Le campus Paris-Saclay : des fragments de plans hippodamiens, dispersés sur plus de 5 km à travers les champs, définissent de grands îlots entièrement lotis par des institutions universitaires – ENS, École centrale... – ou par des résidences étudiantes. Un territoire qui se voudrait un espace d’échanges et de sérendipité, mais qui se constitue surtout comme une collection d’enclaves semblant chercher la ville en elles-mêmes et non autour d’elles... 

C’est dans le quartier du Moulon qu’un petit miracle s’est produit en 2016 lors de l’émergence du « lieu de vie », une opération destinée à voir s’étendre sur sa parcelle un restaurant universitaire, des bureaux ainsi que des terrains de sport et leurs vestiaires. Mais ses concepteurs ont refusé d’emblée de remplir l’emprise qui leur était attribuée et ont superposé ces éléments hétérogènes en limite de propriété. Ce geste inaugural a permis de libérer une vaste place à l’arrière du bâtiment et de donner un relief maximum au projet corbuséen très plastique réalisé par Michel Rémon au début des années 1990, qui attendait patiemment dans les champs le jour de son avènement...

La construction nouvelle, très verticale, s’est donc positionnée comme ces stations-service des années 1950 qui ponctuaient les nationales, comme si elle équipait l’espace public. Plongé dans ce milieu autistique, ce nouveau volume tend la main à son voisin et cherche à instaurer un dialogue qui se transformera plus tard en colloque avec l’arrivée du bâtiment de physique réalisé par Dominique Lyon. 

Mais approchons-nous de cet édifice que l’on peut considérer comme une réflexion sur la maison Domino du Corbusier. Aucun cloisonnement n’apparaît de prime abord, comme si seules surfaces supports et sous-faces servantes – pourvues de tubes fluorescents, de chauffage rayonnant et de conduits de ventilation – qualifiaient efficacement l’espace entre elles. 

C’est aussi un bâtiment classique et symétrique, composé d’un socle en retrait, d’étages nobles en porte-à-faux et d’un attique scandé par des mâts chargés de tendre les filets autour du toit-terrasse. Sa structure se caractérise par des colonnes très fines supportant de hautes poutres de 90 cm de retombée, qui pondèrent sa légère et sa transparence en lui accordant une dramatique impression de pesanteur. Chaque élément porte à son comble les notions de porosité, de partage, d’échange : le passage qui relie la rue au parvis intérieur, dont le calepinage des dalles reprend la trame des poteaux, le double escalier qui s’ouvre généreusement des deux côtés par des triples volées pour mieux associer totalement le belvédère de l’entresol à la ville... 

Aucune fenêtre, comme si les façades étaient des coupes simplement protégées par des diaphragmes de verre qui parfois coulissent et se doublent de garde-corps filaires, tout en étant équipées de stores extérieurs très discrets filtrant et contrôlant la lumière et la chaleur... À travers cette peau transparente, ce sont des tranches de vie qui se mettent en scène : dans le réfectoire, les étudiants qui déambulent entre les tables à la recherche d’une place assise ; dans la cuisine, les cuistots et les plongeurs qui s’activent derrière leurs fours et leurs éviers ; dans les salles de gymnastique, les danseurs et les sportifs organiquement soudés à leurs agrès... Et enfin, sur la toiture qui s’élance au-dessus de la canopée toute proche comme une piste de porte-avions, les basketteurs qui semblent, comme autant d’Icare, chercher à prendre leur envol.

Maîtres d'ouvrages : Établissement public d’aménagement Paris Saclay (EPAPS)
Maîtres d'oeuvres : Studio Muoto – Consultants : Y Ingénierie, Bollinger & Grohmann, Alternative, Novorest
Surface : 4097 m
Coût : 6,5 millions d’euros 
Date de livraison : 2016