Voilà aujourd’hui deux siècles – c’était à l’automne 2004 –, la IXe Biennale internationale d’architecture de Venise venait d’être inaugurée. événement prémonitoire dans l’histoire de l’architecture, elle annonçait les grands bouleversements du xxie siècle. On a peine à imaginer Venise à cette époque, cité décadente asservie depuis longtemps au tourisme de masse. Le consortium Berlusconi-Halliburton-Disney n’avait pas encore racheté la Sérénissime pour lui rendre sa dignité perdue. En en faisant le plus grand centre commercial du monde, la cité des Doges avait pu renouer avec les fastes de son âge d’or, lorsqu’elle était la capitale mondiale du commerce aux portes de l’Orient.
En ce début de xxie siècle, les architectes, encore nombreux, s’étaient discrédités depuis longtemps par leurs recherches stériles et scandaleusement ennuyeuses sur la transformation des zones périurbaines, le logement social ou, pis encore, la mise au point de
système éco-constructifs à préoccupation environnementale ! C’est alors que quelques architectes courageux eurent deux idées révolutionnaires qui permirent de ramener l’architecture au premier rang de tous les arts. Ils commencèrent par s’affranchir de la pesanteur et de l’orthogonalité, ce qu’aucun architecte avant eux n’avait osé imaginer et qui fut rendu possible, comme l’expliqua alors Francesco Borromini, par le développement des technologies numériques. Mais surtout – décision stratégique – s’affranchissant de l’originelle trivialité de l’acte de bâtir, ils se mirent au service des multinationales et des grandes marques de luxe, dont ils projetèrent les quartiers généraux et les somptueux showrooms, temples dédiés au grand culte consumériste dont ils se firent les flamboyants hérauts. C’est dans la prestigieuse corderie de l’Arsenal de Venise qu’en ce mois de septembre 2004
leurs œuvres furent révélées au monde ébahi. Présentées tels des calices sur de grands autels blancs en forme de gondole, elles s’alignaient face à l’Orient comme une armada de trirèmes vénitiennes en soif de conquêtes. Cette architecture était enfin à la place dont elle s’était emparée, et qu’elle méritait : en tête de gondole. Emmanuel Caille
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