Appels à projets pour le réaménagement des bureaux de la poste et du tri postal de Cergy-Pontoise

Rédigé par Richard SCOFFIER
Publié le 31/03/2020

Plan du centre de Cergy : projet lauréat de reconversion de la poste de l'AUC avec Quadral promotion

Article paru dans d'A n°279

En totale mutation, La Poste voit le courrier qui était sa raison d’être descendre à 20 % de ses activités et se recentre notamment sur l’aide à la personne et la distribution des colis. Que fait-elle de ses locaux pléthoriques désormais inutiles et souvent placés en cÅ“ur de ville ? L’appel à projets lancé par Poste Immo face à la gare de Cergy-Pontoise, « ville nouvelle Â» des années 1970, nous permet d’analyser un exemple concret.

Que reste-t-il de Cergy-Pontoise ? Les villes nouvelles créées en 1965 par Paul Delouvrier, savamment mises à distance de la capitale pour leur permettre d’accéder à une certaine autonomie, sont désormais absorbées par l’urbanisation continue du Grand Paris. Le centre de cette agglomération qui s’étend autour d’une anse de l’Oise reste cependant toujours marqué par un modernisme radieux rappelant à la fois Brasília et la Défense : des dalles jetées comme des îles de béton au milieu des champs cultivés et reliées par des passerelles piétonnes. Au-dessous d’elles se sont glissés les zones de services et les parkings innervés par le réseau routier. Tandis qu’au-dessus s’élève une collection d’objets célibataires : la pyramide inversée de la préfecture conçue par Henry Bernard (1970), l’imposante tour EDF (1974) qui repose en porte-à-faux sur un pied – un tour de force réalisé par Renzo Moro â€“ et la tour des Jeunes Mariés (1972) aux formes rondes de Martine et Philippe Deslandes. Plus tard la ville s’étendra et réactivera les maisons en bande et les crescents des villes thermales anglaises pour former un Bath trash et prolétarien. 

Mais revenons dans le centre, à la sortie de la gare de ce satellite de la métropole. Où, comme dans un film de science-fiction, le nouvel arrivant est livré sans repères à la circulation automobile intense du niveau technique sans comprendre immédiatement comment atteindre la ville administrative qui flotte quelques mètres plus haut. C’est au-delà de la vaste esplanade conçue par l’agence Richez qui unifiera toutes ces voies filant parfois sur des altimétries différentes que se dressent les locaux abandonnés du tri et des bureaux de la poste. Ils forment une barrière infranchissable interdisant l’accès direct depuis la gare au centre commercial des Trois-Fontaines (Vasconi & Pencreac’h, 1973) et aux autres commerces qui fleurissent sur la dalle centrale.

Un appel à projets a donc été lancé par Poste Immo, propriétaire du foncier, et l’agglomération de Cergy-Pontoise invitant des équipes composées de promoteurs et d’architectes, comme dans les nouvelles procédures qui se généralisent après « Réinventer Paris Â» à réfléchir à peu de frais sur la programmation et sur la réponse architecturale à apporter. Les participants devaient essentiellement proposer des logements et des locaux annexes tout en conservant dans la mesure du possible ce patrimoine architectural très spécifique. Chaque équipe a donc été amenée à revenir sur ses propres outils conceptuels pour trouver une solution à ce dilemme. Ainsi l’AUC sauvegarde intégralement la barre de bureaux lancée sur ses hauts pilotis pour jouer ensuite sur la sédimentation et le collage théorisé par Colin Rowe. Les Norvégiens de Snøhetta, qui promeuvent une architecture tellurique et massive, détruisent sans remords ces constructions aériennes et hors sol, à mille lieues de leurs fondamentaux, pour mieux s’ancrer sur la terre ferme. Jean Mas et ses associés de 2/3/4 cherchent à proposer une architecte simple et « puissante Â» trouvant ses sources dans la « Forme forte Â» de Martin Steinmann. Quant aux agences d’Erik Giudice et de Valero Gadan, elles préservent une partie la barre existante et l’intègrent dans une nouvelle pièce urbaine.

Mais que faire du dénivelé de 7 mètres qui coupe la future place de la dalle du centre commercial ? Les équipes l’ont considéré comme un relief naturel, une situation que l’on retrouve souvent à Paris, que ce soit à proximité de Montmartre ou des Buttes-Chaumont. Leurs constructions s’échancrent pour laisser filer des parcours qui savent indiquer clairement aux piétons la direction à suivre sans avoir recours à une quelconque signalisation.

 

 

COLLAGE

Maîtrise d’ouvrage : Quadral Promotion (lauréats)

Maîtrise d’œuvre : l’AUC architectes urbanistes

Sans doute l’équipe conceptuellement la mieux armée pour répondre à cette demande très spécifique. La barre suspendue des années 1970 est conservée dans son intégralité. Les allèges opaques de ses fenêtres sont supprimées pour que les vues de l’intérieur correspondent à la promesse de la façade : une carte perforée d’ordinateur vintage dont les vides rectangulaires alternent en quinconce avec les pleins. La structure en béton du centre de tri est mise à nu et complétée par une travée supplémentaire plus haute qui s’étend sur l’emprise de l’ancienne passerelle lancée au-dessus des voies. Cette nouvelle structure est agrémentée de balcons qui rappellent les plateformes techniques en porte-à-faux des Magasins généraux de Pantin (1930). Au nord-ouest, deux immeubles de logements ont été ajoutés. Ils densifient l’opération tout en montant en gradins pour éviter de projeter leurs ombres portées sur leurs voisins. L’ensemble s’organise autour d’un square qui pourrait évoquer ceux d’Alphand tandis que l’escalier en diagonale invite le public sortant de la gare à se diriger directement vers le centre commercial.

La barre hors sol accueille désormais de petits appartements peu cloisonnés dont les cuisines ouvertes et la hauteur sous plafond inhabituelle (2,90 m) donneront aux habitants l’impression d’occuper par effraction des espaces de bureau. Des jardins partagés compensent en toiture l’absence de balcons – leurs plantations voudraient donner à cette construction des airs de temples antiques envahis de végétation et de lavandières peints par Hubert Robert au XVIIIe siècle.

Cafés, restaurants, bureaux espaces et de coworking s’immiscent dans la structure du centre de tri et de son extension. Une programmation qui vise à réactiver, à l’échelle de l’opération, les fondamentaux de la ville nouvelle qui revendiquait son autonomie par rapport aux cités-dortoirs de la proche banlieue parisienne.

 

PLEINE TERRE

Maîtrise d’ouvrage : Groupe Pichet

Maîtrise d’œuvre : Snøhetta / Parc Architectes / Taktyk Landscape + Urbanism

Les Norvégiens de Snøhetta et leurs associés français ont d’abord cherché à retrouver le vrai sol de la ville puis à modifier son skyline en faisant table rase des constructions existantes. Quatre blocs de logements s’élèvent ainsi en prenant directement appui sur un espace public qui prolonge le parvis de la gare et pénètre dans le cÅ“ur de l’îlot. Ils esquissent une architecture oblique qui, avec ses profondes loggias, rappelle les constructions pyramidales de Jean Balladur pour La Grande-Motte et dialoguent sur un pied d’égalité avec les silhouettes atypiques des constructions iconiques du quartier : la tour des Jeunes Mariés qui s’élance derrière eux et, au loin, la préfecture. Ces blocs sont occupés à chaque niveau par quatre logements qui s’insèrent dans les angles de manière à pouvoir bénéficier de deux orientations et qui s’équipent de jardins suspendus. L’ensemble s’organise autour d’un canyon dont le fond en pente douce, planté de hauts arbres enracinés en pleine terre, supporte un cheminement en zigzag qui permet de rejoindre la partie supérieure de la dalle. Un parcours vert ponctué de commerces et d’équipements annexes qui prennent naturellement place dans les pieds d’immeubles.

 

FORME FORTE

Maîtrise d’ouvrage : Kaufman & Broad

Maîtrise d’œuvre : Ateliers 2/3/4

L’immeuble existant considéré comme un « verrou urbain Â» est impitoyablement sacrifié pour permettre la « réconciliation Â» du sol naturel et de la dalle. Le nouveau dispositif architectural peut ainsi opérer sans résistance une rotation de 90° par rapport à l’ancien pour s’aligner en limite de la ville haute et définir clairement la nouvelle esplanade de la gare en affirmant son parallélisme avec la barre de la CAF qui, en face, attend sans impatience sa reconversion.

Le projet a au moins pour lui la simplicité. Deux typologies – un plot collé à un immeuble désaffecté en instance de réhabilitation et un U ouvert sur l’intérieur de l’îlot â€“ s’affirment de part et d’autre d’un grand escalier droit. Ce dernier est placé dans l’axe du square du Diapason et permet une mise en scène de la tour des Jeunes Mariés qui s’élance à l’arrière-plan. Tandis que la cour de l’immeuble en U cherche à lui accorder une valeur d’intimité rappelant celle des traboules lyonnaises.

Les logements souvent mono-orientés se caractérisent par de profonds balcons. Tandis que, sur la future place, une colonnade formant socle accueille, sur trois niveaux, restaurants, commerces et espaces de coworking.

 

PIÈCE URBAINE

Maîtrise d’ouvrage : Léon Grosse Immobilier / Redman

Maîtrise d’œuvre : Erik Giudice Architecture / Valero Gadan & associés

Une proposition dense et verticale qui parvient à conserver une grande partie de l’immeuble de la poste (89 %) en l’intégrant dans une nouvelle forme urbaine. À la barre de bureaux existante, reconvertie en logements, viennent ainsi s’adjoindre deux extensions perpendiculaires qui esquissent un plan en S. La première, posée au nord-est sur la dalle, forme un arrière-plan pour l’escalier qui traverse l’îlot en biais afin de rejoindre le mail des Cerclades. La seconde s’aligne sur la future place, un dispositif renforcé par le plot contenant un hôtel qui vient en appoint de l’autre côté de l’escalier. Quant au socle, il est réhabilité pour accueillir des activités permettant d’arrimer efficacement la dalle au sol réel.

La partition musicale formée par les hautes fenêtres en quinconce de l’immeuble vintage sert de base au dessin des nouvelles façades. Ainsi celle de l’immeuble de logement en reprend le rythme syncopé avant que ne s’y superposent les creusements aléatoires des loggias et la scansion lente des colonnes de balcons. Celle de l’hôtel repart plus simplement des fenêtres qu’elle étire pour définir une composition plus basique qui sait monter en attique pour partiellement dévoiler le jardin luxuriant qui pousse en toiture.

Les articles récents dans Concours

Revitaliser Concours pour la nouvelle salle polyvalente du Cendre (Puy-de-Dôme) Publié le 15/11/2024

Penchons-nous sur ce petit concours exemplaire visant à reconstruire une salle polyvalente. Un nouv… [...]

Espaces communs Concours pour l’astrolabe, la scène des musiques actuelles d’Orléans, Fleury-les-Aubrais Publié le 15/10/2024

Ouf, cette fois pas de bunker, ni de lanternes magiques, la plupart des équipes abonnées à ce ty… [...]

Insérer une enclave sécurisée dans une ville en devenir. Concours pour la construction d’un pôle de conservation pour la Bibliothèque nationale de France à Amiens Publié le 27/08/2024

Comment inscrire une partie de la collection de la Bibliothèque nationale, un espace sécurisé en … [...]

Le texte et la trame - Cité des imaginaires, grand musée Jules-Verne : dialogue compétitif organisé par la métropole de Nantes Publié le 03/07/2024

Un dialogue compétitif qui attire l’attention par la cohérence entre son site, son programme et… [...]

Exercices de virtuosité - Concours organisé par Paris Habitat pour la construction de 12 à 14 logements sociaux, rue Beaunier, Paris 14e Publié le 29/04/2024

Paris Habitat a invité quatre jeunes équipes d’architectes pour insérer une douzaine de logem… [...]

Quatre écrins pour une relique - Concours pour la rénovation et l’extension du musée de la Tapisserie de Bayeux Publié le 01/04/2024

Comment présenter dans les meilleures conditions possibles une bande de lin brodée datant du XIe&… [...]

.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…