Baukunst & Bruther, lauréats |
Partons
une nouvelle fois vers Bruxelles où certaines agences semblent parvenir Ã
dépasser l’opposition entre architecture flamande et wallonne. Dans ce concours
organisé par le Société d’Aménagement Urbain de Bruxelles, elles définissent
une approche plus générique dont les projets en lice de ce très intéressant
concours sont symptomatiques. |
ERRATUM
Dans l’édition papier de notre numéro d’avril nous avons
malencontreusement inversé les textes des projets de l’agence office Kersten
Geers Van Severen (« minimal et expressif » P. 37) avec celui de l’agence
Neutelings (« dedans dehors » p. 40).
Nous présentons nos plus vives excuses aux architectes, Ã
la SAU le maître d’ouvrage et à nos lecteurs. Voici donc en version intégrale
et corrigé sur notre site, l’article de Richard Scoffier.
La Maison des médias doit venir se
dresser à proximité du siège de la radio et de la télévision belge, à l’est de
la commune de Schaerbeek, dans un quartier à la fois desservi et enclavé par de
grands axes routiers : le boulevard Auguste-Reyers qui fait partie de la
ceinture moyenne de Bruxelles et le départ de l’E40 qui vient s’y connecter à l’aide
d’un réseau complexe de bretelles et de tunnels. Ces deux infrastructures
doivent être déclassées pour permettre aux territoires qu’elles délimitent de réintégrer
pleinement la ville. Le boulevard ne cherchera plus à s’affirmer comme un périphérique.
Quant à l’E40 – qui file à travers l’Europe pour rejoindre Astrakhan en
Russie – actuellement en surcapacité, elle sera réduite de moitié jusqu’Ã
la limite de l’agglomération pour dégager son talus sud qui se constituera comme
une supersurface, en hommage aux projets
de Superstudio de 1972.
Le nouveau bâtiment perpendiculaire
au boulevard et parallèle à l’autoroute devra exprimer la mutation de ce
quartier et servir d’enseigne au projet de Mediapark qui s’étirera au-dessus du
talus réapproprié et requalifié. Quant à son programme, il regroupe plusieurs
organismes et s’apparente à un inventaire à la Prévert : auditoriums, incubateurs,
studio d’enregistrement, restaurant, salles de formation… De plus, il réclame
une distinction entre les travailleurs sédentaires assignés à résidence dans
leurs bureaux individuels ou paysagers et les travailleurs nomades – les chasseurs-cueilleurs du XXIe siècle –
qui, équipés de leur laptop, doivent
pouvoir se déplacer librement sur les plateaux en allant de table en table.
Supersurfaces
& supertrames
La sélection des équipes en
compétition est très cohérente. Ce sont de jeunes agences emblématiques de ce
que l’on pourrait appeler la « nouvelle école belge ». Elles conjuguent
consciencieusement les trames constructives des Terragni et autres rationalistes
italiens des années 1930 avec celles, plus abstraites, des architectes radicaux
des années 1970. Ainsi, pas d’enveloppes ni d’écrans, mais uniquement des
structures vitrées et des squelettes équipés.
Les lauréats, Baukunst & Bruther,
semblent proposer un Centre Pompidou low-tech
plus Piano que Rogers. N’hésitant pas à recourir à un certain symbolisme, les blocs
superposés et dégressifs de Kersten Geers & David Van Severen amorcent
une construction pyramidale. Tandis que 51N4E joue sur le dénivelé du terrain
existant pour proposer deux parties décalées d’un demi-niveau qui viennent
subtilement s’enchâsser l’une dans l’autre comme deux peignes. Dans ce défilé
de constructions nues, Xaveer De Geyter ose un scandaleux string noir qui
sait rendre son squelette plus attractif et plus sexy. Enfin Neutelings
& Riedijk proposent une construction introvertie. Ce sont les seuls Ã
jouer de la différence entre structure externe et organisation interne – il
est vrai qu’ils appartiennent à une autre génération…
À la supersurface voulue par les
urbanistes de la zone répondent les supertrames des concurrents. Et partout
flotte l’ombre de Rem Koolhaas qui a su détourner l’héritage des Superstudio
et autres Archizoom pour s’imposer, avant même leur disparition physique, comme
leur exécuteur testamentaire incontesté.
STRUCTURE ET CONTEXTE
Baukunst
& Bruther (lauréats)
Nous
retrouvons Baukunst et Bruther, qui ont déjà collaboré à de nombreuses
reprises, notamment pour le projet lauréat du concours pour le bâtiment des
sciences de la vie à l’EPFL que nous avons présenté dans le précédent numéro de
d’a.
Leur
proposition est remarquable en ce qu’elle répond presque uniquement par la
structure aux sollicitations du programme et à celles du contexte. Pour le
programme, la réponse est simple : six niveaux de 15 m de largeur et
de 1 000 m2 de surface totalement libre, combinant dalles
actives et faux planchers techniques pour permettre une flexibilité maximale.
Les sanitaires et les circulations verticales sont ainsi rejetés dans deux
noyaux périphériques chemisés de métal. Quant au rez-de-chaussée et au dernier
étage, leur double hauteur laisse la possibilité d’insérer des mezzanines.
Pour
le contexte, cette lame présente deux façades, si ce mot a ici encore un
sens : l’une ostentatoire ; l’autre, servante. Au sud, vers la
supersurface, ce sera une trame tridimensionnelle composée de cadres
métalliques carrés de 7,5 m de côté et contreventés par des croix formées
de câbles et de potelets pour soutenir des étages intermédiaires. Cette grille sera
soulevée par cinq piles pyramidales afin de permettre la plus grande perméabilité
du parvis vers le hall.
Au
nord, des poteaux en T en béton préfabriqué, associés aux conduits
techniques desservant les planchers, seront surmontés par les tours des
extractions qui composeront une solide base rythmique.
Le
tout, vu du sud par les automobilistes qui remonteront le boulevard Auguste-Reyers,
formera un dispositif transparent sur lequel viendront de manière subliminale s’afficher
les informations sur les activités en cours. Un cadre tramé, semblable aux
intersecteurs des peintres de la Renaissance, qui assurera une plus grande
cohésion des éléments du contexte – notamment de la tour des
télécommunications à l’arrière-plan – tout en proposant une vision
augmentée de ce paysage…
MINIMAL ET EXPRESSIF
OFFICE Kersten
Geers David Van Severen
Comme
dans la proposition précédente, nous retrouvons la trame minimaliste de Sol Le Witt,
mais en plus littéral, et une réflexion sur la structure, mais en plus
laborieux. Le projet se présente comme la superposition de trois blocs tramés
de dimension décroissante.
Le
premier bloc est composé de portiques reprenant les charges des parties
supérieures. De double hauteur, il rassemble toutes les activités ouvertes au
public ainsi que les espaces mutualisés du complexe. Les deux autres volumes,
moins larges, voient leur hauteur sous plafond se réduire et leur trame de
façade se resserrer. Ainsi un poteau sur trois, puis un sur quatre sont
réellement porteurs et se calent sur les portiques du rez-de-chaussée.
L’ensemble
prend la forme d’une pyramide à degrés qui laisse voir par transparence son
réseau de circulations verticales. Ainsi les lignes obliques des volées de l’escalier
droit encloisonné, qui serpentent autour de la verticale des ascenseurs, lui donnent
des airs de tour de Babel.
Cet
objet jeté dans un paysage déjà chaotique renvoie au mieux à la modernité
archaïque d’un Tony Garnier – notamment au pavillon de l’exposition
des Arts décoratifs en 1925 à Paris –, au pire à une architecture
célibataire et bavarde.
DÉCALÉ ET RELIÉ
51N4E
Le
projet accentue le dénivelé existant pour donner l’image de deux édifices
siamois – l’un orienté résolument à l’ouest vers le boulevard Auguste-Reyers,
l’autre à l’est vers la rue Colonel-Bourg – et possédant au centre des
organes communs.
Ce
dispositif est renforcé par les espaces en double hauteur qui viennent occuper
les extrémités, décalés d’un niveau, et esquissent une organisation en quinconce.
Ces espaces sont réservés aux grandes salles, ou sont coupés par des
mezzanines, tandis que les étages du centre se resserrent pour recevoir les
bureaux banalisés et les circulations verticales. Un effet très lisible sur la
façade principale, où les lignes vertes des planchers sont reliées de part et d’autre
par les obliques des volées de l’escalier central découvert et creusé dans la
masse du bâtiment. Une idée intéressante mais qui reste peut-être insuffisante
pour répondre à la demande d’un bâtiment emblématique de la transformation du
secteur.
ÉLÉGANT ET VINTAGE
Xaveer De Geyter Architects
Une
structure classique composée d’une trame poteaux carrés portant des dalles qui
savent se rapprocher ou se découper pour définir des espaces différenciés.
Parfois des poutres reprennent les charges pour permettre de plus grandes
portées, notamment au-dessus de l’amphithéâtre.
Pour
tenir compte de la déclivité du terrain, deux rez-de-chaussée viennent
habilement coulisser l’un dans l’autre et forment une agora dans le
prolongement des espaces publics. Côté boulevard, le sol sait monter en pente
vers l’est pour permettre l’encastrement de l’auditorium et se constituer comme
un paysage intérieur.
Les
façades rendent compte de l’organisation interne, soulignées par les lignes
continues des dalles ou leurs interruptions, ainsi que par les différents types
de vitrages : opalescent, transparent ou très légèrement coloré. Au
dernier étage, la partie opaque correspond à un renversement, l’espace occulté
bénéficiant d’un éclairage zénithal. Les palmiers, le dessin de chaque élément,
les couleurs – blanc souligné de plages vert clair, dorées ou noires –
renvoient aux projets d’OMA des années 1980. Un vocabulaire que Xaveer De Geyter
a sans doute grandement contribué à élaborer, mais dont on peut se demander s’il
ne reste pas aujourd’hui prisonnier.
DEDANS ET DEHORS
Neutelings Riedijk Architecten
Deux
projets en un. Un parallélépipède de neuf étages enveloppé par une façade
porteuse, tramée de hauts caissons verticaux. Cette masse austère aux plans
presque carcéraux est ensuite creusée par deux amphithéâtres. L’un descend du
toit, d’où il prend une partie de sa lumière, vers un belvédère placé à mi-hauteur
et ouvert sur le futur Mediapark. L’autre repart de ce belvédère pour rejoindre
le boulevard. Ce sont des espaces qui offrent des doubles, des triples et voire
des quadruples hauteurs… Des espaces d’intimité ou au contraire empreints d’une
certaine solennité pour mieux correspondre à l’humeur versatile des travailleurs
nomades d’aujourd’hui décrits par le programme.
Un
parti qui pourrait rappeler par certains aspects les gradins où s’agitent les
savants de la bibliothèque dessinée par Étienne-Louis Boullée, comme ceux de l’Axel Springer
Campus d’OMA, en construction à Berlin…
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