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Des lieux les plus insignifiants, Patrice Moreau tire des compositions géométriques à la force graphique inattendue. Du contraste entre un sujet dérisoire et sa métamorphose par le cadrage naît souvent une douce ironie. Sa démarche s’élabore à partir d’une règle simple : « aller marcher dehors ». Avec l’outil photographique, il crée des univers qui n’existent pas, mais qui constituent paradoxalement pour lui un moyen plus juste de documenter visuellement une réalité vécue. |
Une photo de profil Facebook en mosaïque, voilà une manière singulière de se présenter : difficile de trouver des informations sur celui qui se cache sous l’acronyme PTRCMR. Basé à Amiens, Patrice Moreau se définit comme photographe amateur. Ses clichés frappent par leurs compositions géométriques, où les droites renvoient à des projections en plan/coupe/élévation. « Tout peut être graphique », explique Patrice Moreau, conscient de l’influence que ses études de dessinateur industriel ont eu sur son regard. Son choix du format carré se veut en rupture avec la photographie humaniste, qu’il a pratiquée il y a trente ans avant de l’abandonner ; mais aussi avec le format de l’image au cinéma. En effet, en tant que photographe, il se définit en opposition avec le métier qu’il exerce à la ville : celui de directeur de la photographie et d’assistant opérateur. Le cinéma est un travail collectif, tandis que la photographie relève d’un travail éminemment personnel : « aller marcher dehors » est l’idée fondatrice de sa démarche. La première chose qu’il fait, lorsqu’il part faire de la photo, c’est mettre des chaussures de marche…
Périphéries et bords de mer
« Il y a quatre ou cinq ans », Patrice Moreau a entrepris de se laisser porter par ce qu’il voit, sans se documenter en amont, « un projet visuel plus que social ». Il se définit comme photographe d’urbanisme plutôt que d’architecture. Ses thèmes de prédilection sont les frontières et les périphéries. « La périphérie des lieux, c’est ce qui n’est pas documenté », insiste-t-il. Patrice Moreau travaille des séries, qui ont pour titres « Scènes de la ville ordinaire », « Propriété privée », ou encore « Landscape Altered by The Man », car « une certaine idée de la ville ressort de la série, pas d’une image seule ».
Palavas-les-Flots, Saint-Jean-de-Monts, La Grande-Motte… Patrice Moreau semble habité, non sans une certaine nostalgie, par une passion pour les lieux de villégiature en bord de mer : « Là , les gens se lâchent d’un point de vue architectural, c’est comme une sublimation de ce qu’ils aimeraient avoir toute l’année. »
Constructions
Mais le projet de Patrice Moreau reste un projet documentaire. Il n’y a « pas de volonté de belle image, mais de montrer une réalité : dans cinquante ans, les gens auront une idée de ce qu’était cette époque, de comment les gens vivaient… » Parce que le réel n’existe que s’il est représenté, Patrice Moreau a élaboré une méthode qui traduit ce qu’il a vu au cours de ses expéditions photographiques : une « transposition graphique de la réalité ». Loin de sacraliser l’instant de la prise de vue, il l’envisage comme un matériau de base qu’il accumule et manipule ensuite – parfois beaucoup plus tard – sans se donner aucune limite : « tout est permis ». Il enlève ou remplace des éléments qui le gênent, pour arriver à l’image qui représentera au mieux le lieu parcouru : « À partir du moment où l’on se sert d’une optique, ça n’a plus rien à voir avec la réalité […]. Prendre une photo, c’est déjà être en dehors de la réalité, si tant est qu’il y en ait une. […] Le simple fait de toucher au contraste d’une photographie recrée un monde. Pour la photo humaniste, en réalité, c’est la même chose… » Ainsi, avec l’outil photographique, Patrice Moreau crée des mondes possibles, des univers qui n’existent pas mais qui constituent paradoxalement pour lui un moyen plus juste de documenter visuellement une réalité vécue.
Partages
S’il y a une dimension sociale à son projet, elle réside moins dans la production des photos que dans leur diffusion et leur manière d’exister dans l’espace public. Patrice Moreau ne cherche pas à exposer ni à publier dans un cadre institutionnel. Les réseaux sociaux – Facebook, Tumblr et Instagram – sont ses médias de prédilection. Les images, dont les titres élaborés véhiculent les pensées du photographe à l’œuvre, y sont mises en circulation, puis likées, partagées, commentées, faisant émerger parfois « des choses dont lui-même n’avait pas conscience en prenant la photo ». C’est un work in progress, réalisé avec un appareillage aussi léger qu’adapté à sa pratique – un appareil numérique APS-C doté d’une visée. C’est un travail qui n’a pas vocation à se figer : un flux continu, une pratique du quotidien. Une exposition ? Pourquoi pas, mais si elle se présentait comme l’occasion de développer une proposition inédite…
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