Architecte : Sophie Delhay Architecte Rédigé par les architectes Publié le 20/05/2015 |
FABRIQUER LA VILLE
L’opération se situe dans le
quartier de Fives, ancien faubourg populaire et industriel de Lille.
Le retrait progressif de l’industrie a marqué le début d’un
déclin économique, urbain et social. Le projet — qui prend place
dans une ancienne friche urbaine — participe de fait au processus
de renouvellement.
Héritier de son passé industriel, le
paysage urbain de ce quartier est marqué par de longues rues
minérales constituées de rangées de maisons ouvrières dissimulant
leurs jardins en cœur d’ilot. La rue de Lannoy dans laquelle se
situe le projet en est un parfait témoignage. Des architectures de
grandes dimensions s’interposent ponctuellement, jouant un rôle de
repères dans la ville. Ces vastes volumes contrastent avec le tissu
serré et l’échelle miniature des maisons. Ce sont souvent des
usines, parfois des équipements et leurs espaces publics attenants,
à l’image de la monumentale salle de fête voisine et son parc, un
édifice monumental Art déco classé monument historique.
Était attendu, par la maîtrise
d'ouvrage, un bâtiment à jardin central, au gabarit intermédiaire
entre maisons ouvrières et salle des fêtes : une transition douce
entre les échelles voisines.
Nous avons proposé, au contraire,
d'apporter à la rue de Lannoy une nouvelle séquence végétale avec
deux immeubles enserrant un jardin ouvert sur la rue et l’espace
public jusque-là très minéral du quartier. Le projet préfère
également suivre les gabarits de ses voisins, sans chercher Ã
aplanir leurs différences : l’un des immeuble est bas et découpé,
dans la continuité du rang de maisons ouvrières, tandis que face Ã
la salle des fêtes, l’autre s’élève parmi les hauteurs du
quartier, à 21 mètres. Cette similitude d’échelles instaure un
dialogue entre les deux bâtiments, de part et d’autre de la voie.
Ouvert sur la ville, le jardin a été
dessiné par l’agence Taktyk paysage comme un bien commun à tous
les habitants de l’opération. C’est par ce jardin que les
habitants rentrent avant d’atteindre l’un des deux halls,
traversant un paysage aux topographies variées — en creux ou en
bosse — dessinées par les jardins de pluies. Pour faire de ce
jardin le point d’orgue de l’opération, tous les logements sont
traversants et desservis par des coursives.
Une coursive unique, conçue comme un grand balcon, court le long de l’immeuble bas, à l’ouest. À l’arrière, la combinaison de dessertes par terrasses et de duplex a permis d’enchâsser les circulations dans les gabarits crénelés par le PLU. L’immeuble haut, à l’est, est desservi de façon plus catégorique par des coursives alternant à chaque niveau : côté jardin aux étages impairs (R+1, R+3 et R+5), côté de la future rambla prévue par la ville pour les étages pairs (RDC, R+2, R+4 et R+6). Différents d’étage en étage, des espaces partagés traversant toute l’épaisseur de l’immeuble prolongent ces coursives. Ces « canons de vue » sur la ville sont offerts.
CHOIX PLASTIQUES
Le béton coulé en place des façades a été choisi pour ses qualités de massivité, l’abstraction et l’absence de modénature qu’il permet. La résidence se démarque et trouve son autonomie plastique face à la salle des fêtes voisine de style Art déco.
Ce choix répond aussi aux objectifs d’économie globale du projet, un budget tendu pour assumer la création d’espaces partagés, qui ne faisait pas partie du programme prévu : l’opération est réalisée à partir d’éléments simples et ordinaires posés de manière soignée.
Certains points précis ont fait l’objet d’une attention particulière : l’éclairage des espaces partagés, le dessin du garde-corps des fenêtres panoramiques (une seule portée de 4,2 mètres), l’ensemble en acier laqué perforé qui regroupe au droit de chaque porte palière sonnette, éclairage et numéro d’appartement sous la forme de drapeaux lumineux.
De part et d’autre du jardin commun, une peinture minérale blanche met cet espace en lumière et en valeur. Pour ces deux façades, les tableaux de fenêtres, les menuiseries plaxées, les drapeaux lumineux laqués et les serrureries (garde-corps barreaudés en aluminium laqué et structures acier des garde-corps vitrés) sont de couleur noire. A contrario, les autres façades, principalement tournées vers l’espace public, sont peintes en gris et leurs accessoires sont de couleur blanche.
Les espaces partagés sont réalisés dans les matériaux les plus économiques : dalles sur plots au sol, fybralite au plafond, béton ou panneaux Trespa pour les murs. L'ensemble des sols, murs et plafonds est peint du même jaune.
PANORAMAS ET PARCOURS
Chaque habitant a le privilège de pouvoir embrasser la ville du regard, selon de multiples points de vue, et de se représenter — donc de s’approprier — l’ensemble du territoire. Les limites du logement sont repoussées au-delà de l’immeuble et du quartier, à perte de vue.
Cette rencontre entre l’opération et sa ville se manifeste dans les parcours de la rue à chez soi qui s’effectuent toujours à l’air libre. Du public à l’intime, la relation des habitants au panorama urbain est ininterrompue.
HABITER ENSEMBLE
L’immeuble abrite à lui seul tout un panel de situations auxquelles un seul logement n’est pas confronté. Pour y répondre, la surface d’un logement à été réservée à chaque étage pour offrir à tous les habitants une solution pour chaque situation.
Au cœur du grand immeuble, six espaces de 35 m² sont aménagés en plein air, couverts comme de grands porches. Chacun ouvre une perspective différente : le jardin commun, la future rambla, la rue de Lannoy, le skyline lillois ou encore le grand territoire à perte de vue. Ils sont tous connectés aux coursives en double hauteur et traversants, donc illuminés du matin au soir. Conçus pour tisser les liens de voisinage, ils sont destinés à être appropriés par les habitants de la résidence pour accueillir des usages à décliner d’un espace à l’autre.
Selon les étages, des espaces de stockage de matériel, des sanitaires et des points d’eau ont été aménagés, et un carnet de propositions d’usage établi suivant les qualités de chaque espace. Ce dispositif est conforté par l’accueil de résidences artistiques dans deux des logements et la présence d’un animateur recruté par SIA Habitat. Communiquant d’étage en étage, ils forment un parcours traversant tout l’immeuble, du jardin central à la terrasse panoramique qui coiffe la résidence et surplombe toute la ville.
HABITER CHEZ SOI
Chaque logement comprend une grande pièce traversante d’environ 37 m² comprenant coin repas, cuisine-bar et séjour. L’obtention d’une surface d’un seul tenant est rendue possible par l’absence de hall d’entrée et la configuration bar de la cuisine.
Dès la porte franchie, on embrasse du regard toute l’épaisseur de l’immeuble jusqu’à la fenêtre panoramique, une vaste baie de 2,15 mètres par 4,2 mètres. Plongée dans le paysage urbain ou en immersion dans le jardin, elle se dissout dans la vue qu’elle cadre. Les garde-corps vitrés, d’une seule pièce, sont maintenus entre les tableaux du cadre de la fenêtre.
La cuisine-bar, au centre, découpe la pièce en trois espaces différemment configurés : aux habitants de leur attribuer des fonctions. Le logement est interprétable, à l'envi des habitants.
Texte rédigé par Sophie Delhay Architecte
Photographies de Julien Lanoo
Programme : 53 logements locatifs sociaux et espaces partagés8 T2, 28 T3, 11 T4, 6 T5
Site : 83 rue de Lannoy, Lille – 59
Maîtrise d’ouvrage : SIA Habitat
Équipe de maîtrise d’oeuvre : Conception : Sophie Delhay architecte (chef de projet : Marlène Galland) ; Paysage : Taktyk ; Fluides : Louis Choulet ; Environnement : RFR éléments
Entreprise tous corps d’états : Norpac, mandataire de l’équipe de conception-construction
Montant des travaux : 6 100 000 € HT compris parking souterrain et VRD
Surfaces : 5 085 m² SHON admin. / 3 980 m² SHAB
Performances environnementales : BBC
Calendrier : Concours : juillet 2010 ; Livraison : janvier 2014
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