Le mobilier d’accueil de la la MC93 explore les différentes cultures d’assises et mixe les hauteurs avec les postures du corps. |
Après deux années de travaux menés par l’architecte Vincent Brossy, la MC93 de Bobigny rouvre ses portes. Cette réhabilitation d’envergure a notamment permis le redéploiement des 700 m2 du hall et du restaurant par le designer Johan Brunel. Ce dernier profite de la flexibilité nouvelle du lieu pour développer un mobilier de tous les possibles et de tous les instants, questionnant le rôle complexe d’un hall public culturel. |
d’a : Quelle est la genèse de ce projet d’aménagement ?
JB : J’ai remporté cette commande quand j’étais pensionnaire à la Villa Médicis à Rome. Je travaillais alors sur la notion d’« otium », une approche studieuse du loisir et du temps libre que pratiquaient les Romains de l’Antiquité. Le projet de réaménagement du hall de la MC93 a précisément été abordé dans cette direction. On vient y déjeuner, y travailler, y flâner, s’y réunir, y organiser des événements collectifs et toutes formes d’expressions et de créations libres. Le mobilier a été pensé pour être le support de ces usages multiples. Le cahier des charges répond en effet au souhait de la directrice Hortense Archambault de faire de cet espace, désormais ouvert toute la journée au public et aux habitants du quartier, un lieu pleinement occupé en journée, indépendamment de toute programmation. Dans notre proposition, le mobilier fait architecture. Il structure le lieu et encourage une continuité d’usages et de mouvements avec la ville. Il devait donc permettre des scénarios multiples et d’envisager une cohabitation douce entre le travail et l’oisiveté, tout en offrant de la modularité.
Que permet ici la modularité souvent abordée en amont mais pas forcément pratiquée ?
Nous avons travaillé cette modularité suivant plusieurs axes. D’une part, nous avons conçu un mobilier creux et très léger qui se déplace facilement. Et d’autre part, nous avons fait en sorte que son dessin invite à jouer, à manipuler avant même de penser des changements de dispositions. Les tables du restaurant sont reconfigurables en duo, trio, banquets, tables de réunion, etc. Leur géométrie hexagonale permet ces assemblages, mais également les tranches de leurs plateaux dotés de parties mâles et femelles. Aucun face-à-face n’est vraiment permis, mais des situations en quinconce sont favorisées, ce qui augmente le niveau d’échange entre les personnes. Ces tables sont en outre équipées d’une roulette pour être déplacées et stabilisées facilement, comme des brouettes. On peut d’ailleurs s’étonner que ce dispositif ne soit pas utilisé dans les restaurants ! Pour le mobilier d’accueil, nous avons travaillé sur différentes cultures d’assises. Nous avons mixé les hauteurs avec les postures du corps. Nous avons également réalisé une petite librairie nomade, dont les rayons sont constitués de gradins sur lesquels on peut également s’asseoir, à 1 mètre du sol. J’ai aussi proposé d’aménager une vraie zone de repos afin que les visiteurs puissent s’allonger avant un spectacle, par exemple, comme une mise en condition. J’ai suggéré de concevoir des assises avec un filet de catamaran tendu sur un cadre. Ces hamacs peuvent également servir de paravent en position debout.
Sur quelles logiques de fabrication avez-vous travaillé ?
Nous avons travaillé en explorant des ressources locales, qu’il s’agisse de fabrication ou de fourniture. Les banquettes et les poufs, pensés pour générer des petits auditoires et gradins informels dans le hall, ont été réalisés avec le concours de la Fondation Hermès, qui a fait don de cuirs initialement destinés à la collection Hermès et à la sellerie. Les assises ont été réalisées dans le cadre d’un stage de formation des Compagnons du devoir, dont le pôle matériaux souples est situé dans la ville voisine de Pantin. Les structures des banquettes et des hamacs ont quant à elles été réalisées par les ateliers de décor de la MC93, une expérience assez nouvelle pour cette équipe. Dans ce cadre, j’ai dessiné tous les plans de découpes afin qu’il ne leur reste que les pièces à monter, comme un kit. Tout a été usiné à la fraiseuse numérique. Nous avons utilisé des panneaux massifs trois plis d’épicéas. Les assemblages développés sont à base de tenons, de mortaise et de colle à bois pour assurer la solidité de ce mobilier de collectivité. Nous avons exclu tout vissage. Plus compliqué à fabriquer, le bar a été réalisé par un menuisier anglais, Joe Kendall, dont l’atelier est également situé à Pantin. Nous partageons tous deux une sensibilité du meuble assez proche : ne rien cacher, assumer toutes les coupes. Pour ce projet, il a développé des montages massifs à base de tenons et de mortaises : des assemblages Domino. La partie supérieure du bar est quant à elle revêtue d’un linoléum teinté dans la masse de 2 mm d’épaisseur. Ce mélange composé d’une toile de jute imperméabilisée par une pâte à base d’huile de lin, de poudre de bois ou de liège et de pigments a un contact très agréable au toucher, bien plus qu’un revêtement plastique. Le menuisier a également réalisé les plateaux des tables de restaurant, dont les tranches, emboîtables, devaient être géométriquement impeccables |
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