© Hiroshi Sugimoto |
La Fondation Cartier pour l'art contemporain présente une exposition-hommage à Marcel Duchamp signée Hiroshi Sugimoto, L'occasion de découvrir un artiste dont l'œuvre ne cesse d'explorer la relation entre architecture, espace et temps.
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C'est l'événement de ce Mois de la photo parisien. Hiroshi Sugimoto, l'un des artistes les plus importants de la scène contemporaine, dévoile sa dernière série de photos à la Fondation Cartier. Cette installation, révèle une œuvre fascinante inspirée par le bâtiment de la fondation – un lieu en verre imaginé par Jean Nouvel. Car, dans sa relation au temps et à l'espace, Sugimoto n'a cessé d'approcher l'architecture, jusqu'à s'y confronter.
Né à Tokyo en 1948, il étudie au Art Center of Design de Los Angeles avant de s'installer à New York, en 1974. Très vite, il opte pour la photo et développe une pratique originale, rigoureuse et sérielle qui lui permet d'explorer les caractéristiques du médium – tels la lumière ou le cadre – à travers une réflexion méditative et obstinée sur la mémoire et le temps.
Dioramas, sa première série, met en scène des animaux sauvages empaillés du Muséum d'histoire naturelle de New York. Ici, les rhinocéros sont prêts à charger dans la savane, les singes se pavanent dans les arbres. S'agit-il de tableaux ? de photos ? d'installations ? Nul ne le sait vraiment. Dans cette mise en abyme où le faux devient vrai, tout n'est que simulacre et illusion. Déjà , Sugimoto imprime sa griffe : noir et blanc pour une nuance de gris, cadrage précis, prise de vue frontale. Derrière la rigueur, poésie et émotion affleurent.
Pour l'artiste, les « séries » matérialisent sa façon de voir les choses. En témoigne Theaters, commencée en 1978. Persuadé que trop d'information conduit au néant, Sugimoto cherche précisément à donner à ce vide une forme concrète. Il se rend donc dans les salles de cinéma américaines des années 1920-1930 pour y installer son appareil face à l'écran, laissant l'obturateur ouvert pendant toute la durée de la projection. Les images, additionnées sur la pellicule, finissent par s'annuler en un rectangle blanc dont l'éclat révèle l'architecture intérieure, Arts déco ou arabo-andalouse, de ces temples du rêve. « Je reste fasciné par cette surcharge décorative », confie-t-il aujourd'hui.
Le photographe part ensuite à la découverte des mers du globe, cherchant inlassablement à saisir la rencontre entre l'horizon et l'océan – moment intemporel et suspendu. « Chez Sugimoto, le sujet perd son importance au profit de la relation entre les images, souligne Grazia Quaroni, la commissaire de l'exposition de la fondation Cartier. Tout change, et rien ne change. ». Le dispositif qu'il utilise restera longtemps identique : prise de vues avec chambre en bois et pellicule 8x10 pouces ; temps d'exposition toujours très long ; tirages systématiquement quatre fois plus grands que le négatif. Les choses commencent néanmoins à changer en 1997, avec Architectures.
L'idée de cette série est née d'une exposition, présentée au musée d'Art moderne de Los Angeles, qui réunissait des clichés de constructions du xxe siècle signés des plus grands photographes, de Steichen à Gursky en passant par Sugimoto lui-même. « J'ai voulu comprendre la manière dont le modernisme s'est développé et voir quelle est son influence aujourd'hui », explique-t-il. Pour cela, il a sillonné le monde à la recherche de bâtiments emblématiques, telle la villa Savoye de Le Corbusier.
Pas question pour autant de faire un recensement à la Becher. « Aucune de mes séries n'est un inventaire ou une critique, déclarait-il à Beaux-Arts. […] Quant à l'aspect documentaire, il s'agirait en l'occurrence d'une fort mauvaise documentation puisque mes images fournissent des informations fort ambiguës sur l'échelle, les matériaux, et même souvent la forme du bâtiment. » Car ces clichés – contrairement aux précédents, hyperréalistes –, sont aussi sombres que flous. « Ce flou rend les détails invisibles, révélant ainsi l'essence d'une construction », revendique-t-il. Ces photos, semblables à des mirages, sont « peut-être ce que l'architecte avait en tête lorsque lui vint la première idée de l'édifice », poursuit-il.
Hiroshi Sugimoto a fini par sauter le pas qui le séparait de l'architecture pour honorer une commande de Soichiro Fukutake. Patron d'une maison d'édition nippone, ce dernier est à l'origine du premier musée-hôtel du monde sur l'île de Naoshima. L'artiste a dessiné à sa demande les plans d'un sanctuaire shintoïste de Go'o : un autel très dépouillé, dressé au sommet d'un escalier en verre optique émergeant du fond d'une crypte.
En attendant de se rendre à Naoshima, un détour par la fondation Cartier s'impose. L'installation présentée ne ressemble en rien au travail précédent de Sugimoto puisqu'elle a été pensée en fonction du lieu même. Partant d'une réplique du Grand Verre de Marcel Duchamp – le titre renvoie à la matière du bâtiment –, Sugimoto a conçu au moyen de ses dernières images « un système conceptuel abstrait, très facile à comprendre », comme l'explique Grazia Quaroni. Soit le portrait de minuscules modèles stéréométriques en plâtre réalisés à la fin du xixe siècle pour permettre aux étudiants de visualiser des fonctions trigonométriques complexes. Agrandis, ces étranges objets prennent l'allure de constructions sensuelles monumentales. Pour le photographe, « ce n'est pas tant ce qu'on voit qui compte, mais plutôt la manière dont on le perçoit ».
Yasmine Youssi
« Etant données : le Grand Verre » à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, à Paris, du 13 novembre 2004 au 27 février 2005. Tél. : 01 42 18 56 50.
A lire : « Hirishi Sugimoto, Conceptual Forms », Fondation Cartier pour l'art contemporain/Thames and Hudson, 176 pages, 40 e.
La série « Architectures » d'Hiroshi Sugimoto était présentée à la galerie Templon à Paris. Tél. : 01 42 72 14 10.
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