Le grand écran d'affichage vu depuis le périphérique. © AJN |
La Philharmonie de Paris fait scandale. Retard dans la construction, dépassement budgétaire. Du Figaro à Vanity Fair, de France 2 à M6, starchitecte ou artiste incompris, son créateur, notre Jean Nouvel national, est au centre de toutes les polémiques. Il est surtout le bouc émissaire idéal. |
La Philharmonie serait inutile. Pourquoi construire une telle salle dans le 19e arrondissement ; les férus de musique symphonique ne sont-ils pas plutôt dans l'ouest parisien ? La rénovation de la Salle Pleyel ne suffit-elle pas ? Pourquoi tant d'argent quand les compositeurs de musique contemporaine ont tant de mal à faire jouer les plus modestes pièces ?
La Philharmonie serait mégalo.
Pourquoi si grande, et si compliquée? D'autres propositions du
concours étaient bien plus sages. Le bâtiment poserait des
questions telles que la maîtrise d'ouvrage, qui se félicite
pourtant publiquement du caractère innovant du projet des Ateliers
Jean Nouvel (AJN), met en doute ses réponses à des problèmes de
structure et traite aujourd'hui directement avec l'entreprise. On
parle même d'immixtion caractérisée.
Enfin, et surtout, la Philharmonie serait hors de prix. Depuis le lancement du concours en 2007, la facture aurait plus que doublé. Le rapport parlementaire du sénateur Yann Gaillard, déposé le 17 octobre 2012, parle d'une « dérive préoccupante ». L'approche des municipales de 2014 est pleine de rebondissements, chacune des parties se renvoyant la balle dans un match furieux. Le 24 décembre 2013, le Canard Enchaîné pose une bombe sur la table, annonçant « une ardoise alourdie de 25 millions d'euros pour les Parisiens ». 20 minutes reprend : « Le financement de la future Philharmonie dans le collimateur de l'UMP » (26 décembre 2013), suivi de près du Point : « l'opposition accuse le PS d'avoir voulu camoufler une dette de 160 millions d'euros pour financer la nouvelle salle de spectacle de la Philharmonie » (15 janvier 2014). Bertrand Delanoë défend Anne Hidalgo des attaques de Nathalie Kosciusko-Morizet : le projet n'a-t-il pas été lancé sous la présidence Chirac et repris par Sarkozy en même temps que le Grand Paris? Nouvel est partout pointé du doigt. « Archicoûteux pour le contribuable » (Capital, 10 janvier 2014), les « starchitectes » (Le Monde, 21 octobre 2013) de son espèce seraient en voie de disparition...
Bravant la polémique, la Philharmonie sort de terre d'un pas décidé ; son inauguration est prévue pour le 14 janvier 2015. Histoire d'un grand chantier en temps de crise.
Le Grand Paris comme écrin
Le site du projet est une parcelle très particulière, aux confins de Paris intra-muros. Il était longé par les anciennes fortifications de Thiers, auxquelles s'est substitué le périphérique en 1973. Géré par l'EPPGHV (Établissement public du Parc et de la Grand Halle de la Villette), le terrain appartient à l'État. « C'est un peu comme le jardin du Luxembourg : la ville de Paris n'a jamais osé y toucher », nous explique Geoffroy Vauthier lors de la visite. Il ne fait pas non plus partie de la zone d'urbanisme Paris Nord-Est.
Pourtant, la Philharmonie pourrait être le premier projet du Grand Paris. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy débloque le chantier peu après s'être entiché du sujet. En décembre 2009, il réunit les 10 équipes d'architectes urbanistes du Grand Paris à l'Élysée pour annoncer la création de l'AIGP (Atelier international du Grand Paris). Jean Nouvel est membre d'une des équipes aux côtés d'Arep et ACD. En novembre 2010, le chantier de la Philharmonie redémarre, après dix mois d'interruption, contre l'avis de François Fillon.
Bâtiment/monument
Le bâtiment de Nouvel est une pieuvre, qui crée plusieurs connexions urbaines, engageant un dialogue entre l'État, la Ville de Pantin, la Ville de Paris et les Canaux. Il dispose de cinq entrées dont quatre dédiées au piéton. Le public peut y accéder depuis le parc par un double parvis, ou depuis le boulevard Serrurier par la voie réservée aux pompiers. L'entrée des artistes donne sur le boulevard Serrurier. Le parking ouvre directement sur le périphérique, raccourci permettant d'éviter le nœud de la Porte de Pantin.
« La musique n'a pas de frontière. Elle appartient aussi, dans l'âme, aux habitants du Grand Paris », nous dit Jean Nouvel. Pour leur offrir, l'architecte a eu une idée... monumentale : faire monter le public sur le toit. Son objet urbain sera une colline, qu'il compare aux Buttes-Chaumont : « On l'escalade, on monte sur lui, pour voir aussi bien le parc de la Villette que Paris intra-muros, le périphérique, et tout le paysage du Grand Paris. Symboliquement, c'est très important. » Pour la force du symbole, son bâtiment/monument tire au maximum sur le PLU : le toit est à 37 m du sol, surmonté d'un écran « signal » qui monte jusqu'à 52 m et avance au-dessus du périphérique.
Découvrez le reste de l'enquête de d'a : « Y-a-t-il un scandale de la Philharmonie ? »
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