Ce n’est pas un hasard si les vins ont presque toujours été identifiés, par leur nom, en référence à une architecture, même lorsque le château n’était qu’une modeste demeure. Incarnant l’image des prestigieuses traditions séculaires, le château viticole bordelais pourrait cependant vite devenir un objet touristique désuet. Aujourd’hui, la révolution mondiale du vin a fait du chai un enjeu majeur du développement des vignobles. Il est à la fois un lieu culturel, de production, de vente et de tourisme. C’est pourquoi sa conception engage tous les savoir-faire de l’architecte.
À l’heure où les batailles médiatiques autour de l’œnologie font rage entre ceux qui, dans l’élaboration du vin, accordent une importance croissante au travail de laboratoire et ceux qui pensent que le terroir doit garder sa place privilégiée, l’architecture ne peut pas être neutre. C’est elle qui saura mettre en valeur le processus de fabrication et l’attention portée au stockage lors du vieillissement, mais c’est elle aussi qui établira le type de relation que la vigne entretient avec le lieu de sa métamorphose. L’art de transformer la nature tout en la célébrant trouve avec le paysage viticole et le vin l’un de ses modes les plus raffinés. C’est pourquoi la conception d’un chai porte plus qu’aucun autre projet la question du rapport à la fois physique et symbolique de l’architecture à son environnement.
Les analogies synesthésiques entre l’architecture et le vin nous ont poussés à ne pas évoquer l’une sans l’autre, alors pour chaque chai présenté, nous avons demandé au critique gastronomique Thomas Bravo-Maza d’ajouter à notre analyse des bâtiments, celle de leur vignoble et de leur vin. Emmanuel Caille
