ouvrage de Moshen Mostafavi et Hélène Binet |
On croyait avoir tout vu en matière de
recyclage-trivialisation de l'architecture et des vies
d'architectes. C'était compter sans les immenses capacités de
récupération de la culture moyenne anglaise d'une part, du
bling-bling globalisé de l'autre. Comment expliquer autrement la
notoriété soudaine de Nicholas Hawksmoor (1661-1736), architecte
anglais relativement obscur de l'époque baroque ? Sans
modification de l'attitude de la critique savante à son égard1,
il a pu fournir en moins de vingt ans le sujet d'un best-seller
postmoderne, attirer sur son nom la manne du sponsoring Vuitton et
servir d'enseigne à une chaîne de restaurants londoniens. Son
patronyme y est probablement pour quelque chose, avec les jeux de
mots pseudo-lacaniens que permettent le faucon (hawk) et la lande
ou le maure (moor).
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Mais c'est surtout l'histoire de Londres qui fournit des éléments de réponse, avec des catastrophes urbaines comme la peste de 1665 (des dizaines de milliers de corps jetés à la fosse commune), l'incendie de 1666 (des milliers de maisons, des dizaines d'églises gothiques et la cathédrale Saint Paul parties en fumée), les bombardements du Blitz de 1940 (22 000 morts en quatre mois), l'arrivée des conteneurs et la gentrification des Docklands sous le gouvernement Thatcher.
Ces désastres ont engendré des réponses plus ou moins planifiées et des programmes architecturaux qui s'entrechoquent plus qu'ils ne s'intègrent. Ils ont fait de Londres une ville branchée, mais n'ont jamais pu éradiquer le kyste de misère autour des docks, qui est à l'origine du mythe de l'East End criminel (Jack l'Éventreur). Cette image d'une cour des Miracles irréductible est suffisamment vague pour s'opposer trait pour trait au West End bourgeois2. Elle a permis l'amalgame culturel entre les classes dangereuses d'hier (huguenots de la Révocation, dockers cockneys, juifs communistes de l'entre-deux-guerres) et d'aujourd'hui (Bangladais, drogués et SDF) et les rares vestiges historiques du quartier, dont les églises et les cimetières du malheureux Hawksmoor. Au début du XXe siècle, Jack London s'étonnait déjà de la présence de dizaines de loqueteux « dans l'ombre » du clocher de Christ Church à Spitalfields : le rebut de l'empire au pied d'un chef-d'œuvre baroque.
Christ
Church Spitafields, 1714-1729, en couv. de l'ouvrage de Moshen
Mostafavi et Hélène Binet, à paraître chez Lars Müller
Publishers, fin 2013.
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N° 221 - Octobre 2013
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