Le projet d’extension 028MLJ expérimente les frontières/liens avec son environnement, le traditionnel et le minimalisme, la courbe et le vif - préoccupations de l’architecte Bérénice Curt issues de son vécu au Japon et en Suisse. Elle livre une extension qui manipule ces ambiguïtés pour faire l’éloge de ce patrimoine familial et honorer la commande.
Insertion urbaine
Dans une rue résidentielle de Mantes-la-Jolie, cette maison de famille est une construction traditionnelle en murs maçonnés en pierre calcaire, affirmant un mur pignon pourvu d’une magnifique vigne vierge grimpante. Compacte et insulaire sur son terrain long et étroit, l’entrée se faisait par le perron d’entrée ou par la cave. D’un côté implantée sur une limite séparative, elle conserve de l’autre un passage latéral, accès au jardin de 180 m2. L’habitation, surélevée, n’offrait qu’une relation réduite au jardin pour cette famille qui voulait “vivre dehors”.
L’implantation de l’extension dans le jardin contourne la réglementation urbaine Mantaise.
En effet, celle-ci exige la création d’un volume strictement aligné et dans le prolongement de la maison qui aurait alors renforcé l’effet de couloir du passage latéral et restreint le nombre d’ouvertures. Or, les deux parcelles voisines présentent en mitoyenneté de petites constructions adossées aux murets séparatifs qui pouvaient justifier d’une désolidarisation de l’extension à l’existant.
Se dessine alors un volume aux angles courbes. Allant de part et d’autres du terrain il s’inscrit scrupuleusement dans les emprises voisines et soigne les retraits légaux.
Parti architectural
Le parti pris contextuel introduit cette transition recherchée à deux échelles : l’une urbaine au profit du quartier, l’autre paysagère sur l’ensemble de la parcelle.
L’extension redéfinit subtilement le terrain inexploité de la maison en le scindant en deux parties aux qualités paysagères et aux usages bien définis : un patio côté rue, un jardin de l’autre. Ainsi, le passage longeant la maison devient un patio minéral orienté sud- est, terrasse à proximité de la cuisine. En cœur de parcelle, un rapport direct des espaces de vie avec le jardin verdoyant est établi.
Ces deux espaces extérieurs sont délimités par les deux bras courbes qui forment l’extension. Enduits d’une teinte naturelle faisant écho à la pierre calcaire, ils embrassent respectivement le jardin et le patio et adoucissent les retraits. Au niveau du pignon végétalisé de la maison, le retrait de l’extension préserve les éléments en angle de la façade existante tels que sa vigne vierge et la gouttière.
Composant avec les hauteurs de celles voisines, une fine toiture en zinc vert se lit depuis les étages comme une continuité du jardin. L’utilisation de joints debout renforce les arêtes de cette feuille unificatrice conférant l’aspect contemporain du projet. En débord sur le jardin avec une sous face en chêne, elle rase les murs du patio.
Aucune orientation n’est privilégiée. Portes fenêtres, baies coulissantes, puits de lumière, oculus, la variété des ouvertures, en plus de faire entrer la lumière en tous points, offre autant de rapports diversifiés avec l’existant et de percées visuelles. Dans l’alignement du muret mitoyen en pierre, les baies coulissantes ouvertes sur le patio et celles sur le jardin se répondent. Le muret file, se reflétant dans les baies d’aluminium brut, ces dernières contribuent à conserver la dimension traversante de la parcelle. Le puits de lumière procure une vue émergent vers la façade en pierre de la maison. Toutes les ouvertures s’organisent autour d’un axe principal entre le rez-de-chaussée haut de l’existant et le rez-de-chaussée bas créé par le projet. Cet axe offre une percée allant de la rue jusqu’au jardin, aucun cul de sac physique ou visuel. Une véritable colonne vertébrale, qui traverse l’extension, et construit un lieu scindé en deux espaces, contenus par les bras courbes. La structure hybride mise en place libère les nouveaux espaces de tout point porteur et d’une organisation déterminée.
Une identité forte, sans usages préconçus, où quel que soit le point de vue, le lieu change et évolue. Exempt de toute symétrie et répétition, la perception de la surface construite s’en retrouve étendue. La dalle de béton qui s’épanouit du patio à la terrasse du jardin, finit ce continuum extérieur- intérieur. La neutralité des matériaux employés laisse opérer les ombres portées de la toiture anguleuse aux murs courbes blancs et béton poreux.
Allégorie de la feuille posée sur deux bras, cette extension construit une forme libre, offrande - non tributaire - à la maison d’origine. Structure autoportante, fondations en pieux profonds, système de drainage, émane du projet une parfaite autonomie dans un tissu urbain solidaire reconstitué.
Maîtres d'ouvrages : privée
Maîtres d'oeuvres : Bérénice Curt Architecture, co-traitants : Touzet Associés Architectes
Surfaces : rénovation 30m2 + extension 37m2
Cout : 125 000 €
Date de livraison : 2021