Architecte : CALORI, AMIZI & BOTINEAU (CAB) Rédigé par Richard SCOFFIER Publié le 01/10/2018 |
La
chambre et l’horizon :
Au-dessus
de la darse de Villefranche-sur-Mer se cache un bâtiment discret qui tient à la
fois de l’ouvrage d’art et de la caserne. C’est le dernier projet de l’agence
CAB sur la Côte d’azur. Inauguré en juin, il attend maintenant ses jeunes
chercheurs en océanologie qui en descendront en combinaison de plongée pour
s’aventurer dans la célèbre rade.
Villefranche-sur-Mer, un site contrasté qui témoigne d’une vénéneuse beauté. À l’est, au-dessus du port, se dressent des falaises abruptes et blanches sur lesquelles court la basse corniche reliant Nice à Menton. À l’ouest, un village de carte postale et la douce avancée de la presqu’île du CapFerrat dont l’opulente forêt de pins parasols cache à la vue du public les villas des milliardaires du monde entier et leurs jardins secrets. L’austérité et la volupté semblent s’être donné rendez-vous dans ce cirque montagneux ouvert sur l’horizon. Entre ces deux extrêmes, se creuse la rade profonde et protégée. Un abri idéal pour les embarcations depuis l’Antiquité la plus lointaine : les Romains, les pirates barbaresques, les ducs de Savoie, les Russes puis les Américains ont tour à tour investi ces lieux pour y amarrer leur flotte d’intervention en Méditerranée. Un espace complexe qui, outre ses fonctions militaires, présente un intérêt scientifique. Le fond de la rade descend rapidement à plus de 100 mètres pour former une nasse piégeant la faune et la flore repoussées des abîmes par les courants côtiers. Un eldorado pour les océanologues qui peuvent y puiser sans danger ces témoins de la vie des profondeurs, autrement très difficilement accessibles. Dépendant aujourd’hui de Sorbonne Université, les locaux de l’Institut de la mer se dispersent dans les constructions historiques de la darse, et viennent d’être complétés par un équipement à la mesure de ce gisement sous-marin. Une base en béton qui comprend un laboratoire où s’effectueront les expériences sur le plancton prélevé et conservé dans des aquariums à l’abri de la lumière, un parking, des vestiaires, des salles de travail et de conférences. Mais surtout une résidence de 44 chambres, équipée d’une laverie et d’une cuisine, pour permettre aux chercheurs de faire des séjours variant d’une semaine à six mois.
L’espace de l’existence :
L’agence
CAB a su, comme à son habitude, traiter sans affects ce programme en
l’inscrivant dans la longue succession de constructions horizontales et
fonctionnelles qui se déploient le long des quais. D’abord, les parois massives
de la citadelle Saint-Elme, édifiée au XVIIe siècle par les ducs de Savoie pour
protéger l’entrée de la darse. Ensuite, devant le port délimité par un môle,
des édifices du XVIIIe siècle : la corderie et sa rigoureuse trame de fenêtres
verticales ; les voûtes profondes des chantiers navals qui viennent s’enfoncer
dans le relief, toujours occupées par des bateaux en cale sèche ; l’hôpital des
galériens et son embarcadère encore utilisé par les plongeurs, et enfin des
barres de logements construites dans les années 1960. C’est d’ailleurs derrière
l’une de ces constructions austères que le centre d’hébergement vient s’étager
dans la pente. Pratiquement invisible, il se donne d’emblée comme une
infrastructure. La rampe de son parking, situé au deuxième étage, descend vers
le quai tandis qu’une entrée discrète permet aux piétons d’accéder aux
différents niveaux. Un escalier éclairé zénithalement par une lumière blafarde
vous mènera d’abord au laboratoire équipé d’aquariums et desservi par une vaste
aire de livraison ; puis, au parking ; enfin, à l’accueil et aux locaux
collectifs entourant une cour ouverte sur la baie par une longue fente étirée
au-dessus d’un plan d’eau. Comme si cette construction furtive trouvait
seulement dans sa cour intérieure du troisième étage son véritable espace de
représentation. JeanPatrice Calori raconte, non sans malice, que le maire de la
ville – plus amateur de façades ocres et de toits en tuiles que de porte-à -faux
en béton armé – a soudainement été rassuré le jour de l’inauguration en
pénétrant dans ce cloître en balcon sur la mer, après son angoissant passage
dans les zones sombres du soubassement…
Equerres :
Sur ce
socle technique, le vide est sculpté par deux constructions en équerre posées
l’une au-dessus de l’autre et orientées en sens inverses. La première s’enfonce
dans la colline comme un mur de soutènement, repoussant la falaise pour mieux
attirer la mer vers elle, tandis que la seconde twiste pour fermer l’horizon et
cadrer en contre-plongée les Alpes naissantes. Dans l’équerre basse, les salles
communes n’ont pas de vues directes sur l’extérieur, comme s’il fallait
impérativement que la communauté des chercheurs puisse se regarder et
s’éprouver elle-même. Dans l’équerre haute, derrière les deux niveaux de
coursives de desserte, chaque cellule bénéficie d’une vue imprenable sur la
mer. L’aile située à l’est accueille les chambres doubles ; l’aile sud, les
chambres simples qui partagent leur salle de bains avec l’une des deux chambres
voisines, leur balcon, avec l’autre. Les extrémités de ces ailes abritent les
logements atypiques, notamment ceux réservés aux personnes à mobilité réduite.
Des volets en équerre ferment les balcons comme des masques d’escrime. Quand
ils sont repoussés au fond des chambrescouloirs, ils s’ouvrent comme des fleurs
d’acier masquant le voisinage et amplifiant le mouvement d’appropriation
exclusif de l’horizon. « C’est trop petit dans la cabine, c’est trop grand
dehors » : on se souviendra de la plainte existentielle du marin du
navire-usine du film d’Alain Tanner, Dans la ville blanche. Ici, entre
l’étroitesse oppressante de la cellule et le déploiement angoissant de
l’horizon, s’ouvre un espace intermédiaire : l’espace du vivreensemble, qui
fait la liaison entre le trop protégé et le trop exposé, et qui ne pourrait
exister sans eux. Au commencement du commencement : une architecture de
soutènement, de soubassement, proche des ponts et des tunnels et d’autres
ouvrages d’art époustouflants qui accompagnent les automobilistes vers
l’Italie. Et à la fin des fins : une réflexion sur l’être-ensemble qui se place
dans la continuité des expériences des chartreux à Galluzzo, de Jean-Baptiste
Godin et de son Familistère à Guise, d’Yvan Nikolaïev et de sa Maison de
l’industrie textile à Moscou, de Le Corbusier et de son couvent de La Tourette…
Maître d'ouvrage : Sorbonne Université
Maîtres d'oeuvres : CAB Architectes, Marine Cangione, chef de projet – BET : E&G, structures ; ENERSCOP, fluides ; BIOTOP, HQE ; Bureau Michel Forgue, économie de la construction
Surface SHON : 2 400 m2
Cout : 6,3 millions d’euros HT
Date de livraison : livraison, juin 2018
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : BAST, architecte mandataireMaîtrise d’œuvre : commune de Montjoire&nbs… [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : commune de VelainesMaîtrise d’œuvre : GENS ; BET TCE, BET2CSignalétiq… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Legendre immobilier – Maîtres d’œuvre : Atelier Kempe Thill (mandatair… [...] |
Maîtres d'ouvrages :conseil départemental des Hauts-de-SeineMaîtres d'oeuvres : Mars archite… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |