Portrait des architectes |
Frédéric Chartier et Pascale Dalix
appartiennent à cette nouvelle génération d'architectes dont
l'agence est déjà solidement inscrite dans le paysage
contemporain alors qu'elle n'existe même pas depuis dix ans. S'ils
peinent à décomposer les échelons de leur rapide ascension, leur
démarche révèle les clés de lecture d'une production qui, si
elle est prolifique, n'en est pas moins cohérente. |
Dès la création de leur
atelier en 2006, Frédéric Chartier et Pascale Dalix se retrouvent
rapidement confrontés à la réalité du projet et de l’entreprise. Remarqués
lors du concours pour le nouveau Tribunal de grande instance de Paris –
dont les planches sont exposées un temps à la Cité de l’architecture
et du patrimoine –, ils se voient confier la réalisation d’un boulodrome
couvert par la ville de Meaux. En 2009, l’équipement sportif obtient le
prix de la Première œuvre, qui offre aux jeunes architectes une visibilité
certaine et les introduit au sein de la profession. La même année, ils
sont retenus pour la construction d’un foyer de jeunes travailleurs de
240 studios, soit 9 000 m2 à la limite de Paris, élaboré en association
avec Christelle Avenier et Miguel Cornejo, rencontrés sur les bancs de l’École
d’architecture de Paris-Villemin. Frédéric Chartier et Pascale Dalix ont
depuis livré de nombreux édifices aux programmes variés et sont
aujourd’hui en charge de multiples chantiers – deux écoles et un
lycée – et de diverses études – trois pôles tertiaires et un immeuble de
logement. Au fil des années, l’agence s’est agrandie et a établi ses
quartiers au fond de la cour d’un petit immeuble de rapport du 11e arrondissement.
Dans une ambiance décontractée, une quinzaine de trentenaires forment une équipe
pérenne et stable, dont la majorité est arrivée directement après avoir
terminé ses études. Frédéric Chartier ayant systématiquement endossé le
rôle du « persman » lors de ses postes précédents, les deux responsables
se montrent particulièrement attentifs à ce que chacun des collaborateurs
puisse manipuler toutes les échelles du projet.
Tester, expérimenter, questionner et vérifier
Si l’oeuvre de Chartier-Dalix ne
présente pas à première vue de continuité stylistique, elle n’en est pas moins
forte d’une vraie cohérence. À la manière d’Herzog et de Meuron, chez qui
Frédéric Chartier a fait ses armes, les architectes s’attachent à la
réinvention permanente d’une écriture : « Nous développons nos idées
à partir d'un endroit et d'un moment. » Chaque projet est l’occasion
d’explorer de nouveaux matériaux – métal perforé pour les Archives départementales
de Seine-Saint-Denis, polycarbonate à Meaux, brique aux Lilas ou encore
béton moulé à Boulogne – et des volumétries spécifiques – un S Ã
Fresnes, un O à Harbonnières ou un U à Arcueil. Ils ne partent cependant
jamais d'un a priori formel : la morphologie du bâtiment est avant tout
déterminée par les usages. Ainsi, les propositions des architectes cherchent
constamment à dépasser les éléments du programme. Le foyer d’Harbonnières
offre un patio intérieur à ses résidents, le complexe des Lilas
mutualise les espaces collectifs des deux foyers en une véritable terrasse
urbaine, le mur végétal prévu à Boulogne embrasse finalement la totalité
de l’école. De l’enveloppe, qu’ils abordent à l’instar des maîtres bâlois
dans son pouvoir de spatialité, aux détails, dont la mise en œuvre est
particulièrement maîtrisée, Frédéric Chartier et Pascale Dalix cherchent Ã
offrir « des réponses à toutes les échelles, pour raconter des histoires
qui se justifient intégralement ».
Biographies
1972/1975 : naissances respectives
de Pascale Dalix et de Frédéric Chartier.
1994 : rencontre
à l’École d’architecture de Paris-Villemin.
2001 : diplôme
de Frédéric Chartier à l’École d’architecture de Paris-Malaquais.
2002-2003
:
diplôme de Pascale Dalix à l’École d’architecture de Paris-Villemin,
DEA et obtention d’une bourse pour un stage de recherche sur
l’urbanisation des villes d’Asie du Sud-Est. Frédéric Chartier
travaille dans le bureau de Dominique Perrault.
2004-2005
:
vie commune à Bâle, Frédéric collabore dans l’atelier d’Herzog et de
Meuron.
2006 : création
de l’agence Chartier-Dalix architectes à Paris.
2007 : mentionnés
pour le projet du concours du TGI de Paris.
2009 : lauréats
de la Première œuvre de l'Équerre d'argent pour le boulodrome couvert
de Meaux.
2013 : livraison
du foyer des jeunes travailleurs et crèche, de 53 logements Ã
Arcueil, d’un groupe scolaire à Fresnes et de l’extension des
Archives du 93. Réalisation en cours de 24 000 m2 de bureaux dans la ZAC
Clichy-Batignolles en association avec Brenac & Gonzalez.
Groupe scolaire de 20 classes et gymnase,
Fresnes (Val-de-Marne)
Frédéric Chartier et Pascale Dalix explorent de nombreux matériaux qu’ils exploitent d’une manière différente d’un projet à l’autre. Ce groupe scolaire illustre une de leurs multiples déclinaisons de l’emploi du béton. Lasuré sur les murs du foyer d’Harbonnières ou en blocs empilés pour l’école de Boulogne, il prend à Fresnes la forme d’une fine clôture qui délimite l’enceinte du groupe scolaire. Traitée en véritable façade, la maille de béton fibré protège le bâtiment autant qu’elle le dévoile à travers un jeu de transparence. Élaborés en collaboration avec l’artiste Joran Briand, graphiste des mantilles du musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, les motifs intègrent plusieurs niveaux de lecture. En s’approchant, les entrelacs géométriques abstraits révèlent des figures d’animaux stylisées qui offrent des repères ludiques aux jeunes usagers. Pour proposer une meilleure résistance et empêcher toute ascension, les panneaux autoportants s’épaississent et se densifient à l’approche du sol, sur lequel ils projettent de longues ombres au dessin minéral. La résille est représentée jusque dans les espaces intérieurs par deux grandes sérigraphies situées dans les espaces collectifs principaux, des atriums en double hauteur éclairés par une lumière zénithale.
Maître d’ouvrage :
Ville de Fresnes, SEMAF
Maîtres d’œuvre :
Chartier-Dalix (mandataires), Trust in Design
BET : ATEC BETCE ; F. Boutté, HQE
Surfaces : 4274 m² SHON
Coût : 8,3 millions d’euros
HT
Livraison : août 2013
Boulodrome couvert, Meaux (Seine-et-Marne)
Loué pour son intégration
réussie et l’attention portée à sa mise en œuvre, l’équipement réalisé
avec des moyens réduits (680 ?/m2) a remporté en 2009 le prix de la
Première œuvre de l'Équerre d'argent. Le projet incarne la plupart des
principes portés par l’agence. Sans « façade principale », le bâtiment s’offre
de manière égale à tout le paysage, dans lequel il s’insère discrètement
par ses lignes horizontales et sa gamme chromatique. Simple bardage de
tôle ondulée, l’enveloppe a fait l’objet d’un travail soigné dans sa
forme et dans son calepinage. S’inspirant du langage des constructions
industrielles, le bâtiment affirme une forte cohérence de la structure –
charpente métallique à grande portée – jusqu’aux détails – éclairage
naturel monochrome apporté par des panneaux de polycarbonate.
Maître d’ouvrage :
Ville de Meaux
Surfaces : 2350 m²
SHON
Coût : 1,6 million d’euros
HT
Livraison : août 2008
53 logements en accession sociale, Arcueil
(Val-de-Marne)
Par un concours de circonstances,
les parcelles confiées aux architectes sont rarement délimitées par des
réalisations mitoyennes. Sans élément existant auquel s’accrocher, c’est
davantage par leur morphologie singulière que ces « objets autonomes »
entrent en résonance avec l’environnement urbain. Pour respecter les
hauteurs imposées de la ZAC du Chaperon Vert, une alternance entre les
niveaux R+2 et R+7, l’immeuble en forme de U se déploie à la manière
d’un ruban qui relie les deux gabarits par une oblique. Offrant une façade
supplémentaire au bâtiment, cette pente douce intègre une succession de
terrasses orientées ouest faisant face à la nouvelle place du quartier.
Évoquant les modénatures en brique des barres de logements de la cité, les
parois s’habillent d’un bardage métallique ciselé qui se dédouble en
volets coulissants devant les fenêtres toute hauteur. La rigueur des
alignements entre le revêtement fixe et les panneaux mobiles révèle
une précision dans la mise en œuvre et un goût certain pour le dessin.
Maître d’ouvrage : Groupe
Valophis, Expansiel Promotion
BET : EPDC BETCE ;
Mebi, économiste
Surfaces : 3900 m²
SHON
Coût : 6 millions d’euros
HT
Livraison : août 2013
Groupe scolaire de 18 classes et gymnase,
Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
En réponse à l’objectif
ambitieux de créer un écosystème local tout en rassemblant un double
programme, les concepteurs livreront prochainement un de leurs projets les
plus aboutis. Prenant le parti de prolonger la forêt primitive développée en
toiture jusque dans la texture d’un mur d’enceinte « vivant et habité », le
bâtiment se présente comme un véritable paysage. De grandes courbes de niveau
embrassent les cours de récréation et organisent les salles de classe en strates
successives. En façade, une écorce composée de plus de 1 600 blocs de béton matricé
posés en porte-à -faux les uns sur les autres vient se fixer sur un voile minéral.
Les réflexions poussées menées avec les écologues sont à l’origine des
nombreuses niches, tranchées et autres cavités destinées à accueillir la faune et
la flore et dessinées sur mesure. Des circulations semblables à des
fourmilières au gymnase de neuf mètres sous plafond évoquant une grotte
monumentale, l’architecture est organique jusque dans les moindres
détails.
Maître d’ouvrage : SAEM
Val-de-Seine
BET : EVP, structure ;
CFERM, fluides ; F. Bougon, économiste ; F. Boutté, HQE ; A.E.U, écologue
; Biodiversita, biodiversité
Surfaces : 6766 m²
SHON
Coût : 18 millions d’euros
HT
Livraison : prévue juin
2014
Foyer
de jeunes travailleurs de 240 studios et crèche, Paris 20ème
Comment tirer le meilleur parti de
la superposition des programmes ? En mutualisant les services de deux foyers
à l’origine distincts – des logements de jeunes travailleurs et une résidence
de migrants –, les architectes – ici associés à l’agence Avenier- Cornejo
– créent un événement architectural fort répondant à leur préoccupation récurrente.
Implanté au bord du périphérique, sur une parcelle d’angle entre Paris et les
Lilas, l’imposant monolithe de briques sombres dialogue avec les
altimétries environnantes par une succession de gradins et de
porte-à -faux. Dépassant largement le COS parisien, les volumes compacts
occupent le gabarit maximum sur 10 niveaux et jouent de leur densité en
ménageant des espaces de « respiration ». Habituellement situés en rez-de-chaussée
– ici occupé par la crèche – les locaux collectifs sont rassemblés à l’étage «
belvédère » du R+3, véritable terrasse panoramique ouverte sur la ville.
Perpendiculaire à cette percée, une faille habillée de cuivre finit
d’atténuer la monumentalité de l’édifice et réfléchit la lumière naturelle dans
les circulations verticales, considérées comme des plateformes d’échange
et de rencontre. Linéaire et répétitive dans les plateaux de logements, la
distribution se dilate à l’étage commun pour serpenter entre les lieux de vie
intérieurs et extérieurs. Placés au centre du projet, les usagers
disposent de spacieux studios aux meubles sur mesure éclairés par de grandes
baies de 2 x 2 m cadrant des vues sur le paysage métropolitain.
Maître d’ouvrage : RIVP
Maîtres d’œuvre :
Chartier-Dalix et Avenier-Cornejo
BET : F. Bougon,
économiste ; CFERM, fluides ; E.V.P., structure ; F. Boutté, HQE
Surfaces : 9300 m²
SHON
Coût : 19,6 millions d’euros
HT
Livraison : octobre 2013
Foyer d’accueil médicalisé de 36 lits,
Harbonnières (Somme)
Évitant l’écueil des longs couloirs
généralement réservés à ce type d’établissements, les architectes ont placé
les circulations au centre du foyer médical, les transformant en
véritables lieux de vie. Les pensionnaires les plus faibles peuvent ainsi
se déplacer facilement autour d’un patio central qui leur permet d’accéder
rapidement aux différents éléments du programme. Plutôt que de s’étaler
sur l’ensemble du terrain, la construction est resserrée sur deux niveaux selon
un plan à douze côtés profitant à 360° du grand champ aux arbres
remarquables. Situées sur le pourtour extérieur, les chambres offrent Ã
chaque résident une vue unique et sans vis-à -vis cadrée par de grands
châssis vitrés. Assurant une transition douce
entre la nature environnante et le cœur du bâtiment, les espaces
collectifs traversants s’ouvrent intégralement sur la cour intérieure
grâce à des portes coulissantes toute hauteur. Le bardage bois de
l’atrium renforce l’intériorité des volumes et contraste avec la
minéralité des façades extérieures en béton brut lasuré. Pour rectifier
l’orientation des panneaux solaires, la toiture en bacs acier zigzague en
pans inclinés et génère une continuité depuis le village jusqu’au centre
de l’édifice. À travers ses variations de hauteur, la couverture dessine une
skyline qui donne du relief à la rase campagne picarde et exploite la
notion de « bâtiment paysage » chère aux concepteurs.
Maître d’ouvrage : Société
Immobilière Picarde
BET : P. Poulain,
économiste ; Euro Picardie, fluides
Surfaces : 2820 m²
SHON
Coût : 4,1 millions d’euros
HT
Livraison : avril 2012
Frédéric Chartier et Pascale Dalix… soumis Ã
la question
Votre premier souvenir d’architecture ?
Frédéric
C. : une ville, Rotterdam.
Pascale
D. : enfant, la maquette d’étude réalisée par mon oncle architecte.
Que sont devenus vos rêves d’étudiants ?
Nous
ne sommes pas nostalgiques.
À quoi sert l’architecture ?
L’architecture
se situe quelque part entre le service collectif et la poésie.
Quelle est la qualité essentielle pour
un architecte ?
FC/PD
: le doute / la curiosité.
Quel est le pire défaut chez un
architecte ?
FC/PD
: la facilité / le melon.
Quel est le vôtre ?
FC/PD:
elle est insouciante / il est paranoïaque.
Quel est le pire cauchemar pour un
architecte ?
FC/PD
: le doute / l’incompréhension.
Quelle est la commande à laquelle vous
rêvez le plus ?
Les
belles commandes naissent d’abord avec de belles rencontres.
Quels architectes admirez-vous le plus ?
Dans
l’actualité, pêle-mêle, le travail de Sou Fujimoto, RCR, Christian Kerez, Lacaton
& Vassal, Valerio Olgiati, Jun’ya Ishigami, Ryue Nishizawa, Caruso Saint
John, et les maîtres bien sûr, l’OMA, Herzog et de Meuron...
Quelle est l’œuvre construite que vous
préférez ?
FC/PD: New York City / une ruche.
Citez un ou plusieurs architectes que
vous trouvez surfaits.
Quels
qu'ils soient, on ne défendra jamais assez les architectes.
Une Å“uvre artistique a-t-elle plus
particulièrement influencé votre travail ?
Ce
serait plutôt un corpus de références : Chillida, des artistes du land art, Richard
Serra, Dan Graham, Rothko, les photographies de Rineke Dijkstra ou
d’Andreas Gursky, les installations de Sarah Sze, les dérives
psychogéographiques des situationnistes, les romans de Ballard…
Quel est le dernier livre qui vous a
marqué ?
FC/PD
: Les Grands Chemins, Jean Giono / Fontaine de Vaucluse, Pétrarque.
Qu’emmèneriez-vous sur une île déserte ?
FC/PD
: quelques flacons de Jacques Selosse / tout le monde…
Votre ville préférée ?
FC/PD
: la New Babylon, de Constant / Paris.
Le métier d’architecte est-il enviable
en 2014 ?
Pas
plus ni moins qu’avant.
Si vous n’étiez pas architecte, qu’auriez-vous
aimé faire ?
FC/PD
: musicien / grande voyageuse.
Que défendez-vous ?
FC
: « Ainsi l’architecture deviendra un véritable art de la construction, un art
des plus complet, qui sera à la fois lyrique par ses moyens et social par sa
nature même » Constant, discours pour un Bahaus imaginiste, 1956.
PD
: « L’étincelle qui fait de l’art un langage. » Lina Bo Bardi.
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