Architecte : ACTM Rédigé par les architectes Publié le 22/02/2022 |
Ce qui frappe en arrivant c’est ce toit immense qui émerge derrière les arbres. Léger comme une feuille de papier, il semble flotter au-dessus du sol. Il n’y a pas de mur à son aplomb, comme une invitation à entrer sous son couvert. L’espace qu’il abrite est ouvert et lumineux. Le paysage le traverse, effaçant les seuils pour combiner autrement intérieur et extérieur. Est-on dedans ou dehors ? Dans l’intimité du foyer ou dans un espace public ? On se sent accueilli et bienvenu, au même titre que les oiseaux qui nichent dans la charpente.
Cette générosité se retrouve dans la hauteur des espaces et l’ampleur des volumes disponibles. Le corps n’est pas contraint. Il y a quelque chose de surprenant dans l’évidence de ce lieu où pourtant rien n’est habituel. La couverture est en partie transparente et la charpente lointaine forme quasiment un autre ciel. Il n’y a pas de porte. Le sol lisse glisse sous nos pieds pour nous emmener d’un bout à l’autre de l’édifice. Les parcours ne sont pas figés. On peut rentrer d’un côté et sortir de l’autre sans gêne.
La distribution des espaces familiaux et des espaces communs transforme nos habitudes. Quand on observe les enfants qui vivent ici, ils passent de l’un à l’autre sans distinction, profitant d’une succession de strates entre intime et collectif, pour agrémenter leurs jeux. De la même manière qu’il y a une succession de seuil entre dedans et dehors, il y a une épaisseur d’usage entre les espaces. Les fonctions s’entremêlent pour proposer une vie complexe où l’on habite et travaille de façon croisée. Cette diversité d’ambiance est surprenante à observer dans ce bâtiment où le parti pris constructif se déploie d’un bout à l’autre de façon systématique.
La construction a une dimension tectonique presque élémentaire. Elle est pensée comme une succession de gestes et d’ouvrages. Les éléments sont empilés les uns sur les autres. Il se dégage une ambiance chaleureuse de ces matériaux qui dialoguent entre eux, à la fois de façon brute et charnelle. L’ombre portée des fermettes vibre à la surface rugueuse des murs de briques. La stabilité des portiques en béton fait ressortir la fragilité de la charpente. La nature se réfléchit dans le cadre des fenêtres, posées comme des tableaux sur l’aplat mat des façades. L’enchâssement des volumes génère des paysages intérieurs inattendus où la nature s’invite de toute part. Les jeux de contraste entre ombre et lumière, espace haut et espace bas, créent une spatialité riche et complexe qui évolue au fil de la journée.
Les proportions de l’ouvrage et sa simplicité lui confèrent une dimension abstraite. Cette abstraction agit comme un ouvroir des possibles. Les fonctions ne sont pas figées. Il y a une force dans l’indétermination des usages, qui imprécis et flottant, stimulent l’inattendu. Ils semblent pouvoir être tout à la fois, lieux de travail, de détente, de jeux ou de spectacle. La confiance dans la vie à venir, qui prendra des formes dont nous ne savons rien, est peut-être la clé intuitive de ce projet. C’est un espace qui ne détermine pas des fonctions, des usages, des temporalités ni par conséquence des rôles sociaux ou familiaux, mais offre avant tout un milieu. Il ne cadre pas, il libère l’imaginaire.
Il ne fait pas de doute que la capacité d’émancipation qui émane de ce lieu est le reflet de la collaboration longue et soignée qu’il y eut entre tous les acteurs du projet pour l’inventer, le mettre au point et le construire. Chacun à sa manière a élargi son rôle pour anticiper, accompagner et prendre part à la réflexion collective. Habitants, usagers, architectes et artisans ont œuvré ensemble dès les prémisses du projet pour rendre possible sa réalisation. Quand on le visite, on est frappé par les multiples attentions qui constituent l’espace, et par le soin de mise en œuvre dont il fait preuve. On peut percevoir les traces de toutes les mains qui l’ont bâti, comme si chaque surface avait été caressée mainte fois. Et pour celles et ceux qui ont participé au chantier, chaque ouvrage évoque un visage.
La construction demeure un processus en cours, un horizon toujours inachevé où chacune, chacun se révèle tour à tour usager et plombier, programmateur et électricien et ainsi maître d’œuvre, véritablement, du long fleuve (in)tranquille de sa vie. Le lieu a été habité bien avant d’être construit. Chaque étape du chantier constituait déjà un monde en soi, annonciateur en creux de toutes les suites possibles. La participation des habitants à chacune de ces étapes, leur prise en charge de tous les sujets, du notarié à la réalisation, offre la possibilité rare de prendre soin du site, de l’entretenir, d’en affiner la définition et de le réparer chaque fois que cela sera nécessaire. C’est un lieu vivant, capable d’évoluer et de s’adapter pour accueillir sereinement la vie à venir.
Contrepoint 1
Un jour lors d’une discutions, nous avons dessiné au feutre, sur la photo d’un magazine, une perspective intérieure où l’on voyait une grande ouverture sur deux niveaux. Le haut de la fenêtre regardait le ciel tandis que le bas plus pincé limitait les vis-à -vis vers le jardin. Lorsque nous avons réalisé une modélisation de la lumière dans le bâtiment, nous nous sommes rendus compte que les ateliers manquaient de luminosité. Par ailleurs, ce système obligeait à réaliser des chainages décalés entre les niveaux. La fenêtre s’est simplifiée, elle est devenue rectangulaire. Le vitrage du haut s’est décalé au nu extérieur du mur tandis que la porte en partie basse rentrait dans le nu intérieur. Diviser la fenêtre en deux simplifiait le transport et la pose. Un volet à claustra a été ajouté pour protéger la pièce des effractions et pour filtrer les vues. Fermé, il donne un aspect magique à la fenêtre.
Maîtres d'ouvrages : SCI BERMUDA & ASSOCIÉS
Maîtres d'oeuvres : ACTM - SECOBA - ENA
Entreprises : SECA - CIFC - ABRI BOIS - PHILIBERT - ASTEOELEC
Surface SDP : 820m2
Coût : 850 000 euros
Date de livraison : 2021
Maître d’ouvrage : IMMOBILIERE 3F / EPA ORSAEquipe de maîtrise d’œuvre :ARCHITECTE : DE JEAN … [...] |
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