Vincent Baur, Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne de l'agence Ateliers O-S architectes |
2017 est une
année importante dans l’histoire des Ateliers O-S architectes. L’agence –
disons simplement O-S – fête ses 10 ans et emménage dans de nouveaux locaux.
Gaël Le Nouëne vient d’avoir 40 ans, Vincent Baur et Guillaume Colboc le
suivent de près. O-S comme Operating System, Open Source, Os (l’osmium, un
métal platinoïde) ou Ouvrier Spécialisé, et encore beaucoup d’autres choses. De
quoi illustrer la manière dont le trio envisage sa pratique, façon groupe de
rock où, peu importe qui fait quoi, seul compte le résultat final. |
Chacun se
souvient de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001. En cette rentrée
universitaire, les routes de Vincent Baur, Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne
se croisent sur les bancs de la Technische Universiteit de Delft. L’engouement
international pour l’école hollandaise est alors à son paroxysme. OMA, MVRDV,
West 8 ou UNStudio sont les nouveaux héros, Bart Lootsma vient de publier son
SuperDutch. Le détour par les Pays-Bas s’impose, passage obligé pour tout
étudiant-architecte. Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne se sont d’abord connus à l’école de Paris-Belleville et c’est ensemble qu’ils décident d’aller à
Delft, happés par des envies d’ailleurs. À la TU, dans les murs de Van den
Broek et de Bakema, ils rencontrent Vincent Baur. Dans le pub du campus, ils
découvrent en direct les images apocalyptiques des tours enflammées du World
Trade Center. Nouvelle école, nouveau pays, et un monde qui bascule : de quoi
forger les solides bases d’une rencontre qui sonne rétrospectivement comme une
évidence. « L’idée de s’associer a germé assez vite. Il y avait à Delft une
dynamique forte que nous ne connaissions pas en France. 2001 est une année
marquante pour l’agence. À la fois celle de notre rencontre et de la découverte
de l’architecture hollandaise : une vraie claque. Cette expérience a eu et a
encore une influence forte sur notre production aujourd’hui. » Gaël et
Guillaume profiteront de cette escapade pour passer quelques mois chez OMA, qui
n’était alors pas la machine de guerre qu’elle est devenue. « C’était encore un
peu chaotique à cette époque et donc très intéressant pour nous d’y passer à ce
moment-là. On pouvait être stagiaire et avoir des responsabilités : un
laboratoire ouvert où tout le monde proposait des idées. » Vincent travaille
quant à lui chez West 8, l’occasion de découvrir l’espace public sauce
hollandaise, libre et décomplexé. En 2002, retour au bercail et soutenances des
diplômes pour Vincent et Gaël. Guillaume, parti très tôt vers l’enseignement,
passera son diplôme plus tard. Tous trois travaillent en agence (Nicolas
Michelin, Brigitte Métra, Christian Devillers…) et mènent en parallèle des
collaborations communes. Ils participent à des concours d’idées et des
festivals de microarchitecture ou de design. On se souvient notamment de leur
installation sur le mur aveugle des Magasins généraux avant qu’ils ne soient
transformés par Jakob et MacFarlane : une « perruque » orange faite de tubes de
chantier à l’occasion du Festival des architectures vives en 2006 : « Notre
premier projet construit! » C’est avec déférence qu’ils évoquent leurs
différents passages en agence : « Des rencontres importantes et formatrices
pour chacun de nous et pour ce qu’est O-S aujourd’hui. Toutes ces expériences
ont nourri notre approche du projet. »
L’AUTONOMIE EN LIGNE DE MIRE
Leur association
est officiellement actée en 2007. L’agence compte aujourd’hui une douzaine de
personnes, eux compris. Comme beaucoup d’autres, ils ont démarré en vivant de
perspectives de concours réalisées pour les autres : « Une activité rentable
pour acquérir l’autonomie financière mais qui permet aussi de développer des
outils efficaces pour soi. Aujourd’hui, nous produisons nos propres images.
C’est très important pour nous d’avoir la maîtrise des outils de production.
Dans nos nouveaux locaux, nous aimerions investir dans des machines pour être
autonomes sur les maquettes. On tient à garder notre indépendance, à éviter la
sous-traitance, à faire tout ce qui est possible en interne pour maîtriser le
maximum de choses. À terme, l’économie et le pilotage de chantier sont des
qualifications qu’on aimerait réintégrer à l’agence. » Fraîchement associés,
ils remportent un premier appel d’offres pour la réalisation de 14 logements
sociaux à Athis-Mons. Le projet ne se fera pas mais leur offre une première
référence dans le logement. « Nous avons eu de la chance dans le timing. Nous
avons profité de l’avant-crise de 2008. » Pour autant, le hasard ne fait pas
tout. Loin de se focaliser sur la capitale où ils n’ont d’ailleurs jamais
construit, ils sont allés candidater à Nevers, à Dijon ou à Chalon-sur-Saône,
auprès de maîtres d’ouvrage qui leur ont fait confiance. « Si nous étions
restés à Paris, nous n’aurions pas construit tous ces bâtiments ». De fait, la
carte de localisation de leurs projets dit beaucoup de cette démarche et d’une
production assez étoffée pour leur âge. Des logements mais aussi des
équipements culturels, sportifs, souvent plus durs à décrocher. « Nous avons
très vite réussi à diversifier notre activité. C’était un pari pour les maîtres
d’ouvrage de nous choisir. Mais il y avait alors bien moins de candidatures par
appel d’offres. C’est beaucoup plus difficile aujourd’hui. »
JUSQU’AU-BOUTISTES
Vincent Baur,
Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne ne travaillent pas à trois par hasard. Pour
eux, c’est un moteur, même une façon de penser l’architecture. « Nous
développons les projets à travers l’image et la maquette. Ce sont deux outils
très importants dans notre production au quotidien qui nous permettent de
tester beaucoup de choses, rapidement. » L’excès de scénarios, le foisonnement
de propositions pour mieux arriver à l’essentiel : une manière de faire
circuler les idées acquises aux Pays-Bas. « Il a fallu quelques concours pour
apprendre à travailler à trois. Ce n’est pas venu tout seul! On passe beaucoup
de temps ensemble, on fait en sorte de savoir tout de ce qui se passe à
l’agence. Ça prend du temps mais cela permet de prendre de bonnes décisions.
Nous sommes à 90 % du temps d’accord. Répondre à un concours ne se fait
d’ailleurs pas dans la confrontation d’un choix contre un autre mais procède
d’un travail analytique. Il y a une objectivisation qui se crée dans le débat
et le travail. Chaque projet est l’aboutissement de décisions collégiales à
toutes les étapes. » Cette volonté de maîtrise qui caractérise le trio
s’exprime aussi sur le chantier, dans les détails qui leur tiennent à cœur. «
On ne lâche pas! Être trois permet aussi d’avoir l’énergie de tenir jusqu’au
bout. » De fait, ils ont essentiellement travaillé en commande publique, un peu
effrayés par l’idée d’être dépossédés de leurs chantiers, mais aussi parce
qu’ils revendiquent un certain sens de l’intérêt public. Ainsi, le pôle
culturel qu’ils ont livré à SaintGermain-lès-Arpajon en 2015 synthétise-t-il
toutes leurs préoccupations architecturales. « Volupté des espaces et rigueur
paramilitaire des façades », résume Rudy Ricciotti dans l’ouvrage1 consacré au
projet. Pour eux : « Un bâtiment référence pour l’agence en termes d’échelle,
de programme mais aussi des sujets qui nous semblent être révélateurs de ce
qu’on essaye de faire. » À savoir la relation à la topographie, l’idée du ruban
programmatique, la notion de parcours dans le bâtiment qu’ils essayent
systématiquement de mettre en place, le souci inconditionnel du détail. Un
bâtiment à leur image en quelque sorte, qui impose avec force son honnêteté
constructive sans avoir besoin de gesticuler.
1. Comme un boomerang, Ateliers O-S architectes, Cyrille Weiner, Le Gac Press, 2015.
CHRONOLOGIE :
1977 Naissance de Gaël Le Nouëne.
1978 Naissance de Vincent Baur et Guillaume Colboc.
2001 Rencontre des trois associés à la TU de Delft.
2002 Premières collaborations (concours d’idées, festivals d’architecture et de design).
2007 Création de O-S architectes à Paris.
2011 Nomination au prix de la Première Œuvre avec les 39 logements de Chalon-sur-Saône.
2015 Livraison du pôle culturel de Saint-Germain-lès-Arpajon.
GYMNASE SCOLAIRE DES BORDS DE SEINE
(ASNIÈRES-SUR-SEINE)
Cet équipement
sportif s’inscrit dans une opération de mutation d’un site industriel en site
urbain mixte. O-S s’est appuyé sur l’idée d’une sculpture urbaine attractive au
service de ce quartier en renouvellement. Compact et massif, le bâtiment se
connecte à la rue par une faille lumineuse au rez-de-chaussée. La commande
comportait également un volet paysager conséquent afin d’ancrer le projet dans
son contexte. Réalisé en structure bois, le gymnase abrite un terrain
multisport qui va chercher la lumière au nord et zénithalement par un travail
de coupe. Il est enveloppé d’une peau métallique animée par des jeux de lumière
graphiques qui affirment sa vocation, celle d’un équipement de quartier
aisément identifiable.
[ Maître
d’ouvrage :Ville d’Asnières-sur-Seine – BET fluides : Bethac – BET structure :
EVP – Économiste : MDETC – Paysagiste : Ateliers Paysage et Lumière – SHON : 1
001 m2 – Coût : 1,68 million d’euros HT (gymnase) + 1,25 million d’euros HT
(aménagements extérieurs) – Livraison : septembre 2013 ]
38 LOGEMENTS INTERMÉDIAIRES
(CHARLEVILLE-MÉZIÈRES)
Le contexte est
celui d’une opération de renouvellement urbain dans un environnement
hétéroclite à Charleville-Mézières, juxtaposant pavillons et habitations
collectives. Pour requalifier le quartier, ils ont imaginé un projet à la
densité partagée, réparti en trois îlots. Les 38 logements s’organisent en «
maisonnée » par la superposition de deux appartements bénéficiant d’accès
indépendants. L’ensemble bénéficie ainsi de quatre « vraies » façades et d’une
intériorité en cœur de parcelle défendues par les architectes. La densité mise
en œuvre ménage une perméabilité visuelle nord/sud, cherchant à qualifier la
parcelle dans sa profondeur. Un travail sur les menuiseries renforce cette
recherche de domesticité.
[ Maître
d’ouvrage : Habitat 08 – BET TCE : Egis – Shon : 3 583 m2 – Coût : 3,59
millions d’euros HT – Livraison : 2016 ]
20 LOGEMENTS BBC PLUS-PLAI (DIJON)
Quatorze appartements dans un volume à R + 3 et six maisons de ville en bande à l’intérieur de la parcelle composent cette opération de logements située à Dijon. Une manière de respecter le rythme urbain du quartier environnant, tout comme le choix d’un béton blanc texturé renvoie aux murs de clôture existants. O-S a travaillé avec des prémurs isolés. Cette préfabrication a permis un gain de temps et une anticipation du contrôle du chantier en amont. Les architectes proposent ici des typologies soignées. Les situations d’angle sont notamment mises en valeur par de belles menuiseries bois, malgré un budget serré. L’économie est d’ailleurs au cœur de ce projet. Le choix constructif de la préfabrication a ainsi permis d’offrir des prestations qualitatives comme du parquet en bois massif dans les parties communes des appartements ou des maisons en duplex avec patios.
[ Maître
d’ouvrage : Logivie – BET TCE : Euclid – Économiste : ICTEC – Shon : 1 560 m2 –
Coût : 1,895 million d’euros HT – Livraison : octobre 2015 ]
PÔLE CULTUREL (SAINT-GERMAIN-LÈS-ARPAJON)
Jalon important
dans la production d’Ateliers O-S, ce pôle culturel synthétise l’ensemble de
leurs préoccupations architecturales. Sur un site complexe doté d’un fort
potentiel avec ses 6 mètres de dénivelé, le trio a pu donner naissance à cette
« monumentalité tranquille » recherchée pour un équipement public. Le programme
comprend une bibliothèque ainsi qu’une école de musique et de danse,
jusqu’alors abrités à l’étroit dans différents locaux de la commune. Face à la
vallée de l’Orge, le bâtiment s’encastre dans la pente, scindé en son cœur par
une faille : « un espace vide qui organise le plein ». Une structure mixte
acierbéton réalise le porte-à-faux et le niveau de la médiathèque. Les façades
alternent bardage bronze, panneaux vitrés transparents, sérigraphiés ou
opaques. Par sa volumétrie et son implantation, le pôle culturel offre ainsi
une nouvelle centralité à l’échelle de la ville.
[ Maître
d’ouvrage : Ville de Saint-Germain-lès-Arpajon – BET fluides/HQE : CFERM – BET
structure : C&E – Paysagiste : OLM – Économiste : MDETC – Acousticien :
ORFEA – Shon : 2 113 m2 – Coût : 5,28 millions d’euros HT – Livraison : avril
2014 ]
PARC-RELAIS ET GARE DE BUS DU MÉTRO
(RENNES)
Rennes, plus
petite ville au monde à avoir fait le choix du métro, est actuellement en plein
chantier avec la réalisation de sa deuxième ligne qui sera mise en service en
2020. Elle reliera Saint-Jacques-de-la-Lande et Cesson-Viasilva, où O-S a été
retenu pour réaliser un parc-relais de 800 places ainsi que la gare-bus du
métro. Leur proposition joue sur une dualité entre une colonnade de béton en
partie inférieure (gare de bus) et un ruban de lame de verre en partie haute.
Thème clé du projet, le contraste joue entre massivité et légèreté, opacité et
transparence. Traité comme un volume autonome, le bâtiment d’accueil fonctionne
comme un signal à l’échelle de l’usager.
[ Maître
d’ouvrage : SEMTCAR Rennes – Ingénierie structure : EVP – BET fluides/
électricité : YAC – Économiste : ICTEC – VRD : 2LM – Signalétique : Atelier 59
– Shon : 32 000 m2 – Coût : 12 millions d’euros HT – Livraison : 2018 ]
ATELIERS O-S SOUMIS À LA QUESTION
VOTRE PREMIER SOUVENIR D’ARCHITECTURE ?
VB : La Cité radieuse.
GC : La maison où j’ai grandi.
GLN : La jetée du port de Calais, une ville où j’ai
grandi.
QUE SONT DEVENUS VOS RÊVES D’ÉTUDIANT ?
Ils sont toujours là.
À QUOI SERT L’ARCHITECTURE ?
À s’engager, à émouvoir et à responsabiliser.
QUELLE EST LA QUALITÉ ESSENTIELLE POUR UN ARCHITECTE ?
Le regard, l’écoute et la générosité.
QUEL EST LE PIRE DÉFAUT CHEZ UN ARCHITECTE ?
La paranoïa, l’enfermement et la générosité.
QUEL EST LE VÔTRE ?
La générosité.
QUEL EST LE PIRE CAUCHEMAR POUR UN ARCHITECTE ?
Faire une maison pour sa mère.
QUELLE EST LA COMMANDE À LAQUELLE VOUS RÊVEZ LE PLUS ?
VB : Un projet dans la ville où nous vivons et
travaillons : Paris.
GC : Une cabane de pêcheur.
GLN : Un lieu de recueillement, de mémoire.
QUELS ARCHITECTES ADMIREZ-VOUS LE PLUS ?
VB : Álvaro Siza.
GC : Josep Antoni Coderch.
GLN : Lina Bo Bardi.
QUELLE EST L’ŒUVRE CONSTRUITE QUE VOUS PRÉFÉREZ ?
VB : L’église réalisée par Álvaro Siza à Marco de
Canaveses.
GC : Le Linnahall de Tallinn (Estonie).
GLN : Le mémorial des Martyrs de la Déportation de
Georges-Henri Pingusson.
CITEZ UN OU PLUSIEURS ARCHITECTES QUE VOUS TROUVEZ SURFAITS.
Ceux que l’envie a quittés.
UNE ŒUVRE ARTISTIQUE A-T-ELLE PLUS PARTICULIÈREMENT INFLUENCÉ VOTRE TRAVAIL ?
L’atelier de Van Lieshout dans le port de Rotterdam :
AVL city, une œuvre globale à la fois coopérative, artistique, économique et
sociale.
QUEL EST LE DERNIER LIVRE QUI VOUS A MARQUÉ ?
VB : Du bon usage de la lenteur de Pierre Sansot.
GC : La Conjuration des imbéciles de John Kennedy
Toole.
GLN : Lipstick Traces de Greil Marcus.
QU’EMMÈNERIEZ-VOUS SUR UNE ÎLE DÉSERTE ?
VB : Une canne à pêche.
GC : Une guitare.
GLN : Une planche de surf.
VOTRE VILLE PRÉFÉRÉE ?
Rotterdam.
LE MÉTIER D’ARCHITECTE EST-IL ENVIABLE EN 2017 ?
Il l’a toujours été.
SI VOUS N’ÉTIEZ PAS ARCHITECTE, QU’AURIEZ-VOUS AIMÉ FAIRE ?
Cuisinier.
QUE DÉFENDEZ-VOUS ?
Le dialogue
Lisez la suite de cet article dans :
N° 255 - Juillet 2017
L’Atelier de l’ours, Bellevilles, Le vent se lève !, Meat, Nommos, tout terrain, UR. Les pages … [...] |
La Soda va droit à l’essentiel lorsqu’ils parlent d’architecture. Les deux associés préfèr… [...] |
Boris Bouchet, un praticien attaché à une certaine manière de concevoir l’architecture : non co… [...] |
Installé et engagé sur ses terres natales, Jean-François Madec œuvre essentiellement en Bretagn… [...] |
Si le plaisir d’exercer son métier d’architecte dans une boutique en rez-de-chaussée vous exp… [...] |
Depuis 2022, comme dans le film de Tim Burton Mars attacks !, l’agence Mars fondée par Julien B… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |