L’opération de logements sociaux rue des Suisses (1996-2000), à Paris 14e, est une démonstration éloquente de la capacité du bureau Herzog & de Meuron à s’approprier une situation urbaine hétérogène sans chercher à en lisser les aspérités. Depuis le milieu des années 1980, l’agence a développé une activité architecturale toujours sensible aux contextes. D’un point de vue formel, mais surtout perceptif et sensitif, eu égard aux ambiances et aux matériaux mis en œuvre, dans une approche souvent tactile.

Précisément, rue des Suisses, l’opération de Herzog & de Meuron propose deux ambiances. Elle donne sur deux rues perpendiculaires et se développe sur un terrain qui s’étend sur une parcelle profonde. Côtés rues, elle recherche un accord avec ce que les architectes reconnaissent être la qualité spécifiquement parisienne des étroits immeubles verticaux des faubourgs : « une certaine élégance malgré le fait que les bâtiments individuels ne sont pas particulièrement attractifs ». 

Dans la profondeur de la parcelle, une autre démarche est requise, qui évoque délibérément le bâtiment que l’agence a précédemment réalisé à Bâle, Hebelstrasse. Il s’agit d’un bâtiment linéaire, accompagné de deux « maisons » aux formes « conventionnelles », d’une tout autre architecture que celle qui regardait les rues. L’édifice assure au plus grand nombre possible de logements une relation directe au terrain et au jardin, chacun protégeant son intimité grâce à des rideaux de bois qui s’enroulent selon de courbes complexes. 

L’opération d’Herzog & de Meuron est l’exemple même d’une « architecture urbaine » – dont il fut tant question dans les années 1980 et 1990 –, sans que celle-ci soit obligée de s’en rapporter à des principes ou à des dogmes, pas plus qu’à l’idée d’une cité du futur ou d’une ville qui devrait être réinventée. L’architecture de l’agence se conjugue d’abord au présent.

Maîtres d'ouvrages : Régie immobilière de la Ville de Paris 
Maîtres d'oeuvres : Herzog et de Meuron : Jacques Herzog, Pierre de Meuron, Christine Binswanger, Sacha Marchal, Andrea Bernhard, Robert Hösl, Susanne Kleinlein, Reto Oechslin, Stephan Wolff (architectes), Mario Meier (conseils constructifs), Bela Berec (maquette)
Entreprises : Ingénieur conseil : Cabinet A.S. Mizrahi – Bureau de contrôle : Socotec
Surface : 4 824 m2 (SHON)
Coût : 7,5 millions d’euros TTC (total du gros œuvre)
Date de livraison : 2000