Architecte : Antoinette Robain et Claire Guieysse Rédigé par Guillemette MOREL-JOURNEL Publié le 01/07/2022 |
Il y a vingt ans, les rives du canal de l’Ourcq, à Pantin, n’avaient pas l’air pimpant-bobo qu’elles arborent aujourd’hui. Au niveau du pont de la mairie, une sorte de mastodonte beige poursuivait un processus de délabrement qu’il avait entamé depuis un certain nombre d’années : la cité administrative municipale, livrée en 1972 par un Jacques Kalisz alors à peine diplômé, se mourait d’un double désamour – les services qu’elle abritait (impôts, justice et police) et le matériau qu’elle déclinait sous toutes ses formes et dans toute sa nudité : le béton. La ville envisagea même sa démolition – aussi étrange que cela paraisse, ce joyau du brutalisme en France ne jouit d’aucune protection patrimoniale aujourd’hui encore –, mais l’État l’acquit en 1997 pour 1 franc symbolique afin d’y installer un programme culturel ambitieux, le Centre national de danse (CND). À l’issue d’une phase de consultation restreinte, durant laquelle les candidats purent réellement échanger et travailler avec les futurs occupants, c’est l’équipe d’Antoinette Robain et de Claire Guieysse qui fut retenue. Elles étaient aussi celles qui avaient décidé de préserver le plus possible l’intégrité du bâtiment, notamment des façades.
C’est d’ailleurs par elles que leur travail a commencé, par une évaluation de la faisabilité de leur conservation malgré leur état souvent très dégradé, en particulier pour les pièces verticales les plus fines des volumes « masques » en saillie sur le canal. Pour des raisons de coût et de délais, la solution retenue (l’application d’un gel qui devait prévenir la corrosion à l’intérieur de la matière) n’a été mise en œuvre que dans les endroits les plus critiques. Faute d’entretien (éternel refrain français), les zones moins touchées ont poursuivi leur dégradation, tandis que, la décennale passée, celles qui avaient été traitées ont aussi commencé à se détériorer. D’où le pitoyable empaquetage actuel dans des filets protecteurs des modules de béton qui faisaient la force des façades... en attente d’une nouvelle et complète restauration. Heureusement, aujourd’hui, l’intérieur de l’édifice garde l’intégrité du parti architectural initial, avec le vide littéralement monumental du hall (20 mètres de hauteur), que magnifie la double rampe desservant les étages. Cette « sauvegarde » – l’école suisse parle aujourd’hui de « sauvegarde du moderne » et non seulement de sa conservation –, elle est à porter au crédit du deuxième parti architectural formulé pour ce lieu, trente ans après celui de Kalisz, par Robain-Guieysse : l’édification, parallèlement aux volées, d’un « mur-cimaise » enduit d’un stuc d’une couleur rouge profonde et lumineuse – « comme un rideau de théâtre », selon les conceptrices.
Ce dispositif regroupe et cache tous les équipements techniques et les circulations verticales comme les ascenseurs. La force du vide central (on imagine les débats avec les pompiers) est laissée intacte ; le béton est partout, pleinement offert à la vue : garde- corps et sous-faces des rampes, plafonds à caisson. Ce geste à la fois violent – un mur vertical toute hauteur – et respectueux – placé en retrait des volumes existants, le matériau et la couleur explicitant d’emblée qu’il s’agit d’un ajout – établit un dialogue fructueux avec l’architecture de Kalisz, parce qu’il prend sa place sans contrefaire une pseudo-discrétion, et qu’il le fait dans un langage qui ne sombre ni dans la gesticulation ni dans la mièvrerie. On retrouve cette attitude dans l’aménagement de ce qui est tout de même la raison d’être de l’équipement : les studios de danse. Aux difficultés techniques inhérentes à la reprise d’un bâtiment réalisé de manière souvent imparfaite et au changement de fonction s’ajoutaient des contraintes de confort thermique et lumineux ainsi que des défis acoustiques, que la rigueur constructive des architectes a su résoudre dans des dispositifs et des géométries très efficaces.
Le réaménagement des espaces d’accueil par l’équipe Berger et Berger en 2016, s’il participe d’une volonté de plus grande ouverture de l’équipement sur le quartier, notamment avec la création d’espaces de coworking confortables, ne témoigne sans doute pas de la même empathie avec ce qui faisait la force somme toute extraordinaire du bâtiment initial.
Cette opération a reçu en 2004 l’Équerre d’argent. Il convient malheureusement de relever que l’attribution de cette récompense à une équipe féminine ne s’est reproduite que deux fois depuis.
Maîtres d'ouvrages : Ministère de la Culture
Maîtres d'oeuvres : Antoinette Robain et Claire Guieysse
Surface : 5 500 m2
Coût : 14,8 millions d’euros
Date de livraison : 2004
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