la plus surprenante était celle de Koolhaas. […] Comme Haussmann avant lui, il projetait d'attaquer le centre de Paris avec une précision chirurgicale. Mais, plutôt que d'éliminer les forces sociales redoutées par Haussmann, il voulait diffuser en surface l'énergie des sous-sols et lui faire contaminer la ville. Son idée revenait à articuler ces deux visions de Paris en un ensemble intégré, dans une approche véritablement contemporaine de la manière dont fonctionnent les villes. Cette manière analytique a incontestablement intimidé les officiels. Le maire, qui a pris la décision de confier la rénovation à Mangin, a dû calmer le locataire du centre commercial et les résidents du quartier, effrayés par ce que pourrait libérer cette disparition des frontières. Ce qui est dramatique, ici, c'est le faible niveau d'ambition. Mitterrand se trompait, mais au moins à une échelle grandiose.
« Paris en a terminé avec l'audace », Nicolai Ouroussoff, The New York Times, 11 janvier 2005 (Etats-Unis).
« Finie la grande bouffe »
Avec sa modestie minimaliste, le projet Mangin « arrange » l'existant, et le reconvertit en paysage compatible avec les aspirations tranquilles de la majorité silencieuse : mais s'il est vrai qu'il manque de glamour, est-ce une raison pour verser des larmes de crocodile sur une icône perdue, au terme d'une « grande bouffe » qui a mis à rude épreuve les capacités digestives de nos estomacs postmodernes ?
Fulvio Irace, Il Sole-24 Ore, 16 décembre 2005 (Italie).
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