La transformation des bâtiments d’hier, riches de leur énergie grise autant que de leur valeur patrimoniale, sinon plus, prend et prendra une part toujours plus grande dans le travail des architectes. À l’occasion de cette reconversion d’une halle industrielle à Montataire (Oise) en école municipale de danse et de musique, Pierre Hebbelinck (AAPH), Heleen Hart et Mathieu Berteloot (HBAAT) font de cette pratique un sujet de haute architecture. 

Dans une commune communiste au fort passé ouvrier, leur projet est avant tout un plaidoyer pour l’intelligence matérielle qui s’est exercée sur ce territoire et dont la halle en béton armé, construite en deux temps par les frères Perret, est un bel exemple. Datant de 1949, la partie la plus récente offre – grâce à ses cinq grandes fermes en bow-string d’une portée de près de 25 m et d’une hauteur de 6,50 m sous l’entrait – une vaste surface libre où est situé le grand hall d’accueil puis, dans une phase ultérieure pas encore budgétée, la salle de concert. Élevée en 1919 après les destructions de la Grande Guerre, la halle d’origine est quant à elle tripartite : deux travées collatérales plus basses où les architectes logent les petites salles de cours d’un côté et une galerie ouverte de l’autre, et un grand vaisseau central, de 16m de portée et de 8m à la clef, où ils trouvent notamment deux beaux espaces en double hauteur, l’un pour la danse et l’autre pour la pratique d’orchestre. Retrouver la nudité monolithique de ces structures, produit croisé de l’art du maçon et du charpentier, restituer ce squelette de béton dans l’évidence de son épure constructive, telle fut l’intention fondamentale du trio d’architectes, qui a pris soin d’occuper cette « belle ruine » sans la nier ni la dénaturer, mais en la révélant. Tous les ouvrages secondaires d’origine (planchers intermédiaires, murs de remplissage) ont été systématiquement démolis. Laissée brute, l’ossature en béton a été nettoyée, microgommée, parfois ragréée, laissant voir les traces du temps. Quelques platines, tirants, étriers ou renforts moisés en acier ont été ajoutés, signalant leur présence par la blancheur de leur laque. Majoritairement opaques du fait du caractère introverti de ce genre d’équipement et de la possibilité d’éclairage zénithal, les nouvelles façades glissent derrière l’ossature et jouent, par leur teinte immaculée, d’un sobre contraste entre un fond lisse et une forme rugueuse. À la fois radicale et respectueuse, l’intervention mobilise une gamme raréfiée de matériaux pauvres, laissés bruts, et renonce à tout effet facile, recherchant plutôt un accord presque musical avec les rythmes sériels des deux halles. L’architecture, pensée ici comme art de la métamorphose, tisse alors un nouveau rapport au temps et à la durée.

Maîtres d'ouvrages : Ville de Montataire 
Maîtres d'oeuvres : atelier Pierre Hebbelinck et HBAAT (architectes) – BET : Egis (structure et fluides), Technicity (qualité environnementale), PHD ING (économiste), Khale acoustics (acoustique), Artsceno (scénographie), Joseph Abram (historien), Pierre Toby (artiste), Frédéric Delesalle (paysagiste)
Surfaces : 1 914 m2 (SU), 2 004 m2 (SHON), 3 084 m2 (SHOB)
Coût : 4,1 millions d’euros HT 
Date de livraison : 2018