Musée de la faïence à Nevers (58)

Architecte : Atelier d'Architecture Benoît Crépet
Rédigé par les architectes
Publié le 17/10/2014

PROPOS AUTOUR DU MUSÉE DE LA FAÏENCE DE NEVERS


1 / RAPPEL HISTORIQUE


Le Musée de la faïence de Nevers est installé sur le site de l’ancienne abbaye des bénédictines Notre-Dame de Nevers située au 16 de la rue Saint-Genest. Cette abbaye fut fondée par Saint-Révérien au 7e siècle au pied de la première enceinte qui s’appuyait sur le relief de « la butte de Nevers ». Elle se développa considérablement au début du 12e, ainsi qu’au 13e siècle, époques dont il reste quelques éléments construits (chapelle Saint-Michel, arcs du bas-côté Nord et du porche, encadrements de baies, etc.).


En 1478 l’abbaye, notamment le bâtiment capitulaire, subit un grave incendie. L’abbesse Catherine de Boutillat - dont les armoiries présentant trois barriques de vin surmontées d’une crosse épiscopale sont encore lisibles sur le manteau de la cheminée du chauffoir - reconstruit une partie des bâtiments. Le domaine de l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Nevers s’étendait de la rue Saint-Révérien à la porte du Croux et du mur de la ville à la rue Saint-Genest.


À la Révolution, le couvent, dont la vocation était l’accueil et l’instruction des jeunes filles pauvres, ne comportait plus que quelques nonnes qui furent chassées. Le domaine fut mis en vente, démembré et loti entre divers acquéreurs. L’abbatiale fut presque totalement détruite et les principaux bâtiments monastiques furent reconvertis à différents usages.


2 / LES BÂTIMENTS DU MUSÉE


Les bâtiments et les vestiges qui forment le site du Musée de Nevers sont architecturalement et spatialement entremêlés, ce qui constitue indéniablement une richesse. Une richesse, parce que les différentes architectures qui composent le Musée sont autant d'incitations à stimuler la curiosité en invitant à voir et à visiter.


Cinq édifices principaux composent le Musée :


- Les vestiges du bas-côté Nord et du porche, qui furent utilisés comme chais sous la Révolution et l’Empire et dont le portail d’entrée de l’église (les arrachements sont ici visibles) est actuellement remonté au Cloïsters Museum de New York après avoir été vendu en 1925, sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH),

- Le chauffoir et la salle capitulaire de l'abbaye Notre-Dame de Nevers, avec à l’étage les cellules des nonnes et les combles charpentés en chevrons portant ferme,

- La maison bourgeoise, construite à l’emplacement de l’abbatiale avec sa cour et son jardin, laquelle constitue l’Hôtel Roussignhol, fut occupée en dernier lieu par un hôtel de police,

- L’ancienne chapelle Saint-Michel du 12e dont la structure subsiste malgré sa transformation en maison d’habitation et sa mise à l’alignement sur la rue Saint-Genest. Une sculpture représentant Saint-Michel terrassant le dragon provenant de cette ancienne chapelle est exposée au Musée du Louvre.

- L’ancien bâtiment du parloir d’apparence anodine - dont la structure médiévale est digne d’intérêt - a également été transformé en logements.



Notre projet ne cherche pas à complexifier davantage mais plutôt à simplifier. Nous avons recherché l'évidence spatiale tant au niveau du parcours que de la présentation des œuvres pour une mise en ordre claire et cohérente de la relation œuvres /spectateurs. L'importance du parcours est donc évidente lorsqu'on parle de musée : inciter la curiosité et la découverte sans effort, offrir une liberté contrôlée avec la possibilité d'un parcours écourté.


Dans cet objectif, le projet décline sept interventions clés qui ont consisté à créer :


1. Un espace d’entrée donnant sur la rue Saint-Genest, que l’on a appelé vestibule, lequel en continuité des vestiges du bas-côté Nord offre à l’institution des façades urbaines toutes en bois. En sa partie supérieure, un chien assis orienté Est laisse pénétrer la lumière du matin ;

2. Glissées sous le parvis de l’entrée du musée, des réserves communiquent en sous sol avec les caves de l’ancienne chapelle Saint-Michel qui abrite les bureaux de la conservation ;

3. Un accueil aussi entièrement neuf - également construit tout en bois - d’où part un large escalier de pierre qui invite à la déambulation muséale. Cet accueil réuni les deux parcours qui mènent aux deux entrées du musée, côté ville par le vestibule et côté fleuve par les remparts et le jardin Sud ;

3. Une passerelle de liaison faite aussi de bois, de verre et d’acier, construite dans le vide des voûtes de l’ancien bas-côté Nord, surplombe la porte d’entrée côté ville du musée ;

4. Un passage sous les premiers emmarchements de l’escalier central de l'hôtel Roussignhol. Il permet depuis les dégagements de l’accueil d’accéder au centre de pédagogie ;

5. Un escalier qui mène depuis la salle des faïences et des médailles aux combles réaménagés du chauffoir et de la salle capitulaire, lesquels abritent la collection Bossuat et la Galerie des peintures du 19e ;

6. Enfin, un escalier ultime en pierre qui mène directement depuis le parvis du musée au centre de documentation.


Le visiteur peut alors commencer sa visite par la salle des Verres Filés, puis en empruntant la passerelle de liaison - depuis laquelle il aura une belle vue sur les croisées d’ogives de l’ancien bas-côté Nord - enchaîner les salles du 17e et 18e siècles, accéder à la salle des dessins et aquarelles, au legs Solon, à la galerie du 19e et à la Donation Bossuat pour enfin terminer sa visite par la salle des médailles et des faïences.


S'il le souhaite, il pourra tout aussi bien faire le circuit en sens inverse : commencer par la salle des faïences et terminer par la salle des verres filés. D'autres circuits sont également possibles : en utilisant l'escalier central de l'hôtel Roussignhol, le visiteur a la possibilité d’accéder plus directement à la salle qui l’intéresse.


En guise d’entrée, depuis les espaces de l'accueil, le visiteur a la faculté d’accéder à l’ancienne salle capitulaire et à l’ancien chauffoir de l’abbaye qui se situent tous les deux au rez-de-chaussée et qui ont été transformés en salle des sculptures ou des expositions temporaires.



3 / LES SALLES D’EXPOSITION DU MUSÉE


1 – Les Espaces


La salle capitulaire, le chauffoir, les anciens parloirs et les combles de l’ancienne abbaye ainsi que l’ancien Hôtel « Roussignhol » offrent stricto sensu des espaces pluriels aux collections. Nous avons donc recherché à associer les collections aux espaces. Les objets les plus emblématiques n’avaient pas vocation à occuper les espaces les plus symboliques. Il s’agissait de ne pas chercher à mettre trop en concurrence la beauté des architectures avec celle des objets. Il s’agissait plutôt de chercher à ce que l'une valorise l'autre dans un parcours cohérent.


Le mobilier et les objets domestiques du 17e et 18e siècles trouvèrent donc leur place sans difficulté dans les « salons » de l'Hôtel Roussighnol. Les combles du chauffoir et de la salle Capitulaire pouvaient accueillir la collection d’objets et de tableaux modernes de la Donation Bossuat ainsi que les peintures du 19e, le volume généreux des combles étant propice à une présentation de type Galerie d’Art et Galerie d'Étude. Les Faïences et les Verres Filés voulus au cœur des parcours pouvaient trouver leur place au centre du musée, à l’étage de l’ancien parloir et au-dessus du chauffoir et de la salle capitulaire. La généreuse salle du chauffoir pouvait servir à tout type d’expositions temporaires et enfin la précieuse salle capitulaire, pouvait servir d’écrin aux délicates sculptures, en contre point des perspectives sur le jardin de l’abbaye.


2 – La Lumière


Dans un flot de lumière régulée, combinant l’éclairage naturel et l’éclairage artificiel. La promenade s'effectue dans des espaces où la lumière naturelle filtre à travers des volets pleins en tôle laqué ou des moucharabiehs en bois ciselé. Leur degré de fermeture régulant le niveau de luminosité souhaité.


3 – La Distribution


Les distributions, les escaliers et l’ascenseur permettent de parcourir soit salle par salle le musée ou d'accéder aussi directement que possible à n’importe quel espace particulier des salles d’exposition.


4 – Les Interventions


La salle des temporaires


L'aménagement du chauffoir en salle d'expositions temporaires consista à remettre tout d’abord en valeur l’ensemble des anciens dispositifs constructifs, tels que les appareillages de pierres, les croisées d’ogives et gerbes d’arcades, puis à construire un beau sol en pierre calcaire. Des caniveaux d’éclairage en sol et des points lumineux en voûtes complètent le dispositif muséal de cette salle.


Salle des sculptures


Aux fûts polis des colonnes, aux sculptures soignées des chapiteaux et aux nervures ciselées des voûtes de la salle capitulaire, il fallait apporter dans ces lieux des dispositifs muséo-graphiques tout aussi cultuels que culturels afin de ne pas troubler cette religiosité ambiante encore persistance. Les moucharabiehs en chêne sur les baies ogivales, les grilles circulaires d’éclairage en acier rouillé au pied des colonnes, les tables et les socles également en chêne et acier laqué contribuent à maintenir cette ambiance.


Salle des verres émaillés et filés de Nevers


Seules les boîtes ornées devaient occuper l’espace. Les fonds des vitrines toutes en acier et de couleur anthracite s’effacent élégamment pour laisser émerger de la pénombre une soixantaine de points lumineux qui scintillent et illuminent les saynètes en verres filés.


Salons 17e et 18e siècles


Les salons s’ornent simplement de plafonds formés de décaissés et de gorges d’éclairage qui servent à mettre en lumière les mobiliers et les tableaux. Quelques petites vitrines en chêne clair et en acier laqué de couleur blanche, aussi blanche que les murs et les plafonds, servent à présenter les petits objets du jadis quotidien.


Cabinet d'aquarelles et d'estampes, Legs Solon


Les aménagements de ces salles reprennent l'esprit des salons. Les murs perpendiculaires aux façades sont par contre légèrement avancés afin de mettre en valeur l'accrochage des dessins. Contiguë au cabinet d’aquarelles et d’estampes, la salle consacrée au legs Solon, de même facture que les salons ou le cabinet, est équipée d’une grande vitrine pourvue de vitrages coulissants qui servent à présenter les affiches de la collection. Les autres parois de la salle sont traitées en cimaises. Au centre de ces salles, des bahuts en chêne dont le plateau est vitré servent à présenter des photographies et des manuscrits. Avec peu d'éclairage naturel et artificiel, l'ambiance de ces pièces est feutrée. Volets articulés en tôle de couleur blanche tamisent la lumière naturelle. Des gorges lumineuses dispensent un l'éclairage artificiel indirect.


Faïences de Nevers


Il fallait une salle généreuse, dans laquelle on puisse embrasser d'un seul coup d'œil tous les objets de la collection. Il fallait aussi des tables à ces objets du quotidien. Les pièces sont donc présentées sur des vitrines tables en chêne surmontées de socles en acier laqué et de cloches en verre.


À chaque extrémité de la pièce on trouve deux ensembles de vitrines murales qui servent à présenter des pièces particulières.


Donation Bossuat


Les œuvres de la Donation Bossuat sont présentées dans un dispositif qui permet l’accrochage et l’éclairage tout en laissant libres et visibles les magnifiques charpentes en chevron des combles.


Galerie d'Étude 19e


En continuité de la Donation Bossuat, un alignement de cimaises s'élançant jusqu'aux charpentes servent à l'accrochage des peintures 19e, recréant ainsi l'ambiance d'une galerie d'étude. Dissimulé dans les bois des charpentes, un système d'éclairage artificiel direct complète l'éclairage indirect d’ambiance.


5 – Les Matériaux


On a recherché avant tout une unité. Le vestibule est construit tout en bois, les fines lames de la vêture en chêne des façades dialoguent avec les toitures toutes noires faites d’ardoise et de zinc pré-patiné. Le rythme vertical des fins bois des moucharabiehs orne les façades vitrées. Dans la continuité du pignon du vestibule un mur de clôture et des portails aussi en bois et en acier confortent l’alignement urbain en annonçant le parvis du musée.


Le volume de l’accueil de plain-pied avec le jardin nord comme le volume de la cage d’escalier qui mène à la documentation ont été construits aussi avec du bois et un peu d’acier. Afin de donner une meilleure cohérence architecturale au projet, on a généralisé l’utilisation de ces matériaux dans l’ensemble du musée. Les structures horizontales, les sous-faces de toitures ou les mobiliers muséographiques se déclinent ainsi en bois, acier et verre. Les planchers neufs en chêne qui reposent sur des grosses poutres en bois ou les faux plafonds en chêne tout aussi neufs sont rythmés par des petites lames en chêne qui font office de correcteurs acoustiques.


Seules les salles de l’ensemble des niveaux de l’hôtel Roussignhol laissent apparaître la blancheur des murs et des plafonds en plâtre peints en blanc casé de terre d’ombre. En ce qui concerne le bas-côté Nord et le porche, les maçonneries ont été rénovées et remises à l’honneur. Les travaux consistèrent en un piquage des maçonneries en moellons de pierre, un gommage des pierres des boudins et des angles avec enfin l’application à pierres vues d’un enduit à la chaux sur les moellons.


6 – Les Infrastructures


Des reprises en sous-œuvre conséquentes tant au niveau des murs latéraux, des pilastres, des clés de voûtes, des murs mitoyens du chauffoir et de la salle capitulaire, des massif et des murs du bas-côté nord, de même que le confortement du volume de la fouille archéologique qui a été réalisé au moyen d’une centaine de micro pieux, ont été nécessaires pour que ce musée voit le jour.




Texte rédigé par Atelier d'Architecture Benoît Crépet
Photographies de Milene Servelle et Pascal Jacquot



Maîtrise d'ouvrage :  Ville de Nevers
Maîtrise d'œuvre
:  Atelier d'Architecture Benoît Crépet (architecte concepteur - mandataire) ; C&E Ingénierie (structure) ; FLUGECLIM (fluides) ; OBSERVATOIRE 1 (éclairage)
Programme
: Réhabilitation et extension du Musée de la faïence
Matériaux
: structure horizontale : platelage bois préfabriqué ; ravalement : enduit à la chaux et bois vernis ; serrurerie : métal laqué
Surface SHON
:  2175 m2
Coût
:  8 080 000 € H.T.
Calendrier
: permis de construire, 2003 ; début des travaux, 2008 ; livraison du bâtiment, septembre 2013

Musée de la faïence à Nevers (58)<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Entrée de ville et parvis du musée<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Terrasse de l'espace d'accueil<br/> Crédit photo : JACQUOT Pascal Terrasse de l'espace d'accueil<br/> Crédit photo : JACQUOT Pascal Accueil du musée<br/> Crédit photo : JACQUOT Pascal Aménagement du vestibule<br/> Crédit photo : JACQUOT Pascal Ancienne salle du châpitre<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salle des faïences<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salle des verres filés<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salle des verres filés<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salle des dessins et des estampes, legs Albert Solon<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salle des dessins et des estampes, legs Albert Solon<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salles sous les combles<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Salles sous les combles<br/> Crédit photo : SERVELLE Milene Plan R-1<br/> Crédit photo : DR  Plan Rez-de-chaussée<br/> Crédit photo : DR  Plan R+1<br/> Crédit photo : DR  Plan de toiture<br/> Crédit photo : DR  Coupe longitudinale<br/> Crédit photo : DR  Coupe transversale<br/> Crédit photo : DR

VOIR ÉGALEMENT

>> Publiés par d'a
>> Projets des abonnés

Les articles récents dans Choix de d'a

Réhabilitation – Transformation d’un immeuble de bureaux en 71 logements – 2 commerces et aménagement de bureaux et locaux techniques municipaux. Quai de la Rapée – 75012 Paris Publié le 23/10/2024

Maîtres d'ouvrages : ELOGIE-SIEMPEquipe de maitrise d'œuvres :ARCHITECTE : DE JEAN MARIN ARCHITECT… [...]

Réhabilitation du tunnel Est des jardins du Trocadéro, Paris 16e Publié le 22/07/2024

[ MOA : SPL Pariseine - MOE : Architectes: Chartier+Corbasson architectes ; Architecte du patrimoin… [...]

Centre Nautique et Sportif de Gerland, Lyon (69) Publié le 17/07/2024

[Architecte mandataire + paysage : 4_32 architecte - BET Structure et Fluides : Iliade i… [...]

La fête peut commencer ! - Salle polyvalente Rosa-Bonheur, La Norville (91) Publié le 12/10/2023

Maîtres d’œuvre : Figures (Charlotte Billon, Thomas Bouchet, Brice Launay, avec Victorien Pouria… [...]

Logements et crèche associative, Paris 20e Publié le 01/08/2023

Lieu : Rue Buzenval, Paris (20) Maîtrise d’ouvrage : Elogie-Siemp Maîtrise d’œuvre : N… [...]

.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…