Architecte : Steven Holl Rédigé par Maryse QUINTON Publié le 01/09/2011 |
À soixante-trois ans, Steven Holl vient tout juste de terminer sa première réalisation française, la Cité de l'océan et du surf à Biarritz. Fidèle à ses habitudes, il a d'abord utilisé ses pinceaux pour formuler, à travers une aquarelle, le concept premier d'un bâtiment qu'il envisage comme la superposition topographique de deux strates : l'une sous l'océan, l'autre sous le ciel. Entre les deux, un sol incurvé. Un dessin élémentaire qui va gagner en épaisseur au fil des études pour aboutir aujourd'hui à une volumétrie dotée d'une complexité subtile, physiquement ressentie plutôt qu'ostensiblement affichée.
Avec la Cité de l'océan et du surf, fraîchement inaugurée au sud de la
ville, et le musée de la Mer, agrandi et rénové cette année, Biarritz
fait le pari d'un positionnement identitaire fort pour faire face à une
concurrence touristique accrue. Elle espère ainsi doper son attractivité
culturelle par ce double projet ambitieux qui réaffirme la relation
fondamentale entre la ville et l'océan. Quatre cent cinquante mille
visiteurs annuels sont attendus afin de rentabiliser des investissements
plutôt conséquents pour une commune de trente mille habitants. Et parce
que cette pression financière est palpable, Biarritz a choisi de
réajuster le programme de sa Cité au cours du chantier. Uniquement
dédiée au surf à l'origine du projet, elle avait fait l'objet d'un
concours de maîtrise d'oeuvre en 2005. Face aux quatre équipes
finalistes (Enric Miralles/Benedetta Tagliabue, Jean-Michel Wilmotte,
Brochet-Lajus-Pueyo et Bernard Tschumi), Steven Holl fut le seul Ã
proposer d'enterrer le bâtiment. Au tandem catalan désigné lauréat par
le jury, la municipalité lui préfère finalement l'architecte
new-yorkais, associé pour l'occasion à Xavier Leibar et Jean-Marie
Seigneurin. Didier Borotra, maire de Biarritz, est en effet séduit par
leur projet « qui a du sens, sophistiqué mais jamais prétentieux ». Car
de toute évidence, Steven Holl a su écouter le site, une ancienne friche
postée à 300 mètres de la plage d'Ilbarritz. Face à un paysage
océanique aussi puissant, se pose l'éternelle question de l'attitude Ã
adopter. Et c'est là toute l'intelligence du projet de Steven Holl qui
parvient à ne pas se laisser impressionner par le site et à s'imposer
tout en retenue. De cette posture délicate découle aujourd'hui la force
de ce bâtiment : enterré aux deux tiers, sa toiture devient place
publique ouvrant sur l'océan et offerte aux Biarrots. Une toiture
concave à la géométrie complexe faite de courbes irrégulières,un «
paraboloïde hyperbolique » en béton qui va s'incliner jusqu'à toucher le
sol. Pas moins de cent vingt coupes ont été nécessaires pour dessiner
cette vague minérale, vite devenue repère identitaire du musée. De ces
lignes incurvées émergent deux volumes, qui se veulent une référence aux
fameux rochers d'Ilbarritz : d'élégantes boîtes de verre opalescent qui
abritent le restaurant et le kiosque. Sous la vague, on entre par un
niveau intermédiaire en mezzanine qui dévoile les entrailles de
l'édifice par une vue plongeante.
Sur l'espace d'exposition, enterré.
Par sa morphologie singulière, la Cité déjoue les échelles et décuple
les sensations spatiales. « Malgré les dimensions modestes du bâtiment
et une emprise au sol relativement réduite (50 x 60 mètres), la richesse
et la diversité des espaces sont très étonnantes », note Xavier Leibar.
Impeccablement
réalisé, le bâtiment est entièrement construit en béton blanc, coulé en
place. L'enfouissement partiel, allié à l'inertie du béton, permet des
performances énergétiques intéressantes, la Cité parvenant quasiment Ã
s'autoréguler d'un point de vue thermique. Le second tour de force de
Steven Holl est d'avoir su donner au projet une dimension urbaine en le
connectant à son environnement immédiat. « Notre proposition dépassait
le cadre strict de la commande, rappelle Xavier Leibar. Nous avons dès
le départ considéré que pour que la Cité trouve sa place, il fallait
aussi requalifier l'espace public jusqu'à l'océan. » La continuité entre
la toiture et le sol paysager menant à la plage fonctionne à merveille,
sans que jamais une quelconque sensation de seuil ne vienne la
perturber. Si le bâtiment est réussi, on peut toutefois s'interroger sur
son contenu et le choix de la scénographie. Le revirement
programmatique de la municipalité aboutit à un compromis hasardeux avec,
à la clé, la déception de la communauté des surfeurs. Car le concours
prévoyait bel et bien un lieu tout entier dédié à la discipline qui a
fait la notoriété de Biarritz. Mais la Ville décide de faire marche
arrière, craignant un programme trop réducteur pour fédérer le grand
public. Guillaume Barucq, médecin biarrot et surfeur engagé1, fait
partie des déçus : « Le surf est le parent pauvre de cette Cité qui
devait lui être consacrée, avant que l'option ne soit rejetée car jugée
insuffisamment rentable. Je n'ai rien contre le bâtiment en lui-même,
que je trouve intéressant. Mais je regrette qu'on utilise notre image
alors que ce n'est absolument pas une Cité du surf. Il y avait pourtant
une belle carte à jouer. » Même bémol quant à la muséographie.
L'exposition permanente est conçue comme une série d'expériences, sans
parcours imposé. Exit la cimaise, au profit du tout interactif qui peut
laisser songeur. Pour contenir les excès d'une scénographie tapageuse,
les architectes ont, après coup, imaginé des polyèdres, coques blanches
facettées qui viennent abriter – pour ne pas dire dissimuler – tantôt un
faux bathyscaphe, tantôt un faux navire pris par la tempête.
La Cité
de l'océan et du surf a été réalisée dans le cadre d'un partenariat
public-privé entre la Ville et Vinci Construction. Un investissement sur
trente ans au bout desquels Biarritz deviendra propriétaire de
l'équipement. Au-delà de ses ambitions touristiques, le bâtiment vient
également réveiller une région qui ne figure pas parmi les plus
dynamiques en matière d'architecture contemporaine. Quant à Steven Holl,
il confirme ici son approche phénoménologique de l'architecture Ã
laquelle il a récemment consacré un ouvrage passionnant2. Il refuse de
transformer ceux qui habitent ses bâtiments en « récepteurs passifs de
messages vides de sens ». Selon lui, l'architecture doit être perçue en
mettant de côté l'incrédulité, en désengageant « la moitié rationnelle
de l'esprit, pour tout simplement jouer et explorer. »
Maîtres d'ouvrages : SNC Biarritz Océan
Maîtres d'oeuvres : Steven Holl (architecte mandataire), avec Solange Fabiao, Xavier Leibar et Jean-Marie Seigneurin (architectes associés)
Entreprises : Betec et Vinci Construction, Avel Acoustique, Elithis
Surface SHON : 4 500 m²
Cout : 24,76 millions d'euros HT
Date de livraison : 2011
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