Tâchons un instant d’oublier ce qui, depuis un demi-siècle, fait la médiocrité de la production ordinaire de logements : promoteurs et décideurs incultes ou cyniques, architectes incompétents ou complices des premiers, contraintes réglementaires inadaptées... Toutes choses régulièrement déplorées dans d’a comme chez nos confrères de la presse spécialisée. Ne soyons cependant pas aveugles sur notre arrogance et reconnaissons que par cette condamnation nous nous plaçons du côté des sachants, comme si nous savions forcément – en honnête architecte – ce qu’est un bon logement : il doit être plus grand, plus haut, plus ouvert, plus lumineux, plus frugal. Certes, et de même vaut-il mieux être en bonne santé qu’en mauvaise.
L’image que les architectes se font d’un bon logement n’est-elle pas plutôt souvent celle qui correspond à leur profil socioculturel? Voyons : vous êtes sur Arte, vous regardez une série policière scandinave; un couple cool (mais qui se dispute) avec deux enfants (un petit garçon et une fille ado) habite dans un espace très contemporain dont ils sont propriétaires; il y a des grandes baies vitrées, une grande cuisine blanche à îlot central, de larges canapés, un design épuré... Ce stéréotype n’est-il pas simplement une version plus chic de celui, terriblement standardisé et conventionnel, des promoteurs et de leur « suite parentale »? Correspondra-t-il encore aux besoins de la prochaine génération? L’instabilité qui règle désormais nos vies, qu’elle soit géographique, professionnelle ou affective, ne rend-elle pas dérisoire le lourd investissement d’une maison pour la vie ? Que dire de nos laptops qui ont permis de transformer n’importe quelle pièce en bureau, salle de réunion ou salon télé ? Et à quoi bon une belle vue ou une grande chambre lorsque notre premier univers visuel est notre écran ?
On raille le coliving de quelques hipsters mais ce type de partage était, avant la naissance de l’appartement bourgeois, l’un des modes d’habitat le plus répandu. Il ne faudrait cependant pas que toutes ces mutations et ces pratiques émergentes ne nous enferment dans de nouvelles normes, comme l’écrit Julia Tournaire en introduction de notre dossier de ce mois consacré au logement. On aimerait plutôt qu’elles nous invitent à remettre en cause nos certitudes et à refaire de la question des bons logements une question.
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