Projet lauréat de Calori, Azimi & Botineau (CAB) + Bourbouze & Graindorge |
Un programme
atypique : une résidence étudiante construite sur des locaux techniques de la
RATP et un gymnase-pont lancé au-dessus du périphérique. Des maîtres d’ouvrage
publics habitués à gérer des opé- rations complexes : SEMAPA et
Logis-Transports. Une sélection d’équipes de maîtrise d’œuvre assez homogène
qui reflète une nouvelle génération architectes, à la fois régionale et
européenne. |
Ce concours
lancé l’année dernière demandait aux équipes en concurrence de proposer deux
bâtiments séparés : une résidence étudiante de 150 logements et un équipement
sportif comprenant un gymnase et deux salles polyvalentes, l’une pour la danse
et l’autre les arts martiaux. Jusque-là rien que de très banal, sauf que la
résidence sera placée au-dessus d’un bâtiment de stockage de la RATP et que
l’équipement franchira une portée de 46 mètres au-dessus du périphérique. La
résidence devra de plus tenir compte du maintien de l’activité du local
technique, notamment au cours du chantier. Quant à l’équipement, il s’alignera
contre le pont de l’avenue Courteline pour assurer la continuité urbaine entre
le 12e arrondissement et les communes résidentielles de Vincennes et de
Saint-Mandé. Il comportera un avant-bec planté laissant le libre passage aux
animaux, afin d’établir un couloir écologique entre les deux zones séparées par
l’autoroute. Une problématique symptomatique de la politique actuelle de
désenclavement du périphérique qui préfère le recouvrement partiel pour
contourner la réglementation concernant les tunnels routiers, devenue
draconienne depuis l’accident du Mont-Blanc. Le choix des équipes retenues
reflète un réel renouvellement de la maîtrise d’œuvre et rend compte des
nouvelles stratégies d’implantation des jeunes agences en régions et en Europe.
Elles viennent ainsi souvent de province – d’Aix-en-Provence pour Fernandez
& Serres, de Nice pour CAB, de Nantes pour Bourbouze & Graindorge – et
sont révélatrices des retombées des politiques Erasmus et Europan. Ainsi
Sandrine Puech & Manuel Savoy ont-ils été tous deux formés à l’ENSAIS
(Strasbourg) et à l’ETSAB (Barcelone), tandis que MarÃa Colomer Betoret et
Adrien Dumont (MCBAD) ont fait leurs études entre Valence (Espagne), Venise et
Paris. Quant à André Kempe et Oliver Thill, ce sont deux Allemands de l’Est qui
ont fondé leur agence à Rotterdam après avoir été lauréats d’Europan 5. Pas
d’effet de casting, mais des associations très cohérentes d’agences qui avaient
déjà été amenées à collaborer, ou qui semblent avoir été poussées presque
naturellement à travailler en commun par leur philosophie très proche du
projet. La plupart des équipes ont su plier la commande aux fondamentaux qui
déterminent leurs démarches. Notamment l’infrastructure, pour les CAB associés
à Bourbouze & Graindorge; la morphologie, pour Kempe Thill et Puech &
Savoy, ou encore le monument pour MCBAD et Barozzi Veiga. Des réponses précises
et concises qui se déclinent comme autant d’exercices de style à la manière de
Raymond Queneau.
« La
politique actuelle de désenclavement du périphérique qui préfère le
recouvrement pour contourner la réglementation concernant les tunnels. »
INFRASTRUCTURE
CALORI, AZIMI
& BOTINEAU (CAB) + BOURBOUZE & GRAINDORGE
[LAURÉATS]
Les deux équipes
ont mis en avant les solutions structurelles de leurs deux bâtiments. Ainsi le
franchissement est-il assuré par deux façades poutres, l’une plus haute que
l’autre, qui maintiennent le gymnase au-dessus du périphérique. Sur ce grand
espace viennent se disposer les salles polyvalentes qui donnent sur une
terrasse plantée ouverte sur l’avenue Courteline. Leur toiture est posée en
semi- équilibre sur la poutre la plus haute et contrebalancée par les tirants
qui suspendent l’avant-bec écologique. Quant à la résidence étudiante, elle se
constitue comme une barre qui vient se poser en léger décalage sur grande
poutre à la Sol Lewitt dans laquelle viennent s’immiscer les services annexes.
Une structure portée par seulement huit piles neutres qui enjambent le bâtiment
existant. Au-dessus, les façades, qu’elles correspondent aux coursives donnant
sur le périphérique ou aux chambres donnant sur la ville, sont rigoureusement
identiques, ce qui leur accorde un aspect à la fois générique et métaphysique.
Une architecture qui sait renoncer à tout effet et trouver sa beauté, en se
montrant nue, sans honte, comme une infrastructure.
MORPHOLOGIE
KEMPE THILL +
PUECH & SAVOY
Contrairement au
précédent, c’est moins la question du franchissement que celle de la continuité
urbaine qui a retenu l’attention des équipes Kempe Thill et Puech & Savoy.
Aussi se sont-elles interrogées sur la morphologie de l’immeuble de logement
lancé au-dessus du local de la RATP, afin d’éviter la barre et l’effet de
fermeture qu’elle pourrait engendrer. Elles ont ainsi cherché à lui accorder
une profondeur optimale pour lui permettre de se greffer le mieux possible au
tissu urbain avoisinant. Une dizaine de portiques enjambent largement le
bâtiment existant pour porter un nouveau sol sur lequel viennent s’implanter
deux plots autour d’un espace arboré. Protégées des nuisances du périphérique
par un bouclier acoustique transparent contenant les coursives de desserte, les
chambres s’organisent en U autour des noyaux de circulations verticales des
deux plots. Elles s’orientent majoritairement à l’ouest et s’équipent d’espaces
tampons munis de rideau thermiques permettant de réguler la température
ambiante. Concernant l’équipement sportif, les salles polyvalentes sont cette
fois placées en rez-de-chaussée. Une disposition qui permet de lancer à ce
niveau les trois grandes poutres treillis métalliques qui vont assurer le
franchissement. Sur ce socle va ensuite s’élever la structure du gymnase. Une
composition dynamique et équilibrée, notamment vue du périphérique intérieur,
où la superposition partie opaque/partie transparente s’inverse d’un bâtiment Ã
l’autre, jouant avec le mur et le glacis qui bordent à ce niveau l’autoroute
annulaire.
MONUMENT
MCBAB + BAROZZI
VEIGA
Les architectes
Colomer et Dumont associés aux Espagnols Barozzi et Veiga – notamment auteurs
de la philharmonie de Szczecin, en Pologne, prix Mies van der Rohe 2015 –
semblent avoir parié sur une certaine monumentalité en proposant des pyramides
aztèques aux terrasses recouvertes de végétation. Une typologie qui permet de
jouer habilement sur les échelles : les bâtiments apparaissent hauts de loin
mais savent se rapetisser lorsque l’on s’approche. Une question qui aura son
pendant dans les typologies des chambres. Celles composant la strate inférieure
s’ouvriront sur des balcons en jouant sur une proximité et une continuité avec
la ville. Tandis que celles du haut s’organiseront autour de fenêtres à allège
offrant des vues sur le lointain. Cette approche additive se retrouve dans
l’organisation de l’équipement sportif. Une première couche est formée par le
long hall d’accueil ouvert sur l’avenue Courteline et le gymnase. Ensuite le
vide de la grande salle et enfin les salles polyvalentes. Quant à la structure
de la résidence étudiante, elle est assurée par douze portiques qui reprennent
au-dessus du local existant la trame des refends porteurs des chambres. Ce
rythme très rapproché permettra d’obtenir un effet de colonnade qui se
retournera sans raison structurelle sur les pignons sud et nord. Tandis que la
structure du gymnase, moins héroïque que les solutions précédentes, sera
constituée par une dalle de reprise portée par un poteau érigé sur le terre-plein
central du périphérique. Elle sera ensuite constituée par des poutres Pratt qui
s’étageront en fonction des strates et prendront appui sur les murs pignons
accueillant les espaces servants et les circulations verticales.
UNITÉ
FERNANDEZ &
SERRES
L’agence
d’Aix-en-Provence a réuni organiquement les deux bâtiments et présenté une
proposition moins transparente que celles des autres équipes en compétition.
Ils semblent être partis des angles arrondis des locaux de la RATP et s’être
concentrés le thème de l’emboîtement. La structure de la résidence étudiante
est relativement simple – des portiques dont l’espacement correspond ensuite au
cloisonnement des logements – mais sa façade descend et recouvre partiellement
le bâtiment technique, comme si elle venait l’enchâsser. De même le gymnase
repose-t-il en encorbellement sur les salles polyvalentes qui se glissent entre
trois poutres treillis métalliques pour donner le même effet d’insertion. Il se
constitue comme une élégante coque en bois renforcée par des arêtes qui
soutiennent un plafond à caissons d’où tombe la lumière. Comme s’il s’agissait
d’un auditorium ou d’une bibliothèque occupé par effraction par des
manifestations sportives.
SÉQUENCE
BABLED & K
ARCHITECTURES
Thibaud Babled,
Karine Herman et Jérôme Sigwalt, les deux équipes parisiennes, ont surtout
considéré l’opération comme une séquence, un chaînon urbain manquant entre
Paris et Saint-Mandé. Elles ont volontairement minimisé les questions
structurelles. Ainsi, les poutres treillis qui portent l’équipement sportif
restent-elles cachées, tandis que les piles métalliques qui soutiennent la
résidence étudiante se plient pour composer comme une jupe plissée autour des
locaux de la RATP. Un plissement qui, renforcé par un système d’ouvertures en
quinconce, organise ensuite les façades donnant sur la ville, en référence aux
redans des HBM de ceinture. L’enveloppe de l’équipement est traitée de la même
façon afin d’obtenir une continuité maximale. Et sur le périphérique la
résidence ose une façade arrière, rappelant celles qui donnent sur les grandes
saignées ferroviaires menant aux gares.
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N° 255 - Juillet 2017
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