Quoi de plus exaltant pour un architecte que de construire une médiathèque au bord d’un fleuve, à l’articulation d’une ville basse et d’une ville haute ? Ce type de programme étant l’un des plus prisés des maîtres d’œuvre, les références – de Boullée à Koolhaas en passant par Aalto et Kahn – ne manquent pas… Quant au site, il est proprement sidérant : stratégiquement placé entre la bastide construite par saint Louis sur les vertiges des anciens bourgs détruits lors des croisades contre les Albigeois et la place forte médiévale.

D’un côté, dans une anse de l’Aude, la « ville nouvelle » : une belle endormie qui s’étend en damier autour de sa place carrée toujours prisonnière de l’hexagone de son ancienne enceinte fortifiée détruite au XVIIIe siècle. De l’autre, la citadelle et ses tours, restaurées par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, qui se dressent sur un éperon rocheux pour dominer le paysage…

Un concours avait déjà été lancé puis abandonné au même endroit il y a une dizaine d’années. On se souviendra notamment du cube noir traversé par un boudin rouge dessiné par Odile Decq, du radiateur libellule de Loci Anima et de la villa Savoye portée par des colonnes champignons signée Rudy Ricciotti… Des outrances qui semblent bien loin maintenant.

Les propositions des équipes d’aujourd’hui ne s’affirment ni comme des objets, ni comme des manifestes. Étrangères à tout héroïsme, elles ne se fondent pas non plus sur des recherches spatiales déterminant des rapports inédits aux livres et à la lecture, mais répondent souvent point par point aux données du contexte : la barre des années 1970 qui jouxte l’opération, l’Aude et ses débordements intempestifs, le parking de 200 places à intégrer impérativement dans l’opération et enfin la silhouette iconique de la Cité fortifiée qui se découpe de l’autre côté du fleuve, véritable Mont-Saint-Michel de l’Occitanie.

Ainsi tous ces projets se soulèvent du sol pour échapper aux crues et gèrent leur énorme parc de stationnement, un organe vital pour la plupart des villes moyenne française. Comme s’il s’agissait d’une question existentielle, ils s’organisent pour la plupart comme des cadres permettant la mise en relation visuelle de la ville en jachère avec sa Cité fortifiée ouverte maintenant aux vagues de touristes venus du monde entier, après avoir longtemps résisté à toutes formes d’invasions…

Toutes ces propositions se définissent ainsi en creux en invoquant les spectres de l’histoire de l’architecture moderne (...)

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