Plan masse du projet lauréat - Atelier Barani ; Paysagiste : Nicolas Gilsoul – BET : Ingérop – Économiste : ECB – Acousticien : Jean-Paul Lamoureux |
Beausoleil, une cité atypique qui aurait pu être décrite par Italo Calvino dans Les Villes invisibles. Pour requalifier une ancienne maison de maître et ses jardins, isolés en plein centre-ville, cinq équipes de maîtrise d’œuvre ont tenté d’y insérer un programme d’équipement centrifuge mêlant le social au culturel. |
Beausoleil : un amphithéâtre rocheux densément hérissé de blocs habités descend vers Monaco, une métropole en perpétuelle transformation qui s’avance sur la mer et croît en hauteur en se reconstruisant sur elle-même. D’abord, ce n’était qu’un arrière-pays, une pente aménagée en restanques pour faciliter la culture des oliviers, des vignes et des arbres fruitiers. Puis c’est devenu un observatoire sur la mer, colonisé par des villas Belle Époque et des hôtels de luxe, comme le Riviera Palace et son jardin d’hiver dont la verrière arachnéenne a été réalisée par les Ateliers Eiffel. Une longue barre qui marque toujours la limite supérieure entre la ville et la nature. Un tramway à crémaillère avait été lancé au début de siècle dernier pour permettre à sa clientèle de rejoindre, plus bas, le casino et l’opéra de Monte-Carlo, construits par Charles Garnier sur une colline entourée de jardins dominant la mer. Enfin ce territoire, scarifié de voies carrossables en lacet et de calades suivant les pentes, s’est favelisé pour accueillir la main-d’œuvre venue de la Ligurie et du Piémont travailler sur les incessants chantiers de la principauté. Le quartier du « Tonkin », qui étonnait ceux qui s’y risquaient, est devenu la ville résidentielle et florissante d’aujourd’hui, dont les constructions les plus denses se massent le long de la frontière avec son illustre voisine.
LE VISIBLE ET L’INVISIBLE
Dans ce tissu de voies et de cheminements enchevêtrés persiste un espace secret complètement enclavé et pratiquement invisible de ses abords directs. Un haut mur de soutènement l’isole au sud de l’avenue du Maréchal-Foch, tandis qu’un puissant dénivelé le sépare de celle du Carnier, les deux axes parallèles qui filent en corniche perpendiculairement à la pente. Presque dérobée, l’entrée principale de ce domaine s’effectue par une montée sinueuse serpentant entre ces deux voies pour rejoindre ensuite le Riviera Palace, transformé en appartements depuis la fin des années 1950. Dans des jardins en cascade domine la silhouette puissante de l’ancienne villa. Un espace retiré dans lequel le visiteur est stupéfait de découvrir des vues sans partage, d’un côté sur la Méditerranée et, de l’autre, sur les chaînes des Alpes.
C’est là que le maire, Gérard Spinelli, a décidé d’implanter un équipement atypique : un lieu intergénérationnel d’échanges combinant garderie, centre social, restaurant, médiathèque, résidences d’artistes et jardins. Une petite utopie concrète lovée au cœur de la pente urbanisée, dans laquelle, sans discrimination, enfants, étudiants, actifs, personnes en difficulté et personnes âgées pourront en tout temps venir se réfugier.
Voir et ne pas être vu ou être vu et voir ? Telle est la question. Le choix de la disparition et l’invisibilité séparent Marc Barani, le lauréat, des autres candidats qui ont cherché chacun à leur manière à intégrer cet espace bucolique à la ville : en y adjoignant des constructions neutres et servantes, en l’insérant dans un vaste mouvement unifiant, en y intégrant un passage public mécanisé fonctionnant 24 heures sur 24 ou en dédoublant l’élégante villa existante très clairement visible depuis la colline de Monte-Carlo.
INTÉRIORISER
Architectes : Atelier Barani (Marc Barani, Thomas Bosi, Francesco Corona)
LAURÉATS
Paysagiste : Nicolas Gilsoul – BET : Ingérop – Économiste : ECB – Acousticien : Jean-Paul Lamoureux
Le projet de Marc Barani se distingue de ceux des autres concurrents en ce qu’il cherche à désenclaver le domaine en conservant son intimité. Il parvient à inséminer dans ce site miraculeusement préservé l’ambitieux programme demandé sans rendre immédiatement perceptibles les changements radicaux qu’il implique. Ainsi les trois accès actuels sont-ils systématiquement repensés pour mieux connecter le nouvel équipement à la ville. Au sud, sur l’avenue du Maréchal-Foch, l’étroit escalier de pierre grimpant le long du mur de soutènement est remplacé par une paroi vitrée qui se place en retrait et qui dessine un parvis facilitant l’accès direct à la médiathèque. Au-dessus du passage, des jardins descendent en théâtre pour rendre plus fluide l’accès des enfants à la garderie. Tandis qu’au nord le plateau de stationnement et sa pergola viennent s’ajuster sur l’altimétrie de l’avenue du Carnier.
L’homme du Sud a surtout cherché à dégager et à conserver l’organisation en terrasses de la parcelle, reliquat de l’infrastructure agricole qui modelait le territoire de sa région. Il semble simplement avoir posé une verrière oblique au-dessus de cet étagement, une stratégie dérivée des serres agricoles qui brillent dans le paysage, déjà employée plus loin par Renzo Piano pour son agence de Gênes.
Le programme se divise presque naturellement : les espaces administratifs occupent la villa en réveillant sa monumentalité latente et la garderie prend possession de son soubassement. Tandis que les résidences d’artistes s’insèrent dans l’annexe conservée telle quelle et que la médiathèque vient se creuser sous le haut toit de verre. C’est sous cette structure arachnéenne, qui renvoie à celle du Riviera Palace, qu’enfin le projet se met en scène. Le vaste hall est coupé par des emmarchements sur lesquels le public peut librement prendre la pose des philosophes de l’École d’Athènes, tandis que de longs balcons en porte-à -faux flottent dans l’espace, rappelant les blocs et les dalles en lévitation des perspectives de Paul Rudolph.
Un projet simple et efficace qui amplifie le potentiel du déjà -là et qui joue de manière virtuose sur toutes les strates mémorielles qui composent cette ville schizophrène : son passé agricole comme le luxe de ses hôtels Belle Époque.
SOULAGER
Architectes : OAB, Office of Architecture in Barcelona (Carlos Ferrater et Alberto PeñÃn) et Février Carré Architectes
BET : EDEIS – Acousticien : Acoustique & Conseil
Contrairement au projet lauréat qui parvient à disparaître et à faire le vide autour de la villa existante, l’équipe barcelonaise s’est attachée à dresser d’autres constructions autour d’elle comme autant de lieutenants autour d’un capitaine. Deux immeubles filiformes et transparents l’entourent ainsi. Ils l’arriment à l’avenue du Carnier et desservent ses différents niveaux par l’arrière au moyen de coursives. Un dispositif qui permet aussi de programmer des plateaux plutôt que des volumes. La fine structure métallique de ces constructions nouvelles met parfaitement en relief la masse charnelle de l’édifice historique. Au nord, le jardin monacal, maintenant ceinturé de toutes parts, voit son statut renforcé, tandis qu’à l’ouest une vaste terrasse se déploie vers l’horizon dans le prolongement de la grande salle du restaurant.
Quant au socle, il se creuse pour accueillir la médiathèque et venir en sous-œuvre à son tour desservir l’ancienne demeure. Il se poursuit sur deux niveaux en retrait, formant un étrange mastaba qui dialogue avec le soubassement en bossage de la villa. L’avenue du Maréchal-Foch conserve son caractère de canyon : le haut mur écran de l’ancien soutènement est reconstruit et simplement découpé par le rectangle de l’entrée principale donnant sur un patio circulaire à travers lequel la haute demeure apparaît dans une contre-plongée hitchcockienne.
METTRE EN MOUVEMENT
Architectes : Dominique Coulon & Associés
Paysagiste : Bruno Kubler – BET : Batiserf, Solares Bauen, Gilbert Jost – Économiste : E3 – Acousticien : Euro Sound Project
Dominique Coulon rassemble l’existant en éclats dans une ample composition hélicoïdale. Un long ruban dynamique en béton se substitue au mur d’enceinte de l’enclave. Il entoure la nouvelle annexe réservée aux artistes en résidence et descend pour se soulever sur l’avenue du Maréchal-Foch en découvrant largement l’entrée vitrée sur la voie. Puis il remonte en spirale pour rejoindre le parc de stationnement situé au niveau de l’avenue en corniche qui surplombe la parcelle, avant de s’encastrer dans l’ancienne bâtisse et de s’y arrimer. Ocre, granuleux et tellurique, il se découpe parfois de percements aléatoires pouvant rappeler les fameuses fenêtres du Sesc Pompeia de Lina Bo Bardi à São Paulo. Mais il sait cependant rester poreux : pas moins de sept accès le traversent en différents points pour mieux relier indépendamment les activités de l’équipement à la ville.
À l’intérieur, le vide de l’atrium central met en communication les différentes strates programmatiques qu’il traverse : l’accueil, le restaurant, le plateau ergonomique dessiné autour des multiples relations que peut entretenir le corps avec le livre. Enfin, l’espace des enfants suivi par les terrasses végétalisées en accès libre qui offrent des vues sur Monaco et sur la mer. Ce grand hall, véritable cœur actif irriguant les autres organes, s’ouvre en amphithéâtre sur la ville tandis qu’une volée d’escalier le traverse en diagonale à mi-hauteur pour amplifier encore le mouvement en spirale qui anime la composition.
MÉCANISER
Architectes : Combas
Paysagistes : Martel & Michel – BET : Serendia et EODD – Acousticien : Sigma Acoustique
Le projet de la jeune agence Combas revient sur les circulations mécaniques publiques – ascenseurs et escalators – ainsi que sur les terrassements et les infrastructures qui permettent de rendre habitables les reliefs abrupts des villes de la Riviera française et italienne.
La parcelle est ainsi équipée en son centre par des escaliers mécaniques qui relient les deux voies en corniche, un dispositif complété par un ascenseur public traversant de part en part l’opération. À l’est, la villa reçoit un nouveau socle et voit son annexe remplacée par une tourelle d’habitation destinée aux artistes en résidence. Une première intervention qui requalifie le jardin arrière. À l’ouest, aux terrasses plantées se substituent des strates programmatiques décalées, contenant du bas vers le haut : le parc de stationnement, la médiathèque d’un seul tenant, une salle polyvalente ouverte sur un vaste parvis qui dessert l’ancienne demeure réservée à l’administration, tandis qu’au-dessus le restaurant poursuit l’ascension de la pente. Patios et cours anglaises arborés complètent le dispositif en apportant une lumière tamisée dans les plateaux génériques et sous-dessinés, alors que des façades porteuses – entre années 1970 et minimalisme – savent s’effacer pour permettre à l’ancienne demeure de rayonner.
DÉDOUBLER
Architectes : Wilmotte & Associés
BET : Betek – Économiste : Korell – Paysagistes : Neveux Rouyer
Premier acte : couper la parcelle en deux en creusant sur sa ligne médiane un vaste escalier monumental de part et d’autre d’un escalator qui franchit les 18 mètres de dénivelé entre les deux voies en corniche. Un geste fort qui permet d’élever en miroir, face à l’ancienne demeure et sur l’emplacement de l’ancien jardin en restanques, une construction nouvelle qui portera en elle la mémoire du lieu tout en cherchant à exprimer une certaine idée de la contemporanéité. Deuxième acte : créer un vaste parvis surélevé commun aux deux constructions qui flottera au cœur de l’opération. Un plateau en léger porte-à -faux ménageant en rez-de-chaussée un seuil suffisamment large pour faciliter l’accès direct à la médiathèque.
Mais ces promesses ne sont pas vraiment tenues. L’escalier ne sera pas celui d’Odessa. Les multiples passerelles aux lourds garde-corps de verre qui le franchissent en trahissent la force. Et le concept wrightien du nouvel édifice – des strates en béton lévitant autour d’une verticale de bois – reste encore à dessiner.
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