Le grand écart 5 : Rites, objets et monumentalités éphémères

Rédigé par Jean-François CHEVRIER
Publié le 04/10/2013

Edilio Alpini, Davide Boriani, Gianni Colombo et Gabriele De Vecchi, “Tempo libero. Struttura temporale in uno spazio urbano”, place de la cathédrale, Côme, Campo urbano, 21 septembre 1969.

Article paru dans d'A n°221

Plus encore que dans les quatre épisodes précédents, Jean-François Chevrier utilise la figure du grand écart pour reconsidérer des formes récentes, souvent oubliées, d'une relation complexe, conflictuelle, entre art(s) et architecture. Le grand écart invite ici à des rapprochements inattendus entre les rites de l'activité artistique et un idéal monumental de l'architecture, en passant par l'objet, instrument, meuble, habitat.

L'invocation des mythes et des rites est une ritournelle de l'art moderne. L'action rituelle est généralement opposée à l'objet, comme l'activité à l'œuvre et le mythe à la biographie. L'idée même de rite traverse les disciplines, elle relie l'art aux sciences humaines et sociales. Elle fut déterminante pour les artistes de la performance ; elle est utilisée par les sociologues autant que par les anthropologues. Elle permet de rapprocher des milieux, des cultures, que tout semblait séparer.

En 1975, en Grande-Bretagne, le centre des Cultural Studies de Birmingham publiait un compte rendu de recherches sur le comportement des jeunes dans les classes populaires intitulé Resistance Through Rituals1 (la résistance par les rituels). Dans un tout autre registre, la contribution de Michel Leiris au Collège international de sociologie en 1938, « Le sacré et la vie quotidienne », avait ouvert un passage entre littérature et anthropologie. Le récit autobiographique est généralement une collection de souvenirs. Leiris transformait cette convention en considérant « divers faits » de son enfance comme les traits d'un sacré individuel, idiosyncrasique. Il énumère successivement des objets (paternels), des endroits (domestiques et autres), des mots (noms, vocables), liés eux-mêmes à des lieux-dits, ou « parages » onomastiques (« Nemours » par exemple).



1/ Resistance Through Rituals: Youth Subcultures in post-war Britain, éd. Stuart Hall et Tony Jefferson, rééd. Londres, Routledge, 1993. L'étude de la « sous-culture » du loisir dans les classes populaires avait été inaugurée trois ans plus tôt par Philip Cohen dans « Subcultural Conflict and Working Class Community » (Working Papers in Cultural Studies, n° 2, printemps 1972).


Lisez la suite de cet article dans : N° 221 - Octobre 2013

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