Après quatre ans de fermeture au public, le Musée d'ethnographie de Genève (MEG) fait peau neuve. Enjeu culturel majeur pour la ville, l'édifice réalisé par l'agence Graber Pulver accueille les collections ethnographiques et ethnomusicologiques des cinq continents. Fruit de multiples conciliations, le projet avait été adopté en 2010 suite à un concours et un référendum. Après une quinzaine d’années de vive opposition, 67% des Genevois votaient pour ce projet.

2 020 m² d'exposition, un auditorium, une bibliothèque et un mini-cinéma ont été inaugurés vendredi 31 octobre. Genève dispose désormais d'un nouvel espace culturel ouvert sur son environnement. L'architecte Thomas Pulver explique « les difficultés d'insérer un programme complexe dans un contexte urbain sensible Â». Situé au coeur de la ville, dans le quartier des Bains, l'ensemble préserve une esplanade plantée désormais aménagée en jardin d'agrément. Le MEG fait face à une école primaire et à l'ancien musée qui abrite aujourd'hui bureaux du personnel, ateliers, équipements techniques et Ateliers d'Ethnomusicologie (ADEM). Maîtres d'oeuvre et d'ouvrage souhaitaient que cette place – comme une cour commune – soit un lieu de rencontres entre administration, école et visiteurs. Conçue comme « une pagode du Vietnam Â», selon l'architecte en chef du projet Douwe Wieers, la façade du MEG se démarque par sa toiture en béton capoté d'aluminium. Pagode, cathédrale ou paquebot, avec son volume en prisme triangulaire et son motif en losanges, l'édifice éveille de multiples images qui imposent son identité forte au centre de Genève.

L'aspect solennel de l'édifice est d'autant plus saisissant à l'intérieur. Volume sculptural aux motifs et compositions géométriques, l'extension du MEG se déploie sur cinq niveaux. L'idée a été d'enterrer la majeure partie du programme sous l'esplanade. Au deuxième sous-sol les deux salles d'exposition s'étendent sur 2 020 m². L'espace est divisible au moyen de parois amovibles, il est conçu comme une boîte noire permettant une multitude de scénographies et d'éclairage. Il accueille les « archives de la diversité humaine Â», soit plusieurs siècles d'histoires, une centaine de civilisations et de cultures représentées par un millier d'objets visuels et sonores. 1 000 m² sont dédiés à l'exposition permanente scénographiée par l'Atelier Brückner. Une première salle présente une immense table longée de panneaux explicatifs sur laquelle des oeuvres semblent disposées de façon aléatoire. Le parcours pédagogique de la seconde salle est organisé par aires géographiques et, à rebours des grands musées européens, inclut l’Europe. Deux installations de l'artiste Ange Leccia complètent la scénographie. Wassim Melki, de l'Atelier Brückner, dit avoir souhaité réaliser un « cabinet de curiosités Â» incitant à la déambulation ou à une érudition tranquille.

Pour l'ouverture, l'exposition temporaire scénographiée par mcbd architectes est dédiée à la naissance et à la consolidation de la société mochica – l'un des premiers États andins précolombiens – et à ses relations entre écologie, pouvoir et religion. L'espace devient plutôt ici un outil d'immersion. Avec un travail sur les parois et le plafond qui simulent les paysages du Pérou ancien, il s'agit bien de reconstituer l'environnement du peuple mochica et d'immerger le spectateur jusqu'à l'oppresser. Tantôt fluide et libre, puis de nouveau fermé et contraint, le discours scénographique se veut « hypernarratif Â» : pour la tombe royale du seigneur d'Ucupe, les scénographes ont imaginé un espace clos, mortuaire et funéraire.

Le premier sous-sol abrite le foyer, l'auditorium de 250 places, deux salles de séminaires, divers locaux techniques et des dépôts. Pièces majeures qui participent à la scénographie du lieu, les murs de l'escalier principal sont revêtus de plaques métalliques à redents de deux couleurs différentes. Cet effet crée deux atmosphères distinctes selon le sens de la marche : blanche et lumineuse à la descente, brune et mystérieuse à la montée. Avec le hall d'accueil, le café et la boutique du musée, le rez-de-chaussée prolonge quant à lui l'espace public de l'esplanade. Le premier étage est dédié aux ateliers de restauration et de médiation culturelle. Située sous la toiture en forte pente, la Bibliothèque Madeleine Lancoux est l'un des espaces les plus remarquables du musée : éclairée par des embrasures étroites qui accentuent la verticalité de la pièce, elle privilégie la sobriété des matériaux et des volumes. Avec sa typologie qui renvoie davantage aux espaces cultuels, elle invite au silence et à l'étude.

Texte d'Alison Gorel Le Pennec
Photographies d'Alain Grandchamp, Nicole Zermatten et B. Glauser

Chiffres
7000 m² : surface totale du nouveau bâtiment
2020 m² : surface de la salle d’exposition au 2e sous-sol
250 places : capacité de l’Auditorium au 1er sous-sol

Maître de l’ouvrage
Ville de Genève, Département des constructions et de l’aménagement

Mandataires
Architectes : Graber Pulver Architekten AG, Zürich / Berne
Direction des travaux : ACAU, Carouge
Ingénieurs civils : Weber + Brönnimann AG, Berne
Ingénieurs civils : AB ingénieurs civils SA
Ingénieurs CVSE : Tecnoservice Engineering SA
Ingénieur façadier : Mebatech AG
Ingénieurs géomètres : HKD Géomatique SA
Ingénieurs gestion des déchets : Ecoservices SA
Ingénieurs géotechnique : GADZ géotechnique appliquée
Ingénieurs sécurité : Protectas SA
Architectes paysagistes : Hager Partner AG
Ingénieurs acousticiens : Grolimund & Partner AG
Ingénieurs assainissement : IBS