Prototype de plancher préfa bois/béton avec réseaux intégrés |
Fruit d’une collaboration réunissant architecte, bureaux d’études, universités et laboratoires de recherches, ce module de plancher préfabriqué est encore à l’état de prototype. Associant bois et béton, cette structure capable innerve pour la première fois à l’horizontal les réseaux d’eau, d’air et d’électricité. Ils libèrent ainsi les surfaces de plateaux de tout élément porteur ou de colonnes verticales. Il devient alors possible de cloisonner ou décloisonner à l’envi logements ou bureaux, au gré des usages, avec une totale flexibilité. L’architecte Marc Barani, qui fait partie de cette équipe en mode incubateur, nous a détaillé les étapes de cette démarche. |
L’idée du projet ne peut être dissociée de l’opération de logements Brazza à Bordeaux pour lequel Marc Barani conçoit les bâtiments de l’îlot E4. Lauréat d’un concours organisé par un bailleur social – la SNI Sud-Ouest –, lui-même soutenu par le LAB cdc (Laboratoire de recherche de la Caisse de Dépôts), l’architecte constitue avec les BET Khephren (ingénierie), Alto (fluides) et Lamoureux (acoustique) une équipe pluridisciplinaire. L’union faisant la force, ils peuvent même s’appuyer sur le savoir-faire d’entreprises et de l’École nationale supérieure des technologies et industries du bois, disposant alors de toutes les ressources nécessaires pour concevoir et tester un élément architectural prêt à repousser les limites des normes en vigueur. « On est sur une chaîne inhabituelle de projet, souligne Marc Barani. Et sans le Lab de la Caisse des Dépôts et la possibilité de travailler dans un périmètre élargi de conception, on n’aurait pas pu mettre au point les prototypes. » L’hypothèse de travail qu’ils constituent s’affine au fur et à mesure des recherches, aboutissant à cette idée d’un plancher « capable » bois/béton aux dimensions du projet Brazza : de 11 x 2,40 mètres, « mais ça pourrait être de 8, 10 ou 12 mètres, ce qui correspondait à une largeur plus standard pour du logement ».
Étiré, brisé Huit mois à peine séparent l’esquisse des tests des premiers modules en laboratoire. D’après des calculs précis et complexes, plusieurs prototypes sont fabriqués, car le bois, contrairement au béton et selon les modes d’assemblage, n’est pas un matériau homogène. On les contraint, on les étire jusqu’à la rupture pour reparamétrer ensuite les données et obtenir un bon respect de la flèche. Afin de tester les performances acoustiques, on les soumet à des vibrations, et on les teste au feu avec pour objectif que tous les voyants de contrôle réglementaires passent au vert. « C’est très low-tech par les matériaux utilisés, et très high-tech dans les modes de calcul, poursuit l’architecte. Pour moi, dans le bâtiment, c’est comme ça que ça doit se passer. Se servir des technologies de pointe pour aller au bout de dispositifs finalement simples, voire archaïques, m’intéresse beaucoup. » Ici, la fine lame de béton apporte l’inertie et résout les problèmes d’acoustique et de résistance au feu. Quant au bois de la poutre-treillis – en épicéa ou hêtre –, il offre tous les avantages liés à la préfabrication qui ne sont plus à démontrer dans ce domaine. « Quand on construit des planchers en bois, les épaisseurs des poutres sont toujours considérables et, d’une certaine manière, perdues, rappelle Marc Barani. Le plus souvent, on comble le vide avec de la ouate de cellulose. La solution que nous proposons est un peu plus épaisse – de 70/75 cm – mais permet pour la première fois d’innerver les réseaux, et donc de libérer les surfaces de tout élément vertical. »
Mixité, flexibilité Il est nécessaire de rappeler que ce plancher grande portée a d’abord pour fonction de répondre à la demande croissante des professionnels de l’immobilier de mettre en oeuvre des bâtiments réversibles, capables d’évoluer dans le temps. Libérer les plateaux pour les rendre versatiles correspond à la mixité d’usage qui permet un développement plus durable des villes. La possibilité de cloisonner et recloisonner à l’envi (à l’aide de simples cloisons acoustiques de 180 à 300 mm), en logements ou bureaux, sans même à avoir à superposer les pièces humides, constitue une forte valeur ajoutée et une économie non négligeable pour les bailleurs ou propriétaires. L’architecte insiste sur l’objectif de ce nouveau dispositif, pour ne pas le réduire à un simple gadget technique : « C’est pertinent dans l’idée de bureaux réaménagés, ou par exemple pour de jeunes promoteurs qui proposent aux futurs habitants de dessiner leurs propres logements dans des circuits courts. »
Testé, normé Huit mois après son lancement, le dispositif est encore en phase de tests. Les réseaux font l’objet de recherches complémentaires, car certains points réglementaires – comme l’« interdiction de les raccorder à des zones non accessibles » – restent délicats dans leur interprétation. « On a des pistes de recherche sur des réseaux souples, attachés avec des lanières qui permettraient de ne pas avoir de raccords, ni de vibrations. On n’a pas développé le projet jusqu’au bout, nous ne sommes pas en phase exé, mais ça fait partie des sujets pour lesquels nous avons des pistes », détaille l’architecte. Confronté aux normes en vigueur et autres Eurocodes, le prototype permet, in fine, de repenser les réglementations, d’y apporter des amendements. « À partir du moment où on démontre que ça marche, on peut se libérer d’un certain nombre de contraintes. On fabrique, on teste, on ajuste, puis on passe la grille des réglementations et des avis techniques. » Pour le moment, ce prototype chiffré à environ 350 euros/m2 (soit un surcoût d’environ 10 %) n’a pas vocation à devenir un produit fini, mais demeure un processus ouvert – avec une pluralité de formats et de matériaux, selon les contextes des projets – toujours au service des usagers. |
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