Extrait du film "Espaces Intercalaires" de Damien Faure |
Il est suffisamment rare de découvrir une œuvre cinématographique qui échappe au style convenu du film d’architecture pour en parler. Surtout lorsqu’il aborde la question de la vie dans une des villes les plus denses, les plus complexes à déchiffrer et les plus impénétrables, Tokyo. |
Le film de Damien Faure mélange les registres du documentaire
(entretiens, visites) et du film de fiction, non pas pour s’éloigner du
réel mais pour au contraire mieux le saisir. Il s’ouvre sur une
observation d’un ornithologue japonais dans un parc de Tokyo : « Le
corbeau, le maître de Tokyo, connaît mieux la ville que l’homme. » Et sur
un constat : à Tokyo, l’oiseau fait son nid en utilisant à la fois des matériaux
naturels et des objets trouvés. Ce détour par l’ornithologie nous rappelle
l’intelligence du monde animal pour s’adapter à son milieu. Il introduit aussi
le thème du film : les nids que l’homme construit dans l’univers urbain.
Le
documentaire s’inscrit dans la lignée du célèbre ouvrage de l’atelier
Bow-Wow, PET Architecture Guide Book, publié en 2001, qui fut le premier à
documenter ces « discrètes petites architectures », comme les nomme
Yoshiharu Tsukamoto (associé de Bow-Wow), en les comparant aux animaux de
compagnie que l’on peut transporter partout. Érigées sur des parcelles
résiduelles, ces architectures font souvent preuve de beaucoup
d’ingéniosité pour tirer parti des contraintes dimensionnelles et urbaines
qui leur sont imposées. Elles se glissent entre les bâtiments, s’accolent
à une infrastructure, s’implantent sur un espace résiduel en cœur d’îlot.
Mais
le film ne se limite pas à l’inventaire typologique développé dans le
livre. Il le complète intelligemment en utilisant le point de vue cinématographique
pour plonger dans l’intériorité de ces bâtiments singuliers, pour explorer
leur ingéniosité spatiale, pour entraîner le spectateur dans le dédale
de leurs niveaux, de leurs recoins et de leurs rituels. Il s’intéresse
aussi à l’histoire de leurs habitants et à leurs modes de vie. « Les
petits espaces sont naturellement infinis pour les Japonais, alors qu’ils sont
étroits pour les Occidentaux », nous confie un architecte. Un autre nous
explique que l’espace de travail dans son agence est tellement étroit que
l’apparition des ordinateurs à écran plat a représenté un gain
d’espace conséquent !
Damien Faure ne s’intéresse pas seulement à l’architecture savante. À l’instar du travail de Bow-Wow, il se tourne également vers l’architecture vernaculaire commerciale : fleuriste, réparateur de vélos, bar. Le restaurant Kadokko (4,8 m x 0,9 m x 6,2 m) est un lieu de rencontre privilégié des âmes solitaires en raison de sa taille lilliputienne. « Ici, on est obligé de se parler », constate un client, en raison de l’exiguïté de l’espace intérieur. Le patron, qui chante et nous raconte sa vie, observe que « l’avantage de ce petit espace est de découvrir ce qui est invisible ». Ces incursions dans l’intimité de ces lieux habités permettent de rencontrer des personnages singuliers, comme cet entomologiste qui habite et travaille dans une petite pièce. Il stocke ses insectes dans son réfrigérateur devenu inutile avec la supérette du coin de la rue ouverte 24 heures sur 24. Tout comme la salle de bains, puisque le bain public est si pratique ! Le décryptage de ces microcosmes alterne avec des vues « à vol d’oiseau », la caméra-oiseau glissant silencieusement au-dessus du macrocosme urbain comme pour tenter d’en déchiffrer l’ADN. En convoquant, à l’instar du corbeau, ces deux échelles opposées mais complémentaires, Damien Faure parvient à capturer les singularités culturelles et spatiales de l’espace urbain tokyoïte et à dresser un portrait à la fois poétique et sensible de la ville.
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