Une fois de plus, la situation des architectes est pathétique : alors qu’une partie des Français sont dans la rue pour contester une loi qui vient d’être votée, les étudiants des écoles d’architecture sont aussi dans la rue mais, contrairement aux aspirants à la retraite, c’est pour que des moyens leur soient donnés afin que les décrets concernant la réforme de leur enseignement soient applicables ! Et à part eux, à gauche comme à droite, tout le monde s’en fout. Cette colère est le fruit du mépris dont est victime la profession d’architecte depuis des décennies, un mépris qui ne parvient plus à se dissimuler derrière les discours lénifiants dont nous abreuvent tous les ministres de la Culture depuis trente ans. C’est pourtant avec des soupirs de volupté que les architectes – qui prennent plutôt leur retraite après 70 ans – accueillent ces paroles flatteuses pour leur ego, préparées par des conseillers ministériels qui pallient comme ils peuvent l’inculture et le désintérêt récurrent de leurs ministres. « Enfin, nous sommes entendus ! » se congratulent-ils tous sous les lambris de la rue de Valois avant de vite désenchanter, jusqu’au prochain hochet qu’on leur tend, comme ce prix Reseda (1) annoncé en février.
Comment justifier que des écoles d’art comme l’ENSBA ou l’ENSAD (qui dépendent elles aussi du ministère de la Culture) ou les écoles d’ingénieurs soient jusqu’à deux fois mieux dotées par étudiant que les ENSA ? Pourquoi ne donne-t-on pas à ces dernières les moyens d’appliquer la réforme de 2018 qui avait pourtant fait consensus et que les écoles ont vaillamment tenté de mettre en œuvre, s’adaptant en peu de temps aux ambitions qu’elle exigeait ? Tout ceci a été dit, écrit et répété dans ces pages et ailleurs (2), dans les assemblées générales des étudiants et enseignants en grève et maintenant dans la rue. L’abandon dont semble faire preuve l’administration par la fin de non-recevoir qu’elle renvoie aux manifestants ne cache-t-il pas en réalité son embarras face à son impossibilité de leur répondre ? L’architecture n’a jamais été une priorité à la Culture et le financement des écoles, même très légèrement augmenté comme cela a été le cas récemment, passera toujours en dernier. On avait espéré que le rapprochement avec les universités, acté par la réforme, excellente chose en soi, aurait tiré les ENSA vers le haut (c’est le « S » pour « supérieure »). Le moment est donc venu de se demander ce que font les écoles d’architecture à la Culture alors qu’un autre ministère porte dans son intitulé même la définition de ce que devrait être l’architecture en 2023 : la Transition écologique et la Cohésion des territoires ? Et sur les 15 milliards d’investissements consacrés à la transition énergétique et écologique promis par le président de la République (3), n’est-on pas en droit d’espérer qu’une infime mais nécessaire partie soit consacrée à la formation de ceux qui sont en première ligne pour la mettre en œuvre ?
1. Premier palmarès national en faveur du développement durable destiné aux étudiants des écoles nationales : « Transcription du discours de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, à l’occasion du lancement du Palmarès Reseda », sur culture.gouv.fr
2. Voir le dossier « Écoles d’architecture : un modèle en crise ? » Guillemette Morel Journel, d’a, n° 295, décembre 2021-février 2022.
3. en-marche.fr
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