La recherche et l'innovation, la conscience du rôle social de l'architecte sont des valeurs qui animent toujours l'équipe emmenée par Alain Costes et qui fonctionne aujourd'hui sous la forme d'une Scop. Cette formule de travail en coopérative est encore peu fréquente chez les architectes et le terme prend ici toute sa valeur, le salaire à Ivry étant identique pour chacun des membres du collectif, la gérance tournante et les décisions prises en collégialité. Loin d'une utopie romantique, fruit d'une nostalgie post-soixante-huitarde, il s'agit de stimuler la création par l'échange, de transmettre les compétences, de promouvoir le « travailler ensemble ». Pour cela, on n'hésite pas à s'associer avec des sociologues, des scénographes ou des artistes : la pluridisciplinarité toujours ! Alain Costes, qui est l'âme de l'atelier et l'un de ses fondateurs avec Patrick Bertrand et Nathalie Hébert – qui font maintenant vivre Atelier 15 à Paris et à Creil –, met un point d'honneur à n'être jamais chef de projet. Il intervient en appui d'un groupe où se côtoient architectes, urbanistes et infographistes. Le champ des interventions de l'Atelier 15 est très vaste et si les études d'urbanisme représentent une part importante de l'activité – Alain Costes revendique l'héritage d'Henri Lefebvre dont il suit toujours les enseignements –, c'est parce qu'on aime travailler en amont des projets, initier la réflexion par des études urbaines ou développer la programmation avec les maîtres d'ouvrage et les collectivités locales.

Depuis le Centre de formation agricole de Nanteuil-le-Haudouin, nominé au prix de la Première Œuvre du Moniteur en 1994, la démarche de l'Atelier 15 a toujours favorisé l'expérimentation et l'innovation. Une attitude et une dynamique exprimées dans un certain nombre d'actions qui engagent l'agence et dépassent le simple cadre des projets développés au quotidien. Cet engagement, qui privilégie notamment les préoccupations environnementales et les exigences sociales et politiques, s'est concrétisé par une participation couronnée de succès au programme expérimental VUD (villa urbaine durable) qui voit actuellement la réalisation d'une opération de trente-quatre logements à Ivry-sur-Seine, portée par Patrick Bertrand. En octobre 2007, Atelier 15 est lauréat du concours CQFD (coût, qualité, fiabilité, délais) avec un programme de construction bois industrialisé comportant six projets en cours, dont les opérations de Corbeil-Essonnes et de Montreuil-sous-Bois.

Ces deux aventures collectives reflètent ces nouvelles pratiques du « bâtir ensemble » qu'Atelier 15 ne cesse de promouvoir. En premier lieu, un travail en amont auprès des maîtres d'ouvrage, des habitants et des utilisateurs dans une dynamique participative forte ; certains projets, comme le CTM de Valmondois ou les vingt-deux abris de jardin de la Coulée verte de Villejuif, sont ainsi le support de projets d'insertion professionnelle. Il y a ensuite un travail de mise en commun des savoirs, en initiant des partenariats autour des projets avec des bureaux d'études spécialisés, des industriels et des entreprises de bâtiment. Atelier 15 partage ses locaux avec 3W, un bureau d'études HQE et conseil en construction bois créé en 2000, émanation directe de l'agence, pour une pratique qui s'étend de la rédaction de cahiers des charges environnementaux en AMO à la mise au point d'outils de calcul thermique. Et pour Alain Costes, qui a participé activement à l'une des commissions du Grenelle de l'environnement, les problématiques HQE ne se réduisent pas aux habituels clichés écolos. Pas question, par exemple, de faire des façades bois apparent pour du logement collectif. Il s'agit de prendre en compte des problématiques techniquement complexes et d'utiliser des outils performants (le logiciel de calcul de bilan thermique créé par Tanguy Poline et mis en ligne par 3W), l'objectif étant de mettre au point des solutions pragmatiques exigeantes et performantes. Le travail sur la Vnac (ventilation naturelle assistée contrôlée) en collaboration avec le BET Tribu, et pour laquelle un programme d'expérimentation est en cours, en est un exemple significatif.

Face aux défis environnementaux, de telles recherches doivent être mises en regard d'un contexte économique et social tendu. Le travail d'Atelier 15 s'inscrit bien au cœur des préoccupations actuelles, où la crise du logement exige de développer une architecture novatrice. Une architecture qui sait concilier les contraintes d'une démarche environnementale avec la prise en compte des exigences économiques pour un coût social acceptable, sans lequel il n'y a aucune adhésion du corps social.

SE LOGER

29 LOGEMENTS HQE, QUARTIER DE CRÉ À CHÂTEAUROUX, INDRE

En bordure d'un territoire rural, à Cré, un faubourg au sud de Châteauroux, ce projet de vingt-neuf maisons HQE est implanté sur un site qui offre la particularité de se trouver à la limite d'un tissu urbain pavillonnaire et d'espaces naturels. Ce qui était à l'origine un projet d'habitat collectif a évolué au cours des phases d'étude : le concept urbain finalement retenu, qui cherche à favoriser les transitions entre l'espace bâti et les espaces naturels et dans un second temps entre espace public et espace privé, privilégie un habitat individuel. Une orientation générale nord-sud de la voirie offre des échappées visuelles vers les espaces boisés tout proches. Ensuite, une alternance de maisons en bande et de maisons regroupées autour de placettes et de micro-espaces publics constituant des lieux de vie participe à la formation d'un paysage urbain contemporain.

La rue principale, distributive, est traitée comme une voie urbaine, identifiée par son traitement paysager et aménagée de manière dissymétrique afin de réduire son gabarit et l'impact des aires de stationnement.

Les maisons à ossature et bardage bois répondent au label HQE – habitations avec un objectif fixé pour les performances énergétiques de 80 kWh/m2/an – (chauffage + ECS). Elles possèdent toutes un espace de séjour généreux en rez-de-chaussée et un garage accolé dont le volume haut pourra être transformé en chambre ou en bureau, au gré des évolutions familiales.

[ Maître d'ouvrage : Opac 36 – Maîtres d'œuvre : A. Tecklenburg, mandataire ; Patrick Bertrand, Atelier 15, ass. – BET : économiste, SC Puchafray ; fluides, Actium ; VRD, cabinet Lelong – Surface : 2 347 m2 – Coût HT : 1,695 million d'euros (maisons) et 390 000 euros (VRD, aménagement paysager) – Mission de maîtrise d'œuvre complète – Réalisation : 2006-2009 ]

CONSTRUIRE EN BOIS

IMMEUBLE HATRA (ATELIER, BUREAUX ET LOGEMENTS), ZAC DE LA SABLIÈRE À SUCY-EN-BRIE, VAL-DE-MARNE

Le bois a été naturellement choisi pour le projet du siège de cette entreprise d'élagage qui souhaitait faire construire un bâtiment respectueux des normes environnementales et qui soit aussi à l'image de son activité, l'arbre étant ici utilisé dans toute la variété de ses ressources :

• Un bardage en mélèze débité dans le tronc et purgé d'aubier.

• Des panneaux structurels en bois massif et des planchers caissons, réalisés dans du bois de moyenne catégorie pouvant présenter des nœuds, des gerces ou des flashes.

• Une isolation en laine de bois, fabriquée à partir de branches charpentières ou de chutes, débitées, séchées et compressées.

• Des plaques Fermacell en doublage intérieur, réalisées à partir de cellulose comprimée et de gypse.

• Un mur-rideau à ossature bois.

L'objectif était de réaliser un bâtiment BBC à bilan carbone positif avec un budget inférieur à 1 000 euros HT/m2 Shon. Tous les acteurs de ce projet ont souhaité s'impliquer dans cette démarche expérimentale et démontrer leur capacité à mettre en œuvre un projet bois écologique et financièrement compétitif. La filière bois en France étant encore peu structurée et pas toujours à même de répondre aux sollicitations du marché, le projet a très rapidement pris une orientation résolument européenne, notamment par les filières d'approvisionnement et l'origine des matériaux : ainsi, les menuiseries bois-alu sont allemandes, la laine de bois est croate et les panneaux massifs sont tchèques.

Les objectifs initiaux n'ont pu être atteints que grâce à un effort financier conséquent de la part de chacun des acteurs. Il s'agit bien ici d'un bâtiment prototype et sa reproduction nécessitera obligatoirement un investissement financier supérieur à celui d'une construction banalisée actuelle. Soit un coût supérieur à 1 200 euros HT/m2.

[ Maître d'ouvrage : SCI Gounia pour Hatra – Maître d'œuvre : Atelier 15 – Surface : 428 m2 Shon – Coût : 416 000 euros HT, hors VRD – Mission de maîtrise d'œuvre complète – Réalisation : 2010-2011 ]

CQFD - LOGEMENTS BOIS MULTISITE À MONTREUIL-SOUS-BOIS, SEINE-SAINT-DENIS

Le programme CQFD, dont Atelier 15 Ivry fut lauréat en 2007 avec le projet « Industrialiser la construction bois », comprend aujourd'hui six projets en cours, dont quarante et un logements BBC à Corbeil-Essonnes et une implantation multi-site de logements à Montreuil-sous-Bois.

Avec ces projets, l'agence reste engagée dans une procédure conception-réalisation pour laquelle elle est associée au bureau d'études environnementales 3W, à un industriel fournisseur de composant bois, Finnforest, et à deux entreprises, CMB et STBTP, titulaires respectivement des macro-lots : structure bois, enveloppe thermique et vêtures pour la première ; GO, SO, fluides et finitions pour la seconde. Un partenariat éprouvé, qui a permis à l'équipe de développer un principe de bâtiment compact, répondant au label Effinergie H&E et visant le niveau BBC en profil A.

Une ventilation naturelle hybride VNH et des panneaux solaires complètent un procédé structurel mixte dont les systèmes d'appui des murs porteurs et des planchers en panneaux de bois massif Léno et Ripa minimisent la taille des fondations béton. Des façades à ossature bois, jumelées à des refends béton porteurs maintenant une forte inertie thermique, sont habillées de panneaux GeBrick qui assurent une grande pérennité des parements de façade. Cet ensemble de procédés présente l'avantage de mettre le chantier au diapason d'une filière sèche.

Le concept permet de minimiser les coûts d'exploitation pour des logements collectifs dont la performance énergétique est de l'ordre de 45 kWhep/m2/an. En charges de chauffage, l'économie s'élève à 700 euros par an et par famille pour un T4. Ce qui, en région Île-de-France, correspond à 5 % de pouvoir d'achat pour des locataires ou des primo-accédants dont le revenu médian est de 1 450 euros.

Ces projets, qui s'accordent facilement à une mixité programmatique, s'inscrivent aisément dans une démarche d'écoquartier où sont privilégiés les relations espace privé-espace public et les voies piétonnes, tout comme le travail sur la perméabilité des sols et la gestion de l'eau.

COOPÉRER

UNE EXPÉRIMENTATION SOCIALE ET URBAINE À IVRY

Cette opération, lauréate en 2002 de la consultation Ville urbaine durable, est une première. Pour la rendre possible, il a fallu tout l'engagement personnel des architectes qui se sont battus pendant plus de dix ans !

Comme toutes les opérations de l'Atelier 15, elle répond de manière très pragmatique et efficace aux impératifs de critères sociaux et environnementaux : mixité entre habitat en accession et logement social ; diversité des échelles, du collectif à la maison ; insertion très attentive dans le tissu urbain existant ; importance donnée aux espaces publics et collectifs (une venelle publique traverse toute la parcelle de haut en bas), constituant une liaison urbaine pour le coteau d'Ivry, entremêlant privé et public…

Accrochée aux coteaux du quartier Mirabeau d'Ivry-sur-Seine, à deux pas du périphérique, une première opération (Valophis) est en cours de livraison. Elle regroupe vingt-huit logements collectifs locatifs sociaux et six maisons. Elle a été construite en béton et bois. Durant la phase concours, le système VNAC (ventilation naturelle assistée et contrôlée) a été développé avec TRIBU, elle devait fonctionner sans assistance mécanique. In fine, c'est une VNHO (ventilation naturelle hybride) qui a été réalisée.

La deuxième opération (Coop Coteau) est exceptionnelle à plus d'un titre. Elle est conçue en totalité selon un système constructif en filière sèche : pieux en acier pour les fondations par système Technopieux, murs de soubassement en gabion avec les gravats de la démolition comme enrochement, construction bois pour les murs et les planchers. Le recours à une préfabrication d'éléments finis en bois, panneaux bois massif et parois complètes, limite l'acheminement des produits et matériaux bruts en réduisant ainsi la production de déchets sur site. Il confère au bâtiment un excellent bilan carbone et en énergie grise.

Mais c'est le statut coopératif qui fait de ce second programme une innovation sociale. Réunis en coopérative d'habitants, les occupants sont à la fois locataires et propriétaires de parts sociales. La fonction d'habitat prime ici sur celle de l'investissement immobilier. Les habitants sont impliqués dans la conception et la gestion de l'opération. La mutualisation de l'emprunt permet d'obtenir des taux avantageux. Le montage entre la Ville d'Ivry, le Crédit Coopératif et la SCCC créée – société civile coopérative de construction – se propose comme une troisième voix dans l'offre en accession sociale aujourd'hui.

INSÉRER
CTM DE VALMONDOIS, VAL-D'OISE

Le petit bourg de Valmondois, en bordure du parc régional du Vexin français, souhaitait avec ce projet regrouper les sites municipaux liés aux activités des personnels d'entretien, centraliser les lieux de stockage des matériels et matériaux jusqu'alors disséminés dans différents bâtiments et enfin mettre à disposition des personnels municipaux des locaux fonctionnels et confortables. Le programme

comprend un garage pour les véhicules municipaux, les ateliers d'entretien, ainsi qu'un bureau et des sanitaires. Implanté au cœur du village et à proximité de la mairie, le centre est idéalement situé par rapport aux lieux d'intervention des équipes.

À deux pas de la forêt de L'Isle-Adam, la commune a fait le choix d'une construction bois respectueuse de l'environnement et d'un mode constructif en filière sèche. Couplé à un principe constructif en « structure légère », ce choix a facilité la maîtrise des coûts et des délais de l'opération. La structure de la construction est constituée de panneaux caissons à ossature bois, habillés d'un parement de mélèze. Les portiques de la charpente en bois massif sont eux aussi couverts de bardeaux de ce même bois, qui prend peu à peu une douce patine argentée.

Le chantier a été réalisé par APIJ-BAT, une entreprise d'insertion professionnelle spécialisée dans la construction bois. Une plus-value sociale est ainsi associée à la plus-value environnementale.

EXPÉRIMENTER
EXTENSION DU GROUPE SCOLAIRE 4 À SERRIS, SEINE-ET-MARNE

Ce bâtiment en extension du Groupe scolaire 4 de Serris, une commune en pleine expansion à l'est de Marne-la-Vallée, abrite l'accueil périscolaire des élèves. Il comprend des salles d'activités, une tisanerie, un bureau administratif, une pièce de stockage et des locaux techniques. Un couloir donne accès aux espaces de service. Les salles communiquent entre elles et s'ouvrent sur une terrasse en bois.

Le concept technique du bâtiment repose sur un système constructif en filière sèche intégrale, l'intervention devant durer moins de huit mois. Les fondations utilisent un système Technopieux en acier supportant un plancher constitué de caissons bois Ripa et d'une chape sèche Fermacell revêtue de linoléum. Les soubassements sont composés de gabions, les murs périphériques et parois de refends sont en panneaux bois massif Léno et Kerto. Ils forment l'isolation acoustique, intégrant en extérieur une isolation en laine de bois très performante qui fait également office de pare-pluie, un lattage et enfin un bardage en pin douglas et panneaux de stratifié compact. Les menuiseries bois sont équipées de vitrages à faible émissivité. Tous ces matériaux sont manu-transportables. Par ailleurs, le recours à une préfabrication d'éléments finis en bois a permis de limiter l'acheminement des produits et matériaux bruts en réduisant de ce fait la production de déchets sur le site et les nuisances environnementales de chantier. L'ensemble de ces dispositions confère au bâtiment un bilan carbone et en énergie grise excellent, ajusté sur le label Effinergie H&E.

L'ATELIER 15...SOUMIS À LA QUESTION

>Quel est votre premier souvenir d'architecture ?
Atelier 15 : Le centre-ville d'Ivry-sur-Seine avec l'architecture
de Jean Renaudie et Renée Gailhoustet.
> Que sont devenus vos rêves d'étudiant ?
Atelier 15 : mille cinq cents euros nets, salaire unique, comme tous les salariés de notre coopérative.
> À quoi sert l'architecture ?
Atelier 15 : À faire des villes.
> Quelle est la qualité essentielle pour un architecte ?
Atelier 15 : L'humanité.
> Quel est le pire défaut chez un architecte ?
Atelier 15 : Se prendre pour un artiste.
> Quel est le vôtre ?
Atelier 15 : La prolixité.
> Quel est le pire cauchemar pour un architecte ?
Atelier 15 : Travailler pour Bouygues.
> Quelle est la commande à laquelle vous rêvez le plus ?
Atelier 15 : Du logement social, encore et encore…
> Quels architectes admirez-vous le plus ?
Atelier 15 : Le Team Ten.
> Quelle est l'œuvre construite que vous préférez ?
Atelier 15 : Celle d'Alvar Aalto.
> Citez un ou plusieurs architectes que vous trouvez surfaits.
Atelier 15 : Zaha Hadid.
> Une œuvre artistique a-t-elle plus particulièrement influencé votre travail ?
Atelier 15 : Eduardo Chilida.
> Quel est le dernier livre qui vous a marqué ?
Atelier 15 : La littérature de Chester Himes.
> Qu'emmèneriez-vous sur une île déserte ?
Atelier 15 : Mes enfants.
> Quelle est votre ville préférée ?
Atelier 15 : Copenhague.
> Le métier d'architecte est-il enviable en 2012 ?
Atelier 15 : Non.
> Si vous n'étiez pas architecte, qu'aimeriez-vous faire ?
Atelier 15 : Plein de choses.
> Que défendez-vous ?
Atelier 15 : Comme tout le monde, la vie. En particulier celle des autres.
> Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose ?
Atelier 15 : Les questions sont ici toutes posées au singulier et nous sommes pluriels. Preuve en est que rien n'est fait pour mettre le collectif en avant… Tant pis, on vous aime quand même.