Altermodernités (suite)
Voici un an, nous publiions un numéro entièrement dédié à ce que nous nommions les architectures altermodernes. En créant ce néologisme forcément réducteur, nous manifestions surtout notre volonté de nous démarquer des tendances dominantes de la scène médiatique internationale. De celle qui s’ébaudit de l’architecture spectaculaire et des « starchitectes » qui l’accompagnent ; de celle que fascinent les radicalités, radicalités qui témoignaient peut-être d’une attitude courageuse au XXe siècle, mais qui relèvent aujourd’hui davantage d’une forme de dandysme. De celle enfin qui s’extasie devant le puritanisme d’une écologie confinée aux normes thermiques, murs bio ou végétalisés et autres toitures photovoltaïques ; une écologie qui semble vouloir abolir la modernité plutôt que d’y puiser la matière d’un développement harmonieux. Toujours associés à l’équipe du Global Award for Sustainable Architecture, nous avons choisi de consacrer à nouveau un numéro aux altermodernités. Face aux postures que nous dénonçons, nous préférons mettre en avant l’engagement social de l’architecte, ses pratiques collaboratives et ouvertes pour de nouvelles formes d’action citoyenne. Ce thème est d’ailleurs celui de l’exposition printanière du Pavillon de l’Arsenal dont nous nous faisons largement l’écho dans ces pages. Au concept de radicalité, nous avions opposé le terme de radicant : ce mot, expliquions-nous, renvoie aux plantes radicantes comme le lierre dont les racines adventives s’attachent et se nourrissent en même temps qu’elles avancent. Alors que la radicalité renvoie aux origines, la radicantité se construit dans la tension entre enracinements et mouvement. Elle tire sa force de la fluidité et de l’instabilité : elle est nomade. Nomades nous aussi, nous vous emmenons en ce mois de mai découvrir d’étonnantes expériences, de la Thaïlande à la Norvège en passant par l’Afghanistan, et du Yémen à Ivry-sur-Seine en passant par l’Égypte, l’Afrique du Sud ou le Brésil…
Emmanuel Caille