Architecte : l’Escaut – Weinand Rédigé par les architectes Publié le 24/04/2014 |
La patinoire Olympique de Liège est un projet de l'Escaut-Weinand, une agence d'architecture et un bureau d'études associés spécialement pour l'occasion. Ouvert depuis la fin de l'année 2012, ses architectes n'hésitent pas à présenter le bâtiment comme l’accouplement entre un centre commercial et une baleine!
A l’origine du projet: une forme ronde, fluide, généreuse, métaphore d’un univers de glace.
Au fur et à mesure de sa construction: un monstre marin, une baleine couverte de 200 000 écailles d’aluminium, inclue dans un nouveau temple de la consommation.
Baleine mitoyenne et emphytéotique
L’accouplement entre le centre commercial et ce mammifère « public » est-il une justification par la municipalité d’une nième promotion privée? Ou est-ce une posture opposée: un équipement public comme contre-pouvoir à un espace intérieur privatisé singeant la métaphore de la rue sans en donner les mêmes droits?
L’Escaut choisit la seconde interprétation et opte pour cautionner la mise en place d’un outil exemplaire généreux et franc.
D’un côté, l’équipement public se fond dans la jungle des enseignes du « mall », son accès principal devant se faire côté « galerie ». De l’autre, il s’insère dans une ruelle de quartier utilisée par le centre commercial comme zone de desserte pour les déchets, son accès secondaire étant situé au fond de cette impasse. La patinoire est construite sur une dalle dont la ville de Liège a l’usufruit pour 99 ans,
au-dessus du parking du centre commercial dont la principale entrée se situe au point culminant du projet: la tête de la baleine.
Recto verso
A l’extérieur, la rupture d’échelle est de mise depuis l’implantation de la Médiacité sur cet ancien îlot industriel bordé de maisons unifamiliales mitoyennes. La baleine se confronte au dragon rouge du « mall » en s’adressant aux alentours de manière opposée.
La Médiacité se définit par le vide
Sa galerie, surmontée d’une structure métallique spectaculaire, porte à elle seule le projet. Les accès à cet espace privé depuis les rues sont « traités ». Le reste, la périphérie du centre commercial, est un espace résiduel qui nie son contexte. La modénature des façades et les usages associés (livraisons, benne à ordures, etc.) confirment l’intérêt du centre pour les seuls visiteurs de sa galerie. Pour le riverain, des matériaux « nobles » en partie basse, parfaitement atones, viennent justifier les murs aveugles à rue. Le passant, lui, n’est plus censé emprunter ces trottoirs.
La patinoire se définit par le plein
Son enveloppe extérieure dessinée et assumée jusqu’au sol s’adresse en tant que telle à l’espace public. Le spectacle étrange de la baleine écaillée se donne au passant. Les vibrations de sa peau montrent un objet à la fois spectaculaire et imparfait. La conception d’une enveloppe opaque étant primordiale pour isoler le bâtiment de la chaleur, des micro-vues sont ménagées au niveau rue vers la piste, les locaux techniques et administratifs. Elles suggèrent l’activité de cet objet étrange. Une fenêtre XXL située au premier étage, au niveau de la cafétéria, symbolise et réalise un contact intérieur/extérieur grand format, franc.
Tête de baleine sur entrée de parking
Il ne s’agit pas d’une erreur, l’accès principal au parking du centre occupe la seule « tête de gondole », vecteur d’identité pour la patinoire. Ce dôme est la zone la plus courbe de la façade, la plus spectaculaire, celle ou se révèle l’agencement méticuleux des écailles.
Ce volume se soulève délicatement pour laisser passer les voitures. Un élément porteur tout droit sorti des années 70 rappelle le passé glorieux de Liège, une époque où la voiture était reine#F dans l’urbanisme comme dans certaines architectures (la tour Simenon et sa station essence « inclue », la résidence Belvédère et sa rampe d’accès parking couplée au hall d’entrée). Aujourd’hui, elle n’est plus la bienvenue, du moins dans les discours, mais elle reste bien présente dans la ville. Pourquoi donc la nier? Rendons-lui hommage en y ajoutant l’ambiance du New York des années 20 et ses « diners », pour enfoncer le clou.
Visite guidée
Coincés entre un distributeur de banque ajouté au dernier moment pour les besoins de la Médiacité, l’accès aux ascenseurs et un corner de restauration de pâtes, nous sommes bien devant l’entrée de la patinoire de Liège.
Une douche de lumière blanche 1000 lux indique la direction de l’univers de glace. Un sas thermique passé, nous voilà plongés dans une température ambiante de 16°C, hiver comme été.
Dans les entrailles de la baleine
En arrivant sur le foyer, l’ensemble de la piste et du volume de la patinoire est visible à travers une paroi métallique transparente, laissant deviner tantôt un public amateur, tantôt des équipes de hockey ou des artistes de la glisse.
L’accès à la zone de patinage se fait directement depuis le foyer.
On récupère ses patins, on se chausse, puis à nous la glisse! Le « salon de bois » attenant à la piste est un espace de détente revêtu d’un parquet en chêne massif ; on peut y déguster des gaufres de Liège, peut-être même des Lacquemants en octobre?
Si nous sommes visiteurs, en longeant la paroi métallique jusqu’au fond, nous rejoignons le premier étage et sa cafétéria. Sur le chemin en regardant à travers la grille, la cinétique du rangement, séchage et affutage des patins, est exposée.
En montant les marches, on aperçoit le dôme, puis une grande fenêtre aux bords arrondis#1, et enfin la carcasse d’un mammifère marin… Ah oui, la baleine!
Si on est arrivé en voiture, on identifie vite que la structure lamellé-collé entièrement mise à nu sous nos yeux est à l’origine de la forme étrange précédemment pénétrée. Sommes-nous à l’intérieur du canard de Venturi?… Le rapport d’échelle se trouve dès lors décuplé. Il suffit de se retourner d’un quart de tour vers la droite pour que la piste, bordée de ses 1200 sièges, s’offre à nos yeux. Les Liègeois reconnaîtront les sièges de l’ancienne patinoire de Coronmeuse, installée dans le « Grand Palais des fêtes » construit pour l’exposition universelle de 1939.
Lors d’événements, la cafétéria se transforme en buvette XXL dont la coursive longeant la façade se confond avec le volume de la piste: l’échelle domestique de la buvette est alors confrontée à la massivité et l’émotion d’un match de hockey, d’une compétition ou d’un gala de patinage artistique.
Cheval de course gourmand
Le plaisir du patineur, du joueur, du spectateur et du visiteur est permis par l’espace, mais aussi par les performances de cet outil: une coque extérieure à coefficient d’isolation K22, équivalent à une maison passive (sa composition sur le principe masse ressort masse permet d’atteindre un affaiblissement acoustique de 50db et protège les riverains de la rue attenante) ; 2 groupes frigorifiques développant 1000kW couplés à 4 batteries d’aéroréfrigérants (refroidisseurs) ; un système de ventilation de la salle d’un débit de 60.000 m3/h permettant de déshumidifier le volume d’air de la piste ; une batterie de 80 spots d’éclairage garantissant une homogénéité parfaite de 1200 lux pendant les matchs et les compétitions, notamment en cas de retransmission télévisée.
Une technique redoutable était nécessaire pour permettre à ce monstre marin de fonctionner à haut niveau, mais aussi de récupérer au mieux l’énergie dépensée: pompe à chaleur, système de ventilation et ballon d’eau chaude récupérant une partie de la chaleur produite par les groupes frigorifiques, circuit de canalisations de la piste formant une “boucle de Tichelmann” pour mieux répartir le froid et donc consommer moins.
Une connexion au système de chauffage du centre commercial a également été envisagée pendant les études pour évacuer une partie de la chaleur produite ; elle pourra être réalisée ultérieurement si le centre le souhaite.
Nous sommes le 23 novembre 2012.
Le gérant privé de la patinoire a été désigné récemment pour une concession de 10 ans.
Sept années d’études et de construction pour une remise des clés à la fin du mois.
Ne reste plus qu’à vous conseiller de mettre un pied à Liège et sur sa glace à partir du 8 décembre 2012.
L’Escaut Architectures SCRL
Maîtres d'ouvrages : Ville de Liège
Maîtres d'oeuvres : L’Escaut-BE Weinand (Association Momentanée)
Entreprises : Moury Construct (Entreprise générale), Lamco (Charpente bois), Axima Refrigeration (Production froid), Balteau (Installations électriques), Keppenne (Equipement finitions)
Surface SHON : 7 030 m²
Cout : 9 310 000 € HT
Date de livraison : 2012
Maître d’ouvrage : IMMOBILIERE 3F / EPA ORSAEquipe de maîtrise d’œuvre :ARCHITECTE : DE JEAN … [...] |
Maîtres d'ouvrages : ELOGIE-SIEMPEquipe de maitrise d'œuvres :ARCHITECTE : DE JEAN MARIN ARCHITECT… [...] |
[ MOA : SPL Pariseine - MOE : Architectes: Chartier+Corbasson architectes ; Architecte du patrimoin… [...] |
[Architecte mandataire + paysage : 4_32 architecte - BET Structure et Fluides : Iliade i… [...] |
Maîtres d’œuvre : Figures (Charlotte Billon, Thomas Bouchet, Brice Launay, avec Victorien Pouria… [...] |
Lieu : Rue Buzenval, Paris (20) Maîtrise d’ouvrage : Elogie-Siemp Maîtrise d’œuvre : N… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |