Architecte : X-TU Rédigé par Richard SCOFFIER Publié le 05/11/2012 |
Réalisation parue dans le d'a 213, novembre 2012
Sur l'axe dessiné par l'agence Treuttel/ Garcias/Treuttel vient prendre position un immeuble étrange, dont on peine à comprendre la destination. Pourtant parfaitement aligné dans le dispositif haussmannien, il parvient à s'en émanciper en créant un événement architectural qui pourrait paraître disproportionné.
« Les Terrasses de Seine Arche », l'opération dirigée par l'agence Treuttel/Garcias/ Treuttel, commence à prendre forme. C'est un arrière qui sait se retourner comme un devant. Ainsi l'Arche, qui depuis Paris apparaît comme un gigantesque dé mallarméen lancé sur le tapis de jeu du Parvis de la Défense, retrouve ici son aura d'arc triomphal. Elle est parfaitement recadrée et mise en scène par les deux alignements monumentaux qui déterminent une longue pièce urbaine rappelant la Karl Marx Allee construite par Hermann Henselmann à partir de 1951 dans Berlin dévasté. Vingt terrasses plantées et encadrées de voies réservées à la circulation douce se succèdent ainsi en escaliers et poursuivent l'axe de Le Nôtre. Elles dédramatisent cette longue ligne droite en l'infléchissant légèrement, avant de la dissoudre dans le futur parc prévu le long des berges de la Seine.
Masque
L'immeuble de X-TU, à l'élégance tapageuse, se dresse au nord, juste avant que la nouvelle promenade monumentale ne vienne frôler les blocs corbuséens de la préfecture et du palais de justice des Hauts-de-Seine. Pour éviter les vélos sur les balcons et les pots de fleurs aux fenêtres à proximité de l'ensemble institutionnel réalisé par André Wogenscky, l'Établissement public avait recommandé aux maîtres d'œuvre de donner à leur bâtiment l'allure d'un immeuble de bureaux.
Ils ont presque trop bien répondu à cette demande et produit un objet dont il est difficile de discerner l'identité. Sans avoir lui-même une échelle propre, ce héros masqué sait tutoyer l'équipement départemental comme la Cité d'habitat social des provinces françaises, plus domestique, qui s'étend à l'arrière, en contrebas. Des plots étirés de neuf étages flottant sur un socle vitré et d'autres plus massifs et moins hauts, enfoncés dans le sol autour de trois cours anglaises, se disposent en quinconce et s'enchâssent étroitement les uns dans les autres pour composer un immeuble Janus aux deux visages. Le premier visage se découpe pour dessiner une $skyline$ en lévitation qui pourrait rappeler le projet dessiné par Rem Koolhaas en 1986 pour l'hôtel de ville de La Haye. Mais ici l'aspect formel et événementiel est presque sidérant, hallucinant. La double peau en verre sérigraphié, qui semble grise et parsemée d'étoiles argentées, est encore profondément scarifiée de motifs jaune d'or en croix ou en fragments de croix, correspondant à des espaces directement ouverts sur l'extérieur. Elle sait jouer avec une virtuosité ostentatoire sur les variations d'intensité du ciel parisien, qui se donne librement en spectacle au-dessus du site.
La double peau de verre ainsi traitée ne donne aucune indication sur l'échelle et la destination du bâtiment. Elle parvient à intégrer les meubles et les autres objets incongrus que les premiers occupants ont déjà commencé à entreposer derrière elle. Ces éléments hétérogènes lui apportent même des transparences colorées, des reflets, des moirures, et lui accordent un supplément de profondeur, d'inertie, sans jamais la mettre en crise.
La pixélisation se poursuit, plus grossière, sur les autres façades, sur l'autre visage du bâtiment. Elle se compose maintenant de carrés gris, jaunes et noirs qui viennent perturber la lecture des fenêtres de mêmes dimensions et percées aléatoirement dans les parois blanches.
Potage
On pourrait regretter que le caractère machinique de ce bâtiment ne soit pas plus exploité, au lieu d'être caché par les multiples effets graphiques très Beaux-Arts. Le mécanisme des ventelles pivotantes de la double peau de verre des loggias de la façade sud possède une réelle qualité. Il permet de faire fonctionner, l'hiver, l'entre-deux comme un jardin d'hiver apportant de la chaleur aux logements, tout en assurant, l'été, la ventilation des espaces. De même, l'organisation en quinconce, faisant bénéficier chaque logement d'au moins deux orientations, n'avait pas besoin d'être camouflée par les motifs peints de la façade ou dénaturée par les murs-rideaux fixes qui, au nord, cherchent vainement à accentuer les failles fragmentant la masse du bâtiment. Ailleurs, les boîtes à ressort, dont le rôle est d'empêcher la transmission des vibrations de la ligne B sur laquelle le bâtiment est fondé, auraient pu également fonctionner comme un point de départ de la conception. Plus visibles, elles auraient permis de dénoncer le faux sol des terrasses et rendre lisible le faisceau d'infrastructures – le mikado des tunnels de l'A14 et du RER – sur lequel toutes les opérations sont posées.
Là où les choses se compliquent c'est que, militants passionnés du développement durable, Nicolas Desmazières et Anouk Legendre ont pensé les loggias comme de véritables serres agricoles où chaque habitant peut cultiver son jardin potager. Elles ont été conçues en référence aux jardins ouvriers, comme de vrais générateurs de pratiques altermondialistes, fondées sur le troc et l'échange non commercial. Tous deux paraissent souhaiter ardemment que, derrière leur étonnante façade-écran, les habitants puissent cultiver tomates ou concombres afin de réactiver d'anciennes relations de voisinage. Peut-être cultiveront-ils autre chose, au nez et à la barbe des juges du tribunal correctionnel, et participeront-ils à une économie certes illicite mais relevant toujours du capitalisme.
Mais rien, derrière cette façade très design, ne laisse présager une telle volonté d'organisation sociale. Comment peut-on espérer qu'un tel projet de vie en commun puisse se réaliser si l'architecture ne l'accompagne pas, ne le porte pas ? D'ailleurs, même les architectes ne semblent pas y croire vraiment eux-mêmes, pressés de plaquer sur leur produit un discours convenu : aucun point d'eau, par exemple, n'a été prévu dans les loggias pour l'arrosage des plantes. Comme si le projet portait déjà en lui les stigmates d'un rêve avorté.
Maîtres d'ouvrages : Toit et Joie, OPHLM Nanterre (logements sociaux), Logipostel, CAUE 92 (logements en accession et galerie)
Maîtres d'oeuvres : X-TU, Nicolas Desmazières et Anouk Legendre, Nicolas Jomain (chef de projet)
Entreprises : économie, CET; HQE, Le Sommier Environnement; acoustique, LASA
Surface SHON : 13 252 m2, 1 948 m2 en RDC
Cout : 22,7 M € H.T.
Date de livraison : octobre 2012
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : BAST, architecte mandataireMaîtrise d’œuvre : commune de Montjoire&nbs… [...] |
[ Maîtrise d’ouvrage : commune de VelainesMaîtrise d’œuvre : GENS ; BET TCE, BET2CSignalétiq… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Legendre immobilier – Maîtres d’œuvre : Atelier Kempe Thill (mandatair… [...] |
Maîtres d'ouvrages :conseil départemental des Hauts-de-SeineMaîtres d'oeuvres : Mars archite… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |