Accueil  >  la revue d'a  >  N° 135 - Mars 2004

S’il est une aptitude à laquelle l’enseignement de l’architecture ne prépare pas, c’est celle qui permet l’accès à la commande de projet. La figure sacrée du créateur souffre mal de devoir « se vendre ». Les moins chanceux des débutants sont peut-être ceux qui ont du talent, ou croient en avoir : ils peuvent avoir la naïveté de penser que cette prédisposition les destine à faire converger les regards concupiscents des commanditaires, et qu’il leur suffit d’attendre. Il n’en est rien, évidemment. À voir la médiocrité de la majorité des constructions en Europe, il est manifeste que les meilleurs maîtres d’œuvre sont loin d’être ceux qui construisent le plus. En dehors de quelques rares concours comme Europan ou, en France, les Nouveaux Albums des jeunes architectes, aucune disposition structurelle ne permet aux architectes d’intégrer le cercle vertueux de la commande.
Quelles peuvent être dès lors les opportunités qui s’offrent à eux? L’art de la communication et de la gesticulation, le culot et le grenouillage systématique restent des moyens efficaces d’intégrer le système. Proposer une architecture radicale au concept provocateur habilement recyclé, aux formes ou couleurs accrochant le regard avide d’effets instantanés augmente assurément les chances de se faire inviter dans une biennale d’architecture en manque de «sensation jeune». La tentation est alors grande de conformer son art à la demande. Il existe heureusement d’autres chemins d’accès plus louables. Ce sont ces parcours d’équipes débutantes, à travers l’Europe, que nous avons essayé de reconstituer pour notre dossier du mois. Les exemples ne sont pas forcément représentatifs de chaque pays, mais ils montrent que les stratégies sont multiples. Ils révèlent aussi la place que chaque société accorde à ses architectes.

Emmanuel Caille