Le prestigieux prix d’architecture Priztker vient d’être attribué au brésilien Paulo Mendes da Rocha. Richard Scoffier, architecte et critique, qui l’a rencontré quelques jours avant sa nomination, nous fait part à la fois de l’admiration et des réticences qu’il éprouve pour une architecture qui peut fasciner par sa rigueur conceptuelle et sa puissance plastique mais qui peut aussi agacer par son caractère hautain, voire autistique. |
Paulo
Mendes da Rocha est sans doute l'architecte brésilien vivant dont
l'Å“uvre sort radicalement de l'orbite d'Oscar Niemeyer (Pritzker
Prize ex-æquo avec Gordon Bunshaft en 1988) et dont l'influence est
aujourd'hui la plus sensible chez les étudiants et les jeunes
praticiens. Il a réalisé des bâtiments très divers - salles de
sport, logements, maisons individuelles, bureaux, musées - et reste
considéré traditionnellement comme l'un des plus éminents
représentants de l'école de Sao Paulo. Cette école plus
fonctionnalisme et plus constructive que celle de Rio possède sa
propre histoire et ses propres héros : de Gregori Warchavchik qui a
importé d'Europe (avant Le Corbusier) les principes du mouvement
moderne, à Joao Batista Vilanova Artigas ou Lina Bo Bardi…
Une leçon d'architecture
Je l'ai rencontré, quelques jours avant l'annonce du prix. Alors que j'avais tendance à réduire, peut-être insolemment, sa démarche à un brutalisme tardif, il s'est insurgé contre tout soupçon de formalisme en m'affirmant que chacun de ses projets s'attachait à répondre strictement aux questions posées par le site et le programme en utilisant le mode de construction et les matériaux appropriés (béton, verre, acier), variant selon les opportunités. Pour appuyer son désintérêt de toute question d'écriture ou de style, il est allé jusqu'à nier l'existence d'une école de Sao Paulo préférant souligner la diversité et la singularité des démarches des architectes brésiliens modernes et contemporains.
Je suis retourné, à la suite de cette conversation, dans son musée de la sculpture (1985-95) et dans sa maison (1964-66) sans doute les deux œuvres les plus emblématiques de sa démarche. Le premier, qui bénéficiait ce jour-là d'une lumière exceptionnelle, m'est apparu immédiatement comme une véritable leçon d'architecture. Ce projet dont la majeure partie du programme disparaît sous le sol sait prendre le recul nécessaire pour se dresser avec une intensité maximale face à la voie fréquentée et polluée qui le jouxte. La seule construction émergeante est une grande poutre formant auvent qui matérialise la diagonale du terrain trapézoïdal et projette une ombre dramatique sur les terrasses publiques qui s'étagent en gradins et correspondent aux salles enterrées. L'espace d'exposition, plongé dans une quasi-pénombre, se contracte ou se dilate soucieux de définir un paysage de sensation. L'éclairage naturel surgit à deux moments seulement, d'abord cadré par une longue baie et réfléchi par une pièce d'eau, ensuite par une ouverture zénithale qui dessine impeccablement un volume de lumière, rappelant celui qui traverse le dôme du Panthéon.Le prix de la démesure ?
Mais ces visites laissent pourtant légèrement perplexe. Le Musée trop pressé de se constituer lui-même comme une sculpture et comme un parcours sensoriel ne tolère aucun élément allogène, aussi les sculptures exposées et éclairées artificiellement apparaissent comme autant de parasites ne permettant pas de jouir de la minutieuse composition spatiale. Quant à la maison, comme sans doute beaucoup d'icônes du vingtième siècle, elle reste une véritable machine célibataire, un dispositif carcéral où les meubles figés en béton assignent chaque activité à résidence, où l'espace ouvert interdit toute intimité (comme en témoigne l'un des fils rescapé qui l'occupe seul aujourd'hui : un paradis pour l'enfant de trois ans et demi toujours placé à porté de voix de sa maman, un enfer pour l'adolescent de quatorze ans).
Comme si ce prix, qui distingue enfin aujourd'hui un architecte peu médiatisé, ne pouvait être décerné qu'à des auteurs qui s'enferment dans une certaine démesure, des créateurs d'objets eucharistiques qui impliquent un usage unilatéral de l'espace : promenade mystique aux stations imposées ou utopie adamique d'une famille fusionnelle, des donneurs de leçons un peu péremptoires qui semblent avoir oublié le principe essentiel de tout acte constructif (l'affirmation de l'accueil, de la protection, de l'ouverture aux possibles et à toutes formes d'appropriation) pour préférer se plonger corps et âme dans les délices morbides de l'affirmation du geste même.
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