(6/20) Le monastère de Solan : architecture de garde à la Bastide-d’Engras / 2006

Architecte : Gilles Perraudin, avec Elisabeth Polzella
Rédigé par Stéphane BERTHIER
Publié le 30/06/2022

Le monastère de Solan est érigé sur les contreforts des Cévennes, au nord-ouest d’Avignon. Une communauté de moniales orthodoxes s’y est installée dans les années 1990 et exploite depuis trente ans le domaine viticole et agricole de La Bastide-d’Engras, qui était tombé en déshérence. L’église, avec son clocher octogonal, est un habile pastiche de l’art roman terminé en 1992. De même, certains communs récents miment parfaitement l’architecture vernaculaire locale. Dans cet environnement bâti qui semble avoir toujours existé, les religieuses furent soucieuses de faire construire un chai de 2 000 m2 qui puisse le prolonger sans le dénaturer, à des coûts acceptables. Celui que l’architecte avait réalisé pour lui-même à Vauvert en 1995 les séduisit par la simplicité et l’économie de moyens de son dispositif, ainsi que par la qualité des échanges nés de leurs premières rencontres. Cet édifice, conçu par Gilles Perraudin, assisté d’Elisabeth Polzella et de l’ingénieur Jacques Anglade pour la charpente en bois, est un volume parallélépipédique de 42 m de longueur par 16,6 m de largeur et 7,35 m de hauteur. Il est réalisé à partir d’un unique module de pierre issu de la carrière du pont du Gard, de 0,5 m de largeur par 2,10 m de hauteur et 1,05 m de profondeur, à partir duquel toutes les mesures architecturales se déclinent. Les façades sont faites de piliers espacés de seulement 0,25 m, formant des baies à l’allure de meurtrières, closes de vitrages ou de ventelles en bois. Ces portiques sont couronnés d’un entablement en retrait, constitué de blocs semblables formant linteaux. Bâtie sur le côté sud du monastère, la construction s’enterre d’une demi-hauteur dans la pente naturelle du terrain sur près d’un tiers de sa longueur. Cette partie accueille les caves à barriques qui profitent ainsi de l’inertie thermique du sol, suffisante pour maintenir une température idoine d’octobre à juin. De part et d’autre de l’axe transversal de l’édifice, deux grands portails de bois surmontés d’imposantes platebandes donnent accès au chai, l’un du côté du monastère, l’autre depuis la cour de service, ouvert sur le monde extérieur. Au levant s’étendent le potager, le verger, puis les vignes du domaine. 

Les reportages photographiques publiés à la livraison de l’édifice en 2007 mettaient en valeur le caractère monumental d’un édifice rythmé par la seule scansion verticale de ses piliers, et tendaient à escamoter la présence du monastère. La visite, quinze années plus tard, révèle a contrario d’habiles relations au contexte bâti et topographique, qui l’inscrivent dans la continuité des lieux de vie et de prière des moniales. Les effets de grand-angle exagéraient une échelle finalement plus modeste qu’on ne l’imaginait, plus juste dans son contexte. Hormis depuis la cour de service au sud, il est difficile de saisir le bâtiment d’un seul regard; il tend plutôt à se fragmenter dans les multiples séquences du lieu. Cette architecture frugale, massive mais contextuelle nous permet de mesurer la vacuité des gestes architecturaux de quelques chais du Bordelais où de grandes signatures du métier ont mis ces dernières années leur talent au service de prestigieux domaines. Ici, l’œuvre semble accepter les nécessités pratiques de la vie quotidienne d’une communauté qui lui a ajouté, au fil des années, quelques adjonctions assez laides comme des remises, une chaufferie ou encore une palissade qui couronne sa façade est. Pourtant, la puissante simplicité des piliers de pierre l’emporte et donne à lire ces amendements malheureux comme des petites choses que le temps emportera. De même, la végétation gagne peu à peu son pourtour et participe aussi à la fragmentation de la perception comme à la fraîcheur des lieux. La pierre se patine doucement et le chemin de l’eau, du ciel vers la terre, commence à se lire dans les mousses et les lichens qui recouvrent les têtes des piliers saillants. Comme un vin de garde, cette architecture semble se bonifier avec le temps.



Maîtres d'ouvrages : Communauté religieuse de Solan
Maîtres d'oeuvres : Gilles Perraudin (architecte) avec Elisabeth Polzella, Damien Vielfaure (assistant) - BET : Anglade
Surface : 2 000 m2 
Coût : 600 000 euros
Date de livraison : 2006

Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane Monastère de Solan - Gilles Perraudin / 2006<br/> Crédit photo : BERTHIER Stéphane

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