Architecte : Bernard Quirot architecte + associés Rédigé par Marie-Anne DUCROCQ Publié le 22/06/2022 |
On glorifie usuellement les bâtiments dans leur fraîcheur juvénile, vierges encore de l’épreuve du temps, ce juge certes implacable mais le plus à même de rendre compte de la valeur d’un édifice. Ne faudrait-il pas attendre quelques années, que celui-ci fasse connaître sa sentence ? Quels sont ses critères? La vie des matériaux, le contentement des usagers, la capacité du bâtiment à absorber la contingence de la vie qui s’y déploie. Enfin, la manière dont il parvient à faire corps avec son site, à en devenir un élément familier. En 2014, Bernard Quirot livrait la maison de santé de Vézelay. Les années l’ont-elles altérée, ou bien au contraire sublimée ?
La maison de santé, répartie en quatre bâtiments afin de ne pas briser par un volume trop imposant les proportions domestiques environnantes, vient se nicher au pied de la colline de Vézelay, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Deux bâtiments s’installent sur la partie haute du terrain, accompagnant la pente par un étage inférieur, les deux autres, au sud-est, en contre-bas des premiers. Disposés d’une manière faussement aléatoire, ils dessinent une cour triangulaire s’ouvrant en de minces interstices aux angles, qui offrent des perspectives finement calculées sur la cascade de toits rouges qui dévale la colline de Vézelay.
Laboratoire des politiques rurales
La maison de santé constitue depuis ses premiers instants d’existence un bon indicateur des dynamiques politiques en jeu dans les territoires ruraux. Le projet émane d’un groupe de professionnels de santé, qui, après plusieurs années de réflexion et de dialogue avec la commune, parviennent en 2014 à concrétiser leur ambition. Ce projet donnera le jour à l’une des premières maisons de santé cherchant à remédier au phénomène des « déserts médicaux ». Au fil du temps, les programmes se sont modifiés, l’édifice vivant au rythme des réformes territoriales et des initiatives étatiques d’aide aux communes rurales. Si les deux bâtiments situés en partie basse, accueillant une pharmacie et les cabinets, n’ont pas changé, ceux situés en haut de parcelle se préparent à recevoir des modifications importantes. L’étage supérieur du premier bâtiment, passé en cours de projet des mains de la commune à celles de la plus vaste communauté de communes, Vézelay-Avallon-Morvan, à la suite de la loi NOTRe, était resté inachevé, ne pouvant accueillir les réunions de cette entité politique élargie. Revenu aujourd’hui entre les mains du maire, il bénéficiera de travaux lui permettant de devenir une salle municipale. Le bâtiment attenant, abritant les archives de la commune, sera réaménagé afin d’accueillir les locaux de France Services, une structure de l’État censée aider les petites communes en proposant du soutien aux démarches administratives. Les volontaires qui tiennent les bureaux de vote dans la future salle municipale ce 18 juin 2022, jour d’élections législatives, très contents de la maison de santé, restent circonspects en ce qui concerne les politiques publiques allant contre les promesses de décentralisation, la formation d’une vaste communauté de communes ayant altéré le projet, et la création d’une antenne administrative de l’État apparaissant comme un palliatif symptomatique à la perte de pouvoir des autorités locales.
Régionalisme critique
Malgré les ajustements visant à améliorer le confort de vie, les bâtiments ont gardé leur élégance initiale, la patine installée depuis l’inauguration renforçant l’idée fondatrice : s’intégrer le plus étroitement possible dans le site. Démarche répondant aux critères posés par l’historien Kenneth Frampton, définissant ce qu’il nomme un « régionalisme critique ». Acte de résistance face à l’uniformisation généralisée de l’architecture cherchant à éviter tout historicisme nostalgique, cette démarche se définit par une synthèse fine entre la reprise d’éléments vernaculaires et la sémantique plus abstraite d’une technique universelle. Cette synthèse est sans aucun doute réalisée ici. La reprise de la pente affirmée des toits régionaux, l’usage des tuiles rouges et de la pierre, ainsi qu’une implantation pittoresque sont autant d’allusions au contexte régional, l’architecte les nuançant par la trame structurelle à la régularité plus abstraite, offrant un contraste avec la mise en œuvre artisanale des maisons environnantes. Le vieillissement du bois parfait l’incorporation du bâtiment au paysage, la structure prenant peu à peu la couleur grise de la pierre locale : le temps a permis à ce bâtiment de se fondre dans son site pour en devenir un élément familier. Toutefois, le péristyle contemporain qui en marque le pourtour ne manque pas d’insinuer une légère étrangeté rappelant l’appartenance de cette architecture au XXIe siècle.
Maîtres d'ouvrages : Communauté de communes Avalon-Vézelay-Morvan
Maîtres d'oeuvres : BQ+A (Bernard Quirot, Olivier Vichard, Alexandre Lenoble, Francesca Patrono, architectes, et Fabien Drubigny, chef de projet) – Signalétique : Massimo Colombo – BET : Gaujard technologie SCOP (structure bois) ; Clément (structure béton) ; Beteb (électricité + fluides)
Surface SHON : 1 085 m2
Coût : 2,3 millions d’euros HT
Date de livraison : 2014
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