En méduse ou en rose des sables, les projets de musée se multiplient dans les Émirats arabes ; leurs séduisantes images, que l’on retrouve désormais jusque dans les quotidiens gratuits, nous émerveillent chaque semaine. Elles font aussi rêver les architectes et attirent dans nos écoles un nombre chaque année plus élevé d’étudiants. On ne retrouve malheureusement pas cet engouement pour un domaine qui devrait mobiliser plus largement la société : la réhabilitation de l’habitat collectif, qu’il soit « social » ou non. Or la manière dont sera menée la mise en œuvre de cet immense chantier aura en effet un impact majeur, tant sur le plan individuel, social, économique qu’environnemental.
Ce que l’analyse du patrimoine à réhabiliter révèle d’abord, c’est qu’à trop vouloir économiser sur la qualité constructive, on dépense bien davantage lorsque vient le temps de l’entretien ou de la rénovation. On préfère encore laisser se dégrader les bâtiments pour mieux légitimer ensuite leur démolition. Cette culture bien française trahit un mépris qui s’adresse évidemment moins à l’architecture elle-même qu’à ceux qui y vivent. On a vu que ces derniers savent vite faire comprendre par leur comportement qu’ils ne sont pas dupes de cette relégation.
L’un des enjeux majeurs de la réhabilitation réside dans l’énorme potentiel de réduction des frais d’exploitation dus aux surconsommations énergétiques. Du point de vue de l’efficacité écologique et économique, l’apport de l’isolation thermique du bâti antérieur aux années quatre-vingt (c’est-à -dire environ 80 % !) renvoie les éoliennes et autres panneaux photovoltaïques au rang de gadgets amuse-bobos. Ne réduisons cependant pas l’ambition de ce chantier à ses performances techniques. Pour les architectes, la réhabilitation doit d’abord être l’occasion de porter un regard critique rétrospectif sur les certitudes et les illusions qui ont amené la génération précédente à leur léguer ce patrimoine controversé. Il leur faudra ensuite en découvrir l’immense potentiel pour mieux imaginer comment le transformer ou le réinventer.
Emmanuel Caille