Exposition : Le double pouvoir de l’architecte et l’habitant

Rédigé par Karine DANA
Publié le 05/09/2022

Exposition arc en rêve

Article paru dans d'A n°301

Dirigé depuis avril 2021 par Fabrizio Gallanti, le centre d’architecture arc en rêve laisse petit à petit découvrir sa nouvelle programmation dans une certaine continuité avec le projet de Francine Fort et Michel Jacques, les fondateurs de l’association. Monographies et cartes blanches à des auteurs constituent pour l’instant les axes forts de la stratégie d’ouverture au public.

Dans cette optique, trois expositions se répondent actuellement. « Impasse des Lilas », dédiée à l’agence MBL architectes (voir le parcours dans les pages précédentes), court jusqu’au 18 septembre dans la grande galerie. Éclectique et imprévue – deux adjectifs qu’affectionnent Sébastien Martinez-Barat et Benjamin Lafore –, cette exposition n’est pas centrée sur leurs réalisations – il faudra pour cela attendre la production du catalogue –, mais présente une collection de regards sur le territoire pavillonnaire et les manières d’habiter ni en ville, ni à la campagne. Abordée comme un récit illustré plutôt ludique et énigmatique, elle regroupe une centaine d’objets extraits des productions et recherches de l’agence, mais également d’artistes et architectes invités. Une centaine d’intrigues. Privé de tout cartel, le visiteur déambule d’abord sans grille de compréhension à travers les œuvres avant de pouvoir saisir un livret d’exposition, à l’ergonomie aussi souple qu’un roman de gare, provenant d’un petit monticule situé au fond de la galerie... 

« Métropole Jardin », l’exposition consacrée au travail de l’agence GRAU, se tient, quant à elle, jusqu’au 2 octobre prochain à la galerie blanche. S’appuyant sur l’intérêt de l’agence pour la ville horizontale, l’exposition – très didactique – se concentre sur quatre territoires : Bordeaux, Phoenix, Bruxelles et Chicago. Dans la première salle, ceux-ci sont abordés suivant leurs ressemblances et dissemblances au regard de leurs trames, des stratégies d’implantation du bâti, de leurs jardins et piscines. Dans la seconde salle, où sont présentés des documents textuels et photographiques liés aux projets de l’agence, on saisit à quel point l’architecture et le paysage sont indissociables et nécessairement synchrones pour Susanne Eliasson et Anthony Jammes, et combien, en ce sens, l’espace du jardin individuel appartient à la culture collective. 

Enfin, dans la nef de l’Entrepôt, l’exposition « Commun, une architecture avec les habitants », inaugurée avec trois expositions du CAPC musée d’art contemporain, est ouverte jusqu’au 18 septembre prochain. Elle regroupe le travail de deux importantes contributions : celle de Christophe Hutin à la Biennale de Venise en 2021 avec son projet Les communautés à l’œuvre, et de David Brown à celle de Chicago. Le travail de ce dernier, The Available City, s’appuie sur ses recherches menées depuis plus de dix ans sur les friches des villes américaines et les quelque 10000 terrains vacants de Chicago. Il est mis en regard avec des expériences au long cours, à l’instar des projets particulièrement palpitants d’autoproduction de logements collectifs de la coopérative d’habitants La Borda avec l’agence barcelonaise Lacol ; du projet de transformation de la place du marché Bermondsey à Londres avec le collectif d’architectes Assemble, Hayatsu Architects et les habitants du quartier ; du complexe culturel East Quay en lieu et place d’un projet de développement immobilier de luxe par l’entreprise sociale Onion Collective et l’agence d’architecture Invisible Studio au sud-ouest de l’Angleterre ; ou encore des expériences de Microprocessus qui décrivent des formes alternatives de production urbaine nées en dehors des enjeux de la ville « financiarisée » et planifiée, à Caracas avec Enlace Arquitectura et Ciudad Laboratorio. 

Ces exemples (une douzaine) s’articulent de manière très évidente autour des cinq cas d’études présentés par Christophe Hutin que sont la transformation de 100 logements mitoyens à Mérignac, l’aménagement d’un espace public à Détroit, la transformation de la cité du Grand Parc à Bordeaux, les extensions « vernaculaires » des immeubles de logements KTT à Hanoï ou les interventions de l’atelier Learning from à Johannesburg et Soweto. Ces territoires de projets filmés et vidéoprojetés relatent toute la capacité de faire, issue de ce double lien – largement sous-exploité – de l’architecte et l’habitant. Derrière ces collections de pratiques se pose bien sûr la question fondamentale de leur reproductivité et de leur impact sur les politiques urbaines dominantes. Et même si l’exposition met en lumière et clarifie ces expériences exemplaires à l’œuvre, il aurait été intéressant d’en savoir davantage sur les montages financiers et fonciers qui soutiennent ces projets hors-champs, la spécificité des acteurs impliqués, et de connaître précisément leur mode opératoire. Et pour chacun de ces projets dont la commande est portée par les habitants et les maîtres d’œuvre, on comprend combien le rôle de l’architecte devient alors crucial et délicat. Comme l’exprime Christophe Hutin, de chef d’orchestre centralisateur, l’architecte deviendrait alors musicien de jazz dans une jam session, un glissement qui nécessiterait aujourd’hui un bien essentiel décentrement du regard...

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