Portrait de Chen Jiagang |
Architecte de formation, promoteur ayant construit des millions de mètres carrés, Chen Jiagang a tout abandonné, choisissant finalement l'image comme support d'un discours militant prononcé dans un cadre onirique. |
Le parcours mené par Chen Jiagang jusqu'à la photographie est de ceux que l'on qualifie de tortueux. Il commence à l'école d'architecture, dont il sort diplômé dans les années quatre-vingt. Lorsque la Chine populaire invente sa formule si particulière de l'économie socialiste de marché, mélange inédit d'autoritarisme et de capitalisme, notre homme bascule de la maîtrise d'œuvre à la maîtrise d'ouvrage. L'admirateur de Louis I. Khan devient alors promoteur privé et construit plus de deux millions de mètres carrés de logements dans sa ville natale de Chongqing, en plein centre de la Chine. Une production hétéroclite : immeubles hauts ou tentant de réinterpréter la « maison cour », bâtiments dont il affirme aujourd'hui ne pas avoir à rougir. Sans image, difficile de se faire une idée de la qualité architecturale de ces constructions. L'architecte promoteur devenu photographe à la suite d'un revers de fortune – vraisemblablement issu d'un différend politique – n'est jamais revenu sur les lieux pour un « retour d'expérience ». Le succès ne le boudera pas longtemps : après sa faillite, il ouvre une galerie d'art à Pékin, ville où il réside désormais, et rassemble une collection d'artistes aujourd'hui très cotés. De sa vie de promoteur, Chen Jiagang a acquis une certaine notoriété et une certaine aisance qui lui permettent de se consacrer à temps plein à la photographie. Sa nouvelle vie de photographe commence dans le désert, alors qu'il ne voulait plus voir de bâtiments. Devenu professionnel, il utilise une chambre grand format 12x20 fabriquée spécialement pour lui. « La Chine est devenue le meilleur pays pour la technique photographique, affirme-t-il, car on y fait encore tout à la main et l'argentique y est encore présent. » Peut-être, mais la meilleure technique du monde doit encore chercher ses films positifs chez Kodak, États-Unis. Son premier travail abouti, Third Front, a pour objet la région où il a grandi. Ses parents s'y sont installés comme tant d'autres dans les années soixante, alors que Mao avait entrepris de déplacer toutes les usines du pays à l'abri du voisin soviétique, devenu son frère ennemi en communisme. Il s'ensuivra un gigantesque déplacement de population sur cette zone dite du « troisième front ». L'économie de marché fera un sort à ces industries délocalisées, qui rencontrent aujourd'hui de graves difficultés économiques. Personne ne connaît vraiment l'ampleur de cette zone industrielle qui compte de nombreuses usines souterraines et d'autres installations cachées. Elle est évoquée dans le film Shanghai Dreams de Wang Xiaoshuai, sorti en 2005. Un regard chinois Les spectaculaires bouleversements qu'a connus la République populaire de Chine n'ont pas manqué d'attirer de nombreux photographes occidentaux. Que pense Chen Jiagang de leur apport ? « Leur regard reste la plupart du temps superficiel, explique-t-il, car ils ne comprennent pas la culture chinoise, très marquée par l'emprise du pouvoir dans la vie des gens. » Il se montre tout aussi sévère à l'égard de ses compatriotes, qu'il juge plus peintres que photographes. Les photomontages de facture assez médiocre que l'on voit parfois exposés dans les meilleures galeries ne peuvent que lui donner raison. Ses images mélangent photographies de paysage et de mise en scène. Dans la série Third Front, le cadre est occupé par une usine, confrontée à un personnage – souvent féminin – portant généralement un costume traditionnel. Plus qu'une manière de « faire exotique » ou d'affirmer un made in China pouvant intéresser le marché de l'art, ce dispositif récurrent est davantage une mise en accusation par l'image. « La série pose la question du prix humain de ces travaux. Combien de personnes sont-elles mortes pour réaliser le rêve du Parti ? Au sacrifice humain s'ajoutent la pollution, les problèmes de santé et aujourd'hui le chômage… C'est un gâchis monstrueux », conclut Chen Jiagang. Il faut bien connaître la Chine pour saisir les allusions : la robe traditionnelle, ou quipao, était aussi l'un des vêtements bannis dans la République populaire. Sous leur apparence innocente, ces photographies sont une violente mise en cause de l'omniprésence du pouvoir. Mais leur puissance onirique et leur dimension cinématographique, renforcées par le format des tirages allant jusqu'à 240 x 400 cm, leur confèrent une portée universelle qui dépasse ce message politique. (ON)
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