Légitimement, les lecteurs de la presse d’architecture attendent que celle-ci leur offre un regard critique sur ce qui se construit et son environnement. Or une architecture ne peut-être située, analysée et interprétée qu’en s’appuyant sur des principes théoriques établis et dont la connaissance et le maniement sont globalement partagés. Ces conditions n’existent plus aujourd’hui ; on l’a assez répété : il n’y a plus d’écoles, d’idéologies ou de corpus d’outils méthodologiques qui s’imposent suffisamment pour fonder un socle commun. Sur ce champ de ruines fleurissent toutes ces architectures décomplexées qui empruntent joyeusement leurs atours à la gamme infinie diffusée par la société de consommation : mode, design, art spectacle ou hybridations multiformes de l’image. Le patrimoine architectural de la modernité n’est pas oublié pour autant, quitte à le réduire au rang d’icône à réinterpréter. Cette situation ne rend l’architecture ni condamnable ni meilleure -on pourrait même penser qu’elle lui offre une liberté salutaire- mais elle tend à rendre vaine toute critique puisque tout paraît désormais possible.
Sans renoncer à une approche classique de la critique, d’a essaye régulièrement d’aborder ses questionnements par d’autres voies. Alors que certains bâtiments ont su devenir des pièces majeures de l’échiquier politique et financier du développement urbain, que les qualités proprement architecturales de ces édifices s'effacent devant la valeur médiatique qu’ils sont susceptibles d’incarner, ne faut-il pas essayer de mieux comprendre la place qu’ils occupent dans ce processus et se demander ensuite comment cet environnement influe à son tour sur l’architecture ?
Le projet urbain est ainsi devenu depuis quelques années un argument significatif des politiques municipales. À court terme, sa réussite dépend davantage de son potentiel d’attraction des investisseurs que de ses véritables qualités urbaines. L’impact visuel des architectures qui le composent revêt alors une importance capitale. Nouvel outil de marketing, ces bâtiments clinquants peuvent donner l’illusion d’une crédibilité retrouvée de l’architecte. N’en font-elles pas plutôt l’otage d’intérêts qui le dépassent ? EC