Portrait | Adel Tincelin |
L’objectivité peut être une ruse, et l’archive un registre esthétique servant la mise en forme des fragments de biographie et d’engagements politiques. Les images d’apparence répétitives et distanciées d’Adel Tincelin sont plus subversives et dérangeantes qu’elles ne paraissent. |
« J’ai une formation littéraire. Pour être honnête, j’ai choisi la photographie pour dépasser certains de mes blocages liés à l’écriture », explique Adel Tincelin, qui vient de publier Archives 02, livre clôturant une série commencée avec Archives 01, paru en 2010. Deux opus de petit format à l’allure radicale : chaque volume forme un album rassemblant 350 images de grands ensembles d’Île-de-France. Quelques pages cosignées par la journaliste Nathalie Perrier résument sommairement le projet. Reste une part d’énigme toujours présente chez Tincelin, non pour entretenir un mystère et intriguer le spectateur, mais plutôt comme une manière de disparaître derrière le voile de projets photographiques versant du côté de l’art contemporain. Une réelle attention est nécessaire aux curieux qui voudraient déchiffrer ces dispositifs, comme celui mis en place dans une première série appelée « Journal 1 ». Deux images d’un même intérieur pris sous des angles légèrement différents se font face. Dans chacune d’elle, une télévision retransmet la vie d’un couple. Les intérieurs changent, la diffusion se poursuit. Les vues ne proviennent pas d’un soap-opéra, mais d’une vidéo tournée par Tincelin, rejouée dans différents logements de ses connaissances. Des interrogations sur la vie de couple, une vue stéréoscopique sur l’espace du quotidien et de la banalité, qui semble une des clés de ce travail photographique diffusé sous forme de fascicules autoédités et distribués gratuitement dans les galeries d’art. « J’attache beaucoup d’importance à la circulation des images, que ce soit sous la forme de cahier ou de livre, etc. », explique Adel Tincelin. Trois numéros de « Journal » seront publiés avant que la multiplication des publicités dans les galeries n’ait incité à stopper cette diffusion. Mystère encore : l’auteur passe vite sur ces publications, difficile de savoir ce que contenaient ces journaux à moins d’en posséder des exemplaires soi-même.
L’archipel des cités
Le contenu des deux volumes formant Archives est en revanche mieux identifié. Le corpus est constitué
de photos de l’ensemble des quartiers d’habitation bénéficiant
des subventions de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation
urbaine). Une zone sensible, dans tous les sens du terme, explorée
selon un protocole simple, toujours à pied et à ras du sol. « J’ai
tendance à faire un parallèle entre la circulation des images via
les brochures et les publications et la circulation à explorer les
quartiers faisant souvent la une de l’actualité, en me détachant
du pathos et des stigmates qui s’y rattachent. J’avais commencé
la série en Seine-Saint-Denis, mais pied dans ces espaces. Les deux
démarches se rejoignent », détaille Adel Tincelin, qui
revient aussi sur les choix de ce sujet : « J’ai voulu
élargir pour éviter de me focaliser sur une portion du territoire
trop souvent sous les feux de l’actualité. »
Avoir une vision complète impliqua d’étendre le sujet à 200 quartiers disséminés sur le territoire francilien. « J’aime les projets prenant ces dimensions absolutistes, un peu folles », dit Tincelin en guise d’excuse. Ces secteurs de banlieue sont censés vivre hors des règles de la République, parfois même réputés impénétrables. Ils sont abordés sans héroïsme : c’est plus en agent municipal qu’en reporter de guerre envoyé derrière les lignes de front que Tincelin les a traversés, de préférence avant 10 h 30, moment de reprise d’activité de « commerce » plus ou moins légal, sans quasiment adresser la parole à personne. Le cadrage laisse de côté les rares habitants pour éviter d’ouvrir la boîte de Pandore au discours sur l’immigration. L’exposition des traces d’usages, les espaces verts, les dégradations, les reconstructions ou les abandons interrogent l’état de la société, posant d’autres questions politiques. Ces lieux, ces immeubles murés me renvoient à ma vision de la ville », explique encore Tincelin, dévoilant dans Archives 01 un élément biographique déterminant dans le choix de son sujet : « Mon histoire personnelle croise une certaine histoire urbaine et sociale des années 1970. Les grands ensembles sont le décor de ma petite enfance, souvenir paisible au pied des petites barres. Jusqu’à 5 ans, j’habitais Sotteville-lès-Rouen, puis le Mont-Gaillard, au Havre. » Peu convaincu qu’un photographe puisse s’intéresser à la rénovation urbaine, un habitant lui aurait rétorqué : « On sait bien, vous et moi, que ce n’est pas vrai. » En voilà un qui avait bien vu…
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