Sam Ringer, la ligne de l’exil

Rédigé par Mehdi ZANNAD
Publié le 27/08/2024

Article paru dans d'A n°319

Catherine Ringer, moitié des Rita Mitsouko, a exposé en juin dernier à l’ENSA de la Villette des croquis de son père Sam, peintre, graveur et caricaturiste. Son travail, réalisé sur quatre décennies, révèle des affinités émotionnelles et culturelles avec deux contemporains, architectes exilés : Saul Steinberg et Lina Bo Bardi.

Les dessins urbains de Sam Ringer font partie d’une production quotidienne à la fois abstraite et figurative, d’imagination et d’observation, réalisée dans des conditions modestes de 1946 à 1984, deux ans avant sa disparition. Les vues parisiennes, normandes, du Sud de la France, de Cracovie, où il fait ses études aux Beaux-Arts jusqu’à la guerre, attestent d’un geste volontaire dont tout repentir est absent. Prolongement du regard, le trait vise juste et conserve la nervosité de la plume biffant le papier. Tracé sur le motif, il témoigne d’une urgence à enregistrer et à faire exister un regard singulier.
Les yeux de cet ancien déporté, arrêté en 1940, se posent avec bienveillance sur son environnement. « Il fit pendant cinq ans / Neuf camps différents […] / On m’a dit quand tout s’écroulait / Comme il dessinait, comme il résistait », chante sa fille Catherine dans « C’était un homme » de l’album Cool Frénésie des Rita Mitsouko. Elle rapporte la vision qui a donné espoir à l’un de ses camarades de misère alors que Sam dessinait le SS qui le gardait : « Il n’avait aucune haine, il était seulement pris par la beauté du dessin et même la beauté du mec et ça m’avait fait un bien fou ! » Libéré après la guerre, il reprend les Beaux-Arts, à Paris, où il rencontre une étudiante en architecture, Jeannine Ettlinger. « Pas vraiment passionnée, ma mère a travaillé comme dessinatrice dans des cabinets d’architecte. » Mais c’est bien elle qui permet à la famille de survivre.
 
Écriture analphabète
Sam Ringer aménage son atelier dans un coin du séjour du petit appartement parisien où il produit pléthore d’œuvres teintées d’une influence slave, aux textures inspirées par Paul Klee, animées par l’esprit de Jérôme Bosch, d’Albrecht Dürer et de Max Ernst. Deux paysages peints se distinguent : une vue nocturne de la vieille gare de Saint-Denis dans les années 1950, qui évoque un insecte écrasé, et le pont de Crimée, à dominante jaune citron. Les deux compositions mettent au premier plan un réverbère-candélabre baroque comme posé sur un autel.
Sur les dessins, on retrouve une insistance égale sur (...)

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