Architecte : Armand Nouvet Rédigé par Pascale JOFFROY Publié le 26/06/2013 |
Inscrite dans une opération « pilote » de la Ville de Paris, cette réalisation propose l'expérimentation d'une construction de haute qualité environnementale par des moyens exclusivement architecturaux. Écartant les accessoires technologiques sophistiqués et le double flux qui se sont systématisés ces dernières années, elle interroge les apports du solaire passif et leur régulation dans le logement, une vieille idée oubliée. Elle met à mal les clichés dominants de l'isolation multicouche « défensive », sans cependant prétendre proposer une recette ou battre un record. L'intelligence mise en place dépend logiquement du contexte : celui de la commande (favorable à l'expérimentation) et du « sur-mesure » urbain décrété par Eva Samuel, urbaniste de ce petit secteur populaire du XXe arrondissement de Paris en renouveau. Ce rapport au contexte pose, on le verra, la question de la capitalisation de l'expérience pour cette approche architecturale bioclimatique.
Riche des libertés données à l'organisation de l'îlot, le plan-masse étire sur la rue et le jardin un important développé de façades orientées favorablement vers le soleil, et s'attache à limiter les ombres portées. Enjeu prioritaire pour les performances thermiques, ces façades prennent dès le concours la forme d'une double peau vitrée, qui s'épaissit devant les séjours pour devenir véranda et micro-serre. La double peau intègre des « capteurs » qui deviendront de grands éléments de béton préfabriqué noir, relecture contemporaine du mur Trombe des maisons solaires des années soixante-dix. L'hiver, l'air préchauffé par ces capteurs et par la véranda est diffusé (par ventilation simple flux) dans les pièces d'habitation. L'été, des stores jouent le rôle d'interrupteur devant les capteurs, au droit de la peau vitrée extérieure.
L'application au logement social de ces principes bioclimatiques anciens a nécessité l'étude fine de plusieurs dispositifs, en collaboration avec le bureau d'études RFR Éléments : l'épaisseur du capteur, par exemple, ne s'est pas révélée un paramètre significatif pour le stockage de la chaleur (par rapport à son linéaire), le capteur n'est donc pas plus encombrant qu'une cloison ; l'échauffement entre la vitre et le store (placé à l'intérieur pour une meilleure durabilité et aluminisé en face externe) s'avère modéré, car le verre simple extra clair de la paroi extérieure laisse sortir la chaleur comme elle est entrée.
Dans le sillon de cette approche bioclimatique, la conception des logements se réécrit hors des sentiers battus. L'épaisseur variable de la double peau génère des vérandas de forme atypique qui, selon les saisons, creusent les séjours ou les projettent en bow-windows. De l'intérieur, les différents plans de la façade filtrent le rapport avec la ville autant qu'ils régulent la température. Calés adroitement dans le plan des logements, les poteaux de la structure participent au feuilleté d'épaisseurs entre l'intérieur et l'extérieur. La structure poteau-dalle, exceptionnelle dans le logement en France, économise la matière et libère le cloisonnement intérieur. Elle permet également d'échapper à la retombée de poutre en façade, augmentant d'autant la hauteur de vitrage et le préchauffage de l'air. Dans les séjours, le capteur est placé au centre de la façade. Certaines ouvertures se trouvent donc repoussées contre les cloisons, qui se transforment ainsi en réflecteurs de lumière, à la façon des fenêtres vénitiennes. Au fond du salon, la diagonale introduite par les cuisines aux cloisons coulissantes déjoue la mono-orientation principale des logements.
Contre le mitoyen, deux courettes éclairent les pièces humides et fournissent de l'air frais pour le rafraîchissement d'été. L'une de ces cours sert de patio privatif, l'autre de distribution commune à trois logements. Elle renforce l'esprit de convivialité et de partage que suggèrent par ailleurs l'échelle de l'opération et le jardin. La transparence de la grande façade vitrée qui enveloppe les bâtiments agit dans le même sens. Les châssis, qui se décalent d'un niveau à l'autre en fonction des plans, semblent encourager le foisonnement libre des usages.
La fenêtre et le store commandent à la fois le confort individuel et la performance thermique collective (par conséquent le niveau des charges). Comme on actionne les volets le matin et le soir dans les régions du Sud, chacun accomplira un « geste citoyen » en ouvrant le store l'hiver et en le baissant l'été devant le radiateur. Une signalétique dédiée le rappelle dans chaque logement.
On remarque les nombreux éléments
qu'il a fallu intégrer en façade : les capteurs, les
garde-corps, le coulissement large pour le nettoyage des vitres,
l'entrée d'air sous le châssis en partie basse. Ici bien
maîtrisée, la complexité du détail révèle néanmoins la
difficulté d'expérimenter à la fois dans le logement social et
le bioclimatique. En suggérant – à l'heure où l'économie de
moyens devient impérative – que la réflexion architecturale vaut
mieux pour le confort et l'économie d'énergie que
l'investissement dans des technologies coûteuses, cette
réalisation interroge les conditions de la capitalisation des
acquis. Certes on le voit ici, l'énergie considérée comme
« matériau » de l'architecture est susceptible d'agir
fortement sur les morphologies. Mais pourra-t-elle, comme l'acier
et le béton en leur temps, servir une pensée architecturale
nouvelle et transformer le paysage bâti du XXIe siècle ? Il
apparaît du moins clairement que l'architecture durable, parce
qu'elle doit par essence s'adapter au lieu et au programme, reste
particulièrement peu reproductible et systématisable.
Maître d'ouvrage : SIEMP
Maîtres d'oeuvres : Babled Nouvet Reynaud architectes (BNR), Armand Nouvet ; Julien Boidot, chef de projet - BET : SNC Lavalin, technique et économie, RFR Éléments, qualité environnementale
Entreprises : Société Francilia
Surface SHON : 1950 m2
Cout : 2 508 € H.T./m2 SU
Date de livraison : avril 2013
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